Le Président de la République a ordonné, le 1er mars dernier, la suspension de l’exploitation de l’or sur tout le territoire national pendant deux mois. Des sources sûres indiquent que plusieurs raisons dont des détournements seraient à la base de cette mesure.
<doc7663|left>Zone Kamaragambo en commune Butihinda à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de la province Muyinga. La population a bravé un froid rigoureux pour s’occuper de ses activités sous une pluie fine en cette matinée du 1er avril.
Mais d’autres, surtout des orpailleurs sont tranquillement assis en regardant le temps passé. Plusieurs militaires et policiers ont été dépêchés sur place pour empêcher toute violation de la mesure présidentielle. Mais tout le monde s’interroge: « Pourquoi le Président a-t-il suspendu l’exploitation de l’or pendant deux mois ? »
Pour l’un des orpailleurs qui a gardé l’anonymat, le Président a pris cette mesure à cause du détournement qui s’observe depuis longtemps dans l’exploitation de l’or à Butihinda : « Des gens se font des millions mais le gouvernement ne gagne presque rien, car ils ne payent pas suffisamment d’impôts. »
Les conditions pour l’exploitation : d’après les sources de Butihinda, une fois associés, ces membres mettent ensemble les moyens pour la location d’un terrain à exploiter. Ils sollicitent ensuite l’agrément auprès du ministère de l’Energie et des mines. Cet agrément coûte 5000 dollars américains. Ils présentent une attestation de vacance de terrain, délivrée par la commune, comme preuve que le terrain à exploiter existe et qu’il ne présente pas de litiges.
Cet orpailleur donne l’exemple de grands actionnaires de l’une des associations de Butihinda qui ne déclarent pas la totalité de l’or que leurs employés découvrent : « Une fois arrivés au comptoir de Bujumbura lors des ventes, ils ne déclarent qu’un dixième de leur gain pour ne pas payer plus d’impôts. »
Au début de cette année, révèle N.A., un orpailleur, des actionnaires ont déclaré 10 kilogrammes. « Nous avions pourtant découvert plus de 100 kilogrammes », explique-t-il. « Sachant qu’un kilogramme coûte actuellement autour de 90 millions de Fbu, on comprend facilement qu’ils se font beaucoup d’argent », indique notre source.
<quote>[Parlons Énergies et Mines au Burundi : qui fait quoi, quand, et où ? ->http://iwacu-burundi.org/spip.php?article4141]</quote>
Un haut gradé impliqué
Toutes ces manœuvres, poursuit un autre orpailleur, sont favorisées par un haut gradé de l’armée qui, à son tour, perçoit un certain pourcentage sur tout l’or découvert.
D’après lui, la décision du Président serait tombée après qu’un général de l’armée soit allé dénoncer cette situation chez le numéro un burundais. « Il a exigé la tenue d’une réunion extraordinaire entre tous les généraux issus essentiellement du Cndd-Fdd. » Une réunion officieuse précise toutefois notre témoin. La même source indique que ce général aurait clairement accusé ce haut gradé de l’armée de spolier les richesses du pays devant le Président. C’est pourquoi le Président de la République aurait pris cette décision pour éviter tout nouvel accroc entre les généraux.
L’autre raison de cette suspension, avance un autre orpailleur rencontré à Butihinda, résiderait dans les traitements dégradants infligés aux orpailleurs. Par peur des vols, des fouilles corporelles ont été mises en place par un certain Nzambimana, surnommé commando. Il semblerait en effet que nombre de travailleurs tentent d’extraire illégalement de l’or en le cachant, par exemple, dans leur anus.
<doc7664|left>A chaque remontée, les travailleurs sont tous fouillés à l’aide du même gant (sic !) Un manque d’hygiène qui entraîne des conséquences sanitaires graves pour les orpailleurs : « Certains sont tombés malades et sont partis se faire soigner à Nairobi comme un certain Jonas. »
Les conditions de travail sont également pointées du doigt. Ainsi, les orpailleurs sont exposés au danger, souvent mortel, des chutes de pierres ou d’asphyxie. Notre source indique que 7 personnes sont mortes en février, étouffées à l’intérieur d’un trou appartenant à l’association Terimbere. Les chefs d’équipe, explique-t-elle, utilisent des dynamites pour faire exploser les rochers, puis utilisent un compresseur pour aérer. Ce jour-là, poursuit-elle, un filtre à air du compresseur est tombé en panne et le compresseur a envoyé du gaz carbonique. « Les orpailleurs en sont morts », signale-t-elle.
Les orpailleurs rencontrés à Butihinda saluent ainsi la décision présidentielle d’arrêter momentanément les activités minières. D’après eux, cela leur donnera plus de protection. Car, actuellement, ils y descendent avec un marteau, un burin, un sac et une lampe torche seulement.
« La mesure est respectée »
Contacté par Iwacu, Léonidas Hatungimana, porte-parole du Président de la République, nous a renvoyés au ministre de l’Energie. Firmin Nikoyangize, assistant du ministre de l’Energie et des Mines, indique que les représentants de ce ministère et ceux de la sécurité publique, de l’Intérieur, de l’Environnement ont effectué une visite en province Cibitoke le 18 mars. « Nous avons constaté que la mesure était respectée », affirme-t-il. Firmin Nikoyangize parle d’autres visites organisées du 7 au 15 avril dans neuf provinces du pays pour s’enquérir de la situation. Pour les hauts grades cités dans le commerce illégal de l’or, l’assistant du ministre fait savoir que des enquêtes seront menées et que des sanctions seront prises. Le colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de la force de défense nationale, affirme qu’il n’est pas au courant de cette affaire.
<quote>Les conditions pour devenir membre d’une association d’orpailleurs : des sources à Butihinda confient que des gens se mettent souvent ensemble et créent une association. Un montant de plus de 10 millions de Fbu est exigé pour les actionnaires de l’association tandis que les orpailleurs déboursent une somme oscillant entre 200 et 300 mille de nos francs en guise d’affiliation. D’où, expliquent nos sources, la présence de la plupart des membres influents du régime ou des hommes d’affaires. D’après les mêmes sources, la moyenne des recettes annuelles pour chaque association peut dépasser un milliard de Fbu. Le gain d’un membre d’une association d’orpailleurs peut atteindre 10 millions de Fbu tous les trois jours. L’effectif de chaque association étant compris entre 50 et 100 personnes.</quote>