Mandarines, poissons, huile de palme, sucre, etc. sont souvent exportés sans autorisation. Le ministère du Commerce accuse l’OBR et la police de cautionner sciemment ces exportations illégales. Ces derniers affirment, à leur tour, que ce ministère fuie les responsabilités.
Marché de Rumonge. 12 heures, il est achalandé. Habits, chaussures, vivres, tout s’achète. Même si les gens se lamentent : « C’est incroyable, avec 10 mille francs, on ne peut pas remplir un petit sachet en caoutchouc. » Côté fruits, c’est presque désert. Seules quatre femmes vendent les mandarines. Où sont les autres ? : « Nous étions plus d’une cinquantaine ici il y a trois mois, mais les autres ont vu qu’elles n’ont plus de clients et ont abandonné ce commerce. » La raison est simple, selon un habitant de la colline Kagongo, zone Kizuka, commune Rumonge : « Des camions venant du Rwanda débarquent ici et raflent toutes les mandarines. » Ce qui, pour cet habitant, est à l’origine de la hausse du prix de ce produit : « Car les commerçants qui vendent ces fruits au Rwanda achètent jusqu’à 70 mille Fbu l’arbre de mandarines. » Et partant, elles manquent sur le marché local et les vendeurs revoient à la hausse le prix de ce fruit : « La quantité de mandarines qui coûtaient 500 Fbu, il y a trois mois, valent 1000 Fbu aujourd’hui. » Cet homme affirme qu’une famille peut gagner entre 500 mille francs et 1 million de francs par an, selon l’étendue du champ de mandarines dont il dispose. Et ces commerçants qui vendent les mandarines au Rwanda, Tanzanie et souvent en République Démocratique du Congo achètent les champs de mandarine juste à la floraison.
« Nous évitons que nos fruits pourrissent »
Simon Ndirariha, de la colline Kagongo, est de ceux qui vendent aux exportateurs les mandarines à la floraison. D’après lui, ils les vendent parce que les consommateurs locaux ne parviennent pas à les écouler (l’offre est supérieure à la demande) : « Si nous ne les vendions pas au Rwanda, ils pourriraient certainement. » La preuve, selon lui, c’est qu’au Rwanda, ils ne sont pas attirés par le prix au kg des mandarines, car il est fixé à près de 300 Frw (environ 690 Fbu). Les Rwandais sont attirés par nos mandarines parce qu’ils sont succulentes par rapport à ceux d’autres régions, explique M. Ndirariha : « Car notre sol est mélangé à du sable. » Il propose d’ailleurs aux hommes d’affaires burundais de créer des usines pour la fabrication du jus à partir de leurs fruits. La population de Rumonge affirme, en outre, que l’huile de palme et le poisson, surtout, sont clandestinement et régulièrement exportés vers le Rwanda et la Tanzanie.
De la corruption ?
Le porte-parole du ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, Dismas Baradandikanya reconnaît qu’il y a des produits qui sont exportés illégalement. Pourtant, affirme-t-il, le ministère régule les exportations : « Nous délivrons le certificat d’exportation ». Les obstacles, explique le porte-parole du ministère du commerce, se trouvent au niveau de l’Office Burundais des Recettes (OBR) et la police : « Très souvent, ils laissent passer des exportations illégales ou clandestines des marchandises, y compris les produits sensibles comme le riz, le sucre, le blé, le maïs, le riz, la farine de blé et de maïs. » Le porte-parole du ministère du Commerce affirme que l’exportation des mandarines de Rumonge n’et pas autorisée : « Seuls ceux de Matongo, province Kayanza possèdent des certificats d’exportation délivrées par notre ministère. » Il estime, en outre, que le protectionnisme n’est pas une solution pour le Burundi : « On ne s’auto-suffit pas. Le Rwanda pourrait aussi empêcher l’exportation de ses pommes de terre au Burundi, et la Tanzanie pourrait bloquer la farine de manioc. » Toutefois, Selon une source, la Tanzanie a limité l’exportation du riz, et les négociations seraient en cours avec le Burundi pour débloquer la situation.
« Ils réfutent les allégations portées contre eux »
L’OBR n’y est pour rien, affirme Dieudonné Kwizera, son porte-parole. Pour lui, c’est le ministère du Commerce qui doit réguler le commerce : « S’il livre des attestations d’exportation, il faut qu’elles soient accompagnées par une ordonnance ministérielle. » Sinon, d’après M. Kwizera, l’OBR peut penser qu’ils auraient décidé de laisser passer certaines marchandises lors des rencontres régionales. Et d’ajouter que les agents de l’OBR rentrent chez eux à 17h30 minutes : « S’il y a des marchandises qui passent par les frontières après cette heure, il faut interroger la police. » Pour le porte-parole de la police nationale, Elie Bizindavyi, les agents de la police qui sont sur les frontières ont une mission précise : « Ils contrôlent le mouvement des personnes et les bagages qu’ils portent pour vérifier s’il n’y a pas d’objets qui peuvent nuire à la sécurité. » La régularité des documents d’importation ou d’exportation des marchandises est la tâche de l’OBR, selon Elie Bizindavyi.