Mercredi 13 novembre 2024

Économie

Extension de la SOSUMO : Quand la canne villageoise devient source de frictions de la population !

12/10/2022 Commentaires fermés sur Extension de la SOSUMO : Quand la canne villageoise devient source de frictions de la population !
Extension de la SOSUMO : Quand la canne villageoise devient source de frictions de la population !
Un tracteur agricole en action dans la vallée de Rugunga, colline Rutenderi dans Kayogoro où les terres des particuliers sont mises en valeur par la SOSUMO.

Pour plus de productivité, la Sosumo étend ses plantations de canne à sucre dans des terres de la population dans le marais de Rugunga en commune Kayogoro et Kubareremba en commune Bukemba. Chacun est rémunéré en raison de 10 000 BIF par tonne de sucre récoltée. La population parle d’expropriation déguisée. Pour la SOSUMO, c’est un partenariat gagnant-gagnant.

Le complexe est implanté sur une zone qui se trouve entre les rivières Muyovozi, Mutsindozi et la Maragarazi, qui fait frontière avec la Tanzanie. Toutes ces rivières irriguent de vastes champs de canne à sucre.

Mercredi 21 septembre, sous un soleil de plomb, des engins de cette Société sucrière du Moso s’activent. Certains labourent, d’autres tracent des pistes d’accès. Les autres créent des digues de protection sur la rivière Maragarazi qui sépare le Burundi et la Tanzanie. Objectif, faire face aux inondations occasionnées par les crues de cette rivière dans la vallée de Rugunga.

La société sucrière du Moso, SOSUMO est sur la sellette pour son incapacité à satisfaire la demande sur le territoire national. Pour booster sa production du sucre, l’usine est en train d’effectuer des travaux d’extension des champs de canne à sucre.

C’est sur une étendue de 526 hectares dans les provinces de Rutana et Makamba. Elle a étendu ses champs sur ces terres privées dans ce qu’elle appelle « la canne villageoise ». Il s’agit d’un projet d’exploitation des terres des particuliers dans les vallées proches.

Les terres des particuliers mises en valeur par la Sosumo se trouvent dans la vallée de la rivière Mutsindozi faisant la frontière entre les communes Bukemba et Kayogoro. C’est une localité communément appelée ’’Kubareremba’’ situé sur la colline Gihofi de la commune Bukemba dans la province de Rutana.

D’autres champs sont situés dans une vaste vallée de Rugunga, tout près de la Malagarazi sur la colline Rutenderi, commune Kayogoro en province Makamba
La Sosumo s’occupe de toutes les activités nécessaires pour que la canne arrive à maturité. En cas de récolte, le propriétaire est rémunéré en raison de 10 000 BIF par tonne.

Les propriétaires de ces terres n’ont pas la latitude de refuser l’offre de cette société. Ils dénoncent ce qu’ils qualifient d’expropriation déguisée sous la bannière d’un développement communautaire inclusif.

Ils s’inscrivent en faux contre cette solde qu’ils jugent insuffisante et ne tenant pas en compte le coût actuel de la vie. « Cette société paie à nous les propriétaires de canne villageoise 10.000 BIF par tonne récoltée. Si la saison n’a pas été bonne, on peut ne pas avoir une tonne sur les 18 mois qui représentent la période de maturité de la canne à sucre », se lamente, Célestin Bukene rencontré au Centre de Rutenderi en zone Gatabo.

Il ne cache pas son amertume. Selon lui, au lieu de recevoir une somme aussi minable, vaut mieux qu’ils reprennent leurs terres. La vie, dit-il devient de plus en plus chère, mais le montant donné reste statique.

Cette somme, payée par tonne de canne à sucre, fait-il savoir, devrait être revue à la hausse. Il considère que la Sosumo tire beaucoup de bénéfices des terres mises en valeur.

Même indignation chez Jean Kabura, un sexagénaire ayant une propriété dans la vallée de Rugunga. Il pleure toujours ses bananeraies et ses champs de colocase.

Pour lui, la SOSUMO se développe et oublie ces propriétaires terriens. « J’avais une bananeraie et un champ de colocase à perte de vue. Ces cultures m’apportaient au moins 600 mille BIF par saison. Mais, avec la canne récoltée, je ne gagne qu’entre 300 mille et 400 mille BIF après plus d’une année et demie. C’est une perte de plus d’un million de nos francs par an », se désole-t-il.

Des propriétaires n’en reviennent pas

Thérèse Ndayisaba, la quarantaine broie du noir. Elle raconte qu’elle n’a eu, l’année passée, que 30 000 BIF. « Pourtant, si j’y avais cultivé du maïs, du haricot, des tomates, j’aurais pu gagner facilement plus de 300.000 BIF pour un trimestre. Il y a ce sentiment qu’il y a eu une certaine injustice ».

Les mêmes plaintes ont été exprimées par les propriétaires des terres dans la vallée dite « Kubareremba » situé sur la colline Gihofi de la commune Bukemba dans la province de Rutana. Il leur a été demandé de céder leurs terres à la Sosumo laissant leurs cultures plus rentables comme le manioc.

« La rémunération que l’usine octroie aux propriétaires de la canne à sucre villageoise est insignifiante, comparée au rendement que donneraient d’autres cultures. Si je cultivais du manioc, je pourrais facilement avoir après la récolte plus de 2 millions BIF par ha », se plaint un agriculteur rencontré tout près de la plantation. Pour lui, quand les terres ont été cédées, tout le monde pensait qu’on allait en tirer beaucoup de profit.

Le président du comité des paysans propriétaires de terres ’’cédées’’ à la Sosumo pour y cultiver la canne à sucre rejoint la population. Il considère lui aussi que la rémunération offerte par la Sosumo reste minable.

Il précise néanmoins qu’elle a été majorée de 5 500 à 10 000 BIF. Selon lui, les contrats qui lient les propriétaires de la canne villageoise et la Sosumo ont commencé dans les années 1990.

Les propriétaires des terres demandent à la SOSUMO de revoir à la hausse cette somme, ils proposent au moins 20.000 BIF par tonne de canne à sucre. À défaut, ils souhaitent que les terres leur reviennent pour les mettre en valeur comme ils le faisaient auparavant.

La question est connue par l’administration provinciale de Rutana. Le gouverneur de la province de Rutana dit être au courant des lamentations de la population. Il affirme avoir adressé une correspondance au ministère de l’Agriculture pour trouver une solution. « J’ai même adressé une correspondance aux autorités compétentes pour trouver une solution à cette problématique », explique Olivier Nibitanga.

La SOSUMO s’explique

Des plantations de la SOSUMO dans la vallée de Mutsindozi dite « Kubareremba » en commune Bukemba où se trouvent des champs de banane et de manioc de la population.

Jean-Claude Ntwari, directeur de l’agriculture au sein de la SOSUMO donne des éclaircissements. Pour lui, les lamentations des propriétaires associés dans la canne villageoise dans les marais de Rugunga et Bareremba ne sont que des cas isolés. Il fait savoir que le projet a été conçu dans le cadre d’un développement communautaire inclusif.

Pour lui, la somme de 10 000 BIF par tonne de canne à sucre est suffisante. Il se base sur des dépenses engagées par l’usine pour que la canne à sucre arrive à maturité. « La SOSUMO fait elle-même le labour, cherche les semences et les fertilisants, plante et s’occupe du sarclage des plantations jusqu’à leur maturité. Les paysans attendent seulement leur rémunération selon les quantités de canne à sucre récoltée dans leurs champs », explique-t-il.

Pour lui, cette stratégie a payé, car les résultats sont satisfaisants. « Par rapport à la campagne de l’année 2021, la production s’est améliorée jusqu’à 21 %. Quand la responsabilité de certaines activités était laissée à la population, les plantations de canne à sucre étaient presque à l’abandon, l’encadrement était lacunaire ».

Ce directeur de l’agriculture fait savoir que les propriétaires des terres ne perdent jamais par rapport à d’autres cultures. Un hectare cédé, dit-il, peut apporter 1.200.000 BIF, car dans de bonnes conditions, on peut avoir 120 tonnes de canne à sucre sur un hectare. Ce montant n’est pas insignifiant, car la fixation de la rémunération des paysans se fait sur base des dépenses engagées.

Jean-Claude Ntwari explique que la Sosumo s’est donnée la tâche de booster la production pour passer de 20.000 tonnes à 35.000 tonnes de sucre par an. Pour y arriver, pas mal d’actions doivent être menées. Un plan d’affaires détaillé de réhabilitation, de modernisation et d’extension de l’usine.

De son côté, Aloys Ndayikengurukiye, administrateur directeur général de la Sosumo explique que la canne villageoise rentre dans la stratégie du gouvernement. « La population a compris et a cédé ses terres sans contraintes. Elle apprécie même cette politique, car la rémunération est offerte et des avances sont données pour ceux qui le veulent », explique-t-il.

Il dit comprendre que les bénéficiaires réclament encore que la rémunération soit revue à la hausse. Il indique que c’est une proposition qui sera étudiée.

Des réalisations et activités en cours

Jean-Claude Ntwari, directeur de l’agriculture à la SOSUMO, montrant les champs d’expérimentation des nouvelles variétés de canne à sucre en collaboration avec l’ISABU.

Les cadres actuels de la SOSUMO affichent une volonté de booster la production par un plan d’affaires détaillé de réhabilitation, de modernisation et d’extension de la Sosumo.

Son coût est estimé à plus de 110 milliards de BIF. Il a été soumis au Conseil des ministres. Il comporte deux volets sur une période de trois ans à savoir l’irrigation, l’acquisition des engins et équipements agricoles ainsi que des équipements de laboratoire agronomique, la réhabilitation et la modernisation de l’usine.

Les investissements à faire concernent l’installation d’un système d’irrigation ; l’acquisition des engins et équipements agricoles ; la modernisation du laboratoire et la redynamisation de la recherche agronomique.

Selon Jean-Claude Ntwari, directeur de l’agriculture, l’objectif de cette extension vise à atteindre une production de 35 mille tonnes de sucre par campagne à la fin du projet alors qu’actuellement, l’usine ne dépasse pas 20 mille tonnes de sucre par campagne.

Pour lui, la SOSUMO a besoin d’une ligne de crédit dans une banque étrangère, car c’est de l’argent qui sera remboursé. L’entreprise veut s’étendre vers la commune de Giharo. Des activités d’extension sont en cours et l’usine compte y exploiter une superficie de 12.000 ha.

Des activités sont déjà en cours. Il s’agit notamment de la rechercher des nouvelles variétés de la canne à sucre depuis janvier de cette année. Six variétés qui sont cultivées par cette société sont vieilles de 34 ans. Les essais de multiplication de canne à sucre avaient commencé en 1969 à l’ISABU et les premières pépinières ont été installées à Gihofi depuis 1982.

En tout, 30 nouvelles variétés sont alors en essai en collaboration avec l’ISABU pour essayer de trouver des variétés plus productives, résistantes aux maladies et dont la période de maturité est courte. C’est pour la réhabilitation des vieilles plantations. Il y a également des recherches sur de nouvelles formulations de fertilisation.

De plus, la SOSUMO compte développer le projet d’irrigation des plantations. 70 % de ses plantations ne sont pas irriguées et certaines soufrent de stress hydrique. Cela constitue un défi majeur sur la production. Selon l’administrateur et directeur général, 1 400 ha ont besoin d’irrigation en urgence.

En matière de protection de l’environnement et lutte contre le changement climatique, des activités ont été mises en œuvre. Il s’agit notamment de plantations de plants d’arbres comme l’eucalyptus pour amélioration de la qualité de l’air.

Elle dispose des pépinières de bambous et autres arbres qu’ils vont vulgariser. Des bambous sont déjà plantés sur 18 kilomètres le long de la rivière Malagarazi. Objectif, protéger les plantations des cannes à sucre contre les inondations.

La société sucrière du Moso dispose des plantations de canne à sucre sur un total de 3 680 ha de canne à sucre. Les plantations de la canne villageoise s’étendent sur 266 ha.

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