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Expropriés sur ordre du Président, ils n’ont reçu aucune indemnité

01/09/2011 Commentaires fermés sur Expropriés sur ordre du Président, ils n’ont reçu aucune indemnité

Colère de 55 familles de Mbuga, en commune de Rumonge expropriées de leurs terres de 9 hectares sans indemnisation. L’expropriation aurait été faite sur ordre du président de la République pour y ériger un stade moderne de football. La population affirme n’avoir pas reçu l’indemnité versée par le chef de l’Etat. Près de 1000 ménages doivent quitter les alentours du stade car un quartier moderne doit y être construit. Un spécialiste du droit foncier parle de violation de la loi.

A près de 400 mètres du poteau kilométrique 68, à Rumonge (province Bururi), vers le littoral du lac Tanganyika se trouve le chantier d’un stade de football moderne. La population des environs observe le gigantesque ouvrage avec amertume. La fureur se lit facilement sur leur visage. Motif : leurs parcelles auraient été spoliées par le président Pierre Nkurunziza, sans indemnité. C. K. veuve, mère de sept enfants, affirme avoir perdu une palmeraie qui lui procurait au moins 600.000 Fbu par an : « Je ne parle pas de manioc, haricots et autres cultures arrachés, qui faisaient vivre ma famille ». Ce qui est plus alarmant, selon cette population de Mbuga, c’est qu’aucune indemnité n’est prévue.

Ces populations doivent aussi libérer des terres de 2 km de largeur (de la route Rumonge vers le littoral du lac Tanganyika) sur 3,5 Km de longueur (jusqu’à la rivière Munege) pour la viabilisation et la construction de maisons modernes appartenant aux particuliers : « Les parcelles seront nouvellement attribuées, et les anciens propriétaires ne sont pas les premiers bénéficiaires. » Ceux qui ne possèdent pas cinq ares doivent nécessairement quitter les lieux, selon François Marabe, président du comité chargé de suivre de près les questions des propriétés de la zone Mbuga : « C’est injuste, car ces terres nous ont été léguées par nos ancêtres. »

Saleh Cimanimpaye pointé du doigt

Cependant, des sources fiables à Mbuga précisent qu’une indemnité de près de 800 millions Fbu aurait été versée avant la construction du stade par le Président Nkurunziza en 2009. Au moment où les familles de Mbuga s’inquiétaient, un certain Saleh Cimanimpaye, alors député du parti CNDD-FDD, s’engage à suivre la question de près. Dans un acte d’engagement daté du 26 mars 2010, il mentionne : « Je poursuivrai la question jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée. » A leur grande stupéfaction, les victimes de l’expropriation ont reçu une autre lettre de retrait de l’engagement de la même personnalité. Aujourd’hui, ils craignent que Saleh ait empoché leur indemnité : « Le Président de la République ne peut pas prendre gratuitement les terrains des gens. » Pire, cette population a découvert que Saleh s’est approprié un terrain public de football situé près de ce stade. Cela est attesté par un papier délivré par l’administrateur de Rumonge, Léopold Ndayisaba, le 30 avril 2007.

L’intéressé, Saleh Cimanimpaye, n’a pas voulu s’exprimer à ce propos. Contacté, il a indiqué qu’il se trouvait à Karonda, à 15 Km de Rumoge, alors qu’il n’y était pas. Nous l’avons su une fois sur les lieux. Le lendemain, nous l’avons encore appelé ; et après avoir entendu toutes les accusations portées contre lui, il a ri et suspendu l’appel.

Aujourd’hui, autour du stade, la population expulsée s’est fait construire des huttes en paille. Elle déplore qu’aucun député élu à Bururi ne suive de près leur question, car jusqu’au moment où nous écrivons ces lignes, personne n’est allé leur rendre visite.

« Personne ne doit être contre le développement. »

La population et l’administration sont parvenues à un compromis selon l’administrateur de Rumonge, Gérard Ndikumana : « Nous avons décidé que tous ceux qui ont moins de 5 ares doivent quitter les lieux. » Ces derniers seront installés sur un autre terrain en cours de viabilisation dans la même zone et seront indemnisés, précise-t-il. Par contre, explique M. Ndikumana, ceux qui possèdent entre 5 et 15 ares vont bénéficier d’une parcelle, mais n’auront pas droit à une indemnité.

L’administrateur communal de Rumonge, s’est pourtant refusé à commenter la grogne de 55 familles contre le Président Pierre Nkurunziza : « C’est une question qui me dépasse.» Selon le ministre de l’environnement et de l’aménagement du territoire Jean Marie Nibirantije, ces terres appartiennent à l’Etat : « Ces gens s’y sont introduits illégalement. Si l’Etat veut réaliser un projet sur un terrain qui lui appartient, il les expulse n’importe quand et sans dédommagement. » Le ministre Nibirantije considère ces familles expropriées comme une association animée d’un esprit de rébellion et qui combat contre le gouvernement.

« Personne n’a le droit de violer la constitution »

Professeur Didace Nimpagaritse, spécialiste du droit foncier est sans équivoque : « Avant d’exproprier les tiers, l’Etat, une personne physique ou morale de droit public doivent d’abord indemniser les anciens occupants avant de faire un projet. » Professeur Nimpagaritse cite l’article 36 de la constitution qui stipule que « toute personne a droit à la propriété. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité ou en exécution d’une décision judiciaire coulée en force de chose jugée. »

Selon ce spécialiste en droit foncier, en ce qui est de l’indemnité, on considère la valeur de la propriété et de tout ce qui s’y trouve (les champs, les plantations, les infrastructures, etc.). Il précise que cette indemnité peut être envisagée autrement : « On peut leur octroyer un autre terrain de mêmes dimensions que celui qui vient d’être exproprié, en ajoutant une somme d’argent correspondante à tout ce qui s’y trouve. »
Professeur Nimpagaritse estime que personne, fût-il Président de la République, n’est au-dessus de la Constitution, car c’est la loi suprême du pays.

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