En réponse à la campagne d’expulsion des Congolais établis «illégalement» au Burundi, leurs concitoyens étudiant dans différentes universités de Bujumbura ont enclenché un mouvement de grève depuis ce lundi. Reportage
La cour intérieure du campus universitaire de Ngagara, Université Espoir d’Afrique, est presque déserte. Deux jeunes femmes devisent silencieusement, juste à l’entrée du campus. Devant le service d’accueil, un jeune homme, mélancolique, s’accote à un mur. «Nous ne trouvons pas les mots pour décrire ce qui nous arrivent», murmure-t-il, confiant avoir passé la nuit dans un hôtel. «Pas mal ne dorment plus chez eux, de peur d’être arrêtés ».
Il attend, impatient, Jacques (pseudo), son frère qui demande quelques informations à la réception. Au sortir, Jacques n’a pas le temps de nous parler. «Je suis pressé. Je dois tout de suite partir pour le Congo». Actuellement, confie ce jeune étudiant qui venait de passer 4 ans au Burundi, je ne peux pas me hasarder à passer la nuit dans ce pays.
Ces derniers jours, il signale que beaucoup de Congolais exerçant au Burundi traversent la Rusizi chaque jour par crainte d’être appréhendés par la police. «Nous, on ne comprend pas, quelque chose se cache peut être derrière » lâche-t-il, avant de partir à toute allure.
«Une expulsion injuste»
Il est 10h passée. Plus personne dans les parages. Sauf quelques sentinelles qui font des navettes dans la cour. Dans quelques auditoires, les cours sont animés. Mais peu de présences. «A cette Université, c’est en fait presque uniquement des étudiants congolais. Ils ne se sont pas présentés aujourd’hui», explique l’une des sentinelles.
Plus loin, un grand appartement en étages. Ce sont les homes universitaires. Au rez-de-chaussée, plus d’une dizaine d’étudiants. Ils animent un débat. Certains rentrent d’une partie de football, ils portent encore leurs maillots. D’autres sortent des lits, ils sont encore dans leurs pyjamas. Tout le monde a la mine renfrognée. «Nous avons toujours vécu ici grâce à nos cartes dites CEPGL. Le Burundi serait-il sorti de cette communauté?», répondent-ils en chœur, à Iwacu.
D’après eux, cette carte n’est plus acceptée. «Vous devez disposer d’un passeport valide et d’un visa d’étude ou d’établissement. Sinon, vous êtes arrêtés et expulsés». Ces étudiants estiment injuste cette expulsion. «La moindre des choses aurait été de nous communiquer des changements éventuels afin de nous y conformer». Ils demandent que leurs confrères soient rétablis dans leurs droits. «Un minimum de clémence. Il ne nous restait que deux mois pour terminer cette année académique. Après, nous allons essayer de nous conformer aux nouvelles exigences».
138 Congolais expulsés
La police burundaise elle parle d’une «opération de routine». Les fouilles perquisitions s’inscrivent dans le cadre de ses missions. Rien d’anormal, insiste Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité publique. Il souligne que même des Burundais vivant illégalement dans d’autres pays viennent d’être expulsés. Citant notamment 2 Burundais expulsés, samedi 21 septembre, de la RDC et 22 de la Tanzanie, le 16.
M. Nkurikiye insiste pour dire que « les ressortissants congolais ne sont pas les seuls concernés». La campagne se poursuit, d’autres pourraient être appréhendés demain. Face aux doléances des étudiants, la police burundaise reste catégorique : «Ils savaient bel et bien qu’ils sont dans l’illégalité. Le document qu’ils brandissent ne leur donne pas l’autorisation de résidence. La police doit faire respecter la loi».
Cet officier de police appelle les établissements à s’assurer des documents de résidence aux candidats étrangers lors de l’inscription. Et il avertit, au sujet de la grève entamée : «Nous pensons qu’ils vont interroger la loi. Sinon, des mesures adéquates vont être prises pour améliorer la paix et la sécurité au Burundi.»
138 Congolais ont été expulsés du Burundi, selon la police. A raison de 19 en août et 119 en septembre.