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Exclusif : le président Nkurunziza s’exprime sur la justice transitionnelle

05/05/2013 Commentaires fermés sur Exclusif : le président Nkurunziza s’exprime sur la justice transitionnelle

Alors que les Burundais attendent depuis 12 ans la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), le président Pierre Nkurunziza s’exprime sur la justice transitionnelle dans une interview exclusive.

<doc6670|left>{En vous référant aux Accords d’Arusha, où en êtes-vous avec la CVR ?}
Le processus arrive à une étape satisfaisante. A part différentes réalisations même avant la mise en place des textes régissant la CVR, il y a eu beaucoup d’efforts entre les Burundais sur la voie de réconciliation, certains se sont dit la vérité sur leur passé. Au début de cette année, beaucoup de choses vont être réalisées via une loi et un organe à mettre en place et qui aidera dans la connaissance de la vérité et la réconciliation.

{La CVR est un programme difficile s’étendant sur une période de 1962 à 2008. Va-t-elle toucher à toutes les crises connues dans cette période ? }
Il y a eu beaucoup des compromis entre Burundais et ces derniers l’ont concrétisé dans la mise en place de nouveaux organes de sécurité, comme la police et l’armée, l’organisation des élections, le rapatriement et la réinsertion des réfugiés.
Ce sont des questions sérieuses liées au passé. Pas de doute que nous serons à la hauteur en se référant aux archives écrits. Avec la volonté des Burundais, on réussira.

{Ce processus demande beaucoup de moyens financiers et techniques. Pensez-vous que le Burundi est prêt pour trouver tous ces moyens exigés ?} 
La CVR concerne les Burundais. Il y a beaucoup de choses que les gens croyaient impossibles, irréalisables, mais qui ont été réalisées. S’il y a la volonté, les moyens ne vont pas manquer parce que le premier moyen, c’est comprendre ce processus et son intérêt. Du reste, l’argent est une chose qu’on cherche et qu’on trouve.

{Est-ce que la vérité éclatera au grand jour sans une participation des politiciens aujourd’hui en exil ?}
Nous souhaitons que ce processus soit pour tous les Burundais. Nous sommes dans une période de paix, une période de sécurité et de réconciliation. Chaque Burundais a droit de vivre là où il espère, les portes sont ouvertes pour rentrer au pays natal. Nous avons lancé un appel à tous les Burundais de l’Europe, de l’Amérique, … en leur disant que c’est le moment de s’asseoir ensemble pour traiter notre passé sans exclusion. Mais les moyens de communications sont modernes, ils peuvent venir ou envoyer leurs propos via les techniques modernes. Il n’y a pas à dire aujourd’hui qu’on n’a pas trouvé de moyens pour donner une proposition. Mais le mieux serait de venir.

{Comment êtes-vous en train de préparer les esprits pour que la vérité ne génère pas des traumatismes et de nouveaux conflits?}
Les Burundais ont déjà commencé à se dire la vérité. Les Burundais seront déjà à une étape avancée lorsque la CVR sera mise en place. Nous apprécions les travaux déjà réalisés par les hommes d’églises dans la réconciliation. Des gens traumatisés existent mais je crois qu’il n’y aura pas de révélations terrifiantes pour les Burundais. Même ceux qui se sont entre-tués parviennent à se dire la vérité. Nous sommes confiants, comme le sont les Burundais, qui souhaitent savoir la vérité sur ce qui s’est réellement passé pour préparer l’avenir. Tout ce que nous avons fait comme dialogue, nous l’avons bien pris au sérieux pour que celui qui est traumatisé puisse être assisté sans problèmes.

{Certains proverbes burundais empêchent les gens à dire la vérité. Pensez-vous qu’ils vont réellement dire toute la vérité ?}
Il y a des proverbes de nos anciens qui étaient valables à leur temps. Personne ne peut aujourd’hui affirmer détenir seul la vérité ou une information. Nous constatons que les techniques modernes permettent aux gens d’être plus à l’aise dans la transmission de leurs avis. Si on analyse les rencontres faites avec la population, celle-ci ose dire tout ce qui s’est passé sur leur colline. Les bourreaux et les victimes parviennent à cohabiter sans crainte. Nous croyons donc que la CVR servira même d’exemple pour d’autres pays. Beaucoup de gens vont être surpris.

{A titre individuel, comment appréciez-vous cette action de « recherche de la vérité » ?}
Dire la vérité, c’est un grand pas dans le changement de mentalité des Burundais puisque les gens ont l’habitude de mentir. Nous avons vu les conséquences des mensonges, les fausses accusations. Cela nous a donné une grande leçon parce qu’il y a ceux qui ont fui le pays, perdu leurs biens,… à cause des mensonges.
Actuellement, il est temps que la vérité soit inculquée dans la culture burundaise pour divorcer avec cette culture du mensonge. La vérité sauve, aide dans la bonne cohabitation. Il n’y a pas moyen de mentir, on finit par s’expliquer un jour. Il est grand temps de montrer que la vérité doit être le guide de tous les Burundais dans leur vie quotidienne.

{La CVR comprend le pardon, la vérité, la réforme des institutions et les réparations. Après avoir trouvé la vérité, à quoi servira-t-elle ?}
La vérité est importante. Elle guérit les cœurs troublées et efface les suspicions entre les gens. Elle va nous aider à connaître notre histoire. Nous nous sommes accusés mutuellement, il y a ceux qui ont écrit l’histoire sur base de leurs ethnies, de leurs partis, … Cette vérité va nous permettre de connaître la vraie histoire de notre pays et si quelqu’un connaît son histoire, cela va l’aide à préparer son avenir. L’histoire et la culture sont comme les racines d’un arbre.
Si nous avons une fausse version de notre histoire, nous ne pouvons construire que sur des fondements très fragiles. C’est pourquoi cette vérité nous permettra de connaître nos forces et nos faiblesses tout en essayant de les corriger et construire sur nos points forts. Même la jeunesse va s’en inspirer pour leur vie future.

{Avec la vérité, certaines personnes vont pardonner et d’autres refuseront de l’accorder. Pensez-vous que ces derniers auront la justice ?}
Ce n’est pas ici que la justice transitionnelle commence. Dans d’autres pays, cette justice a fonctionné. Après la collecte des informations par la CVR, nous saurons l’étape suivante. Soit la réconciliation ou la justice. Mais, il est très tôt pour le dire. La justice est permise à n’importe quelle personne qui se sent insatisfaite. Le but du gouvernement n’est pas de prononcer les résultats avant le rapport de la CVR.

{Sur les collines, les victimes réclament la réparation. Pensez-vous qu’ils seront réparés ?}
La réparation est plus utilisée pendant le processus de Justice transitionnelle. Donner un geste de réparation à quelqu’un, c’est un signe d’apaisement.
Selon les résultats des consultations nationales, c’est possible au Burundi. Mais de quelle manière ? Pour beaucoup de cas c’est la construction d’un bien public comme un hôpital, une école, une adduction d’eau potable, un marché,… Bref, les choses qui aident la population à accroître son mode de vie. La réparation doit être insérée dans ce processus et nous allons le faire suivant l’état de notre pays.

{Vous êtes aussi serviteur de Dieu. Pensez-vous que les bourreaux auront le courage de dire la vérité et de demander pardon devant le peuple et Dieu ?}
Les Burundais sont réservés, mais quand ils ont besoin de dire la vérité, ils le font. Si c’est le moment de se calmer, c’est pareil. Dans ces jours, ce n’est pas le moment de garder le silence. Si quelqu’un pense qu’il va cacher la vérité d’autres en parleront. Ce qui s’est passé, c’était au vue et au su de tout le monde.

{Que dites-vous d’une CVR mixte avec des commissaires étrangers ? }
Ce sont les Burundais qui sont appelés à résoudre leurs problèmes. Mais, un coup de main n’est pas à négliger, avec des limites cependant. La CVR sera composée par les Burundais à laquelle s’ajoureront des intervenants pour donner peut-être des conseils.

{La Communauté internationale peut geler tout financement de ce processus si elle s’estime non efficacement représentée dans la CVR. Est-ce que le processus pourrait-il continuer ?}
Il va continuer car c’est pour les Burundais. Nous allons utiliser le peu de moyens dont nous disposons. Nous avons trouvé des solutions pour d’autres problèmes avec nos moyens. D’ailleurs ceux qui nous aideraient ont de problèmes financiers.

{Le projet de loi envoyé à l’Assemblée nationale propose un mandat de 3 ans pour la CVR. Est-ce qu’il n’y a pas risque de télescopage entre le processus de recherche de la vérité et les préparatifs des élections de 2015 ?}
Il n’y aura pas de problèmes car les Burundais sont intelligents. Il n’y a aucun avantage à troubler ces événements car cela peut ruiner le pays. Tout le monde veut que tout se passe dans la paix et la sécurité. Dieu nous a donné de la sagesse pour en tirer profit. Si nous constatons que cela peut mal tourner, nous allons étudier ce qui nous sera utile.

{Après la découverte de la vérité, quel est votre programme, puisqu’il faudrait assainir les institutions en empêchant que des responsables politiques ayant des mains sales ne continuent à avoir des responsabilités ?}
Tout est possible, le changement du pouvoir dans le strict respect de la loi est normal. Et si elle est fermée sur la question, il n’y a rien à faire. Mais la Justice transitionnelle n’est pas une invention des Burundais, même ailleurs on y est arrivé. Nous allons attendre le rapport de la CVR et voir s’il n’y a pas risque de tomber dans un piège.

{Votre rêve du Burundi après la CVR ?}
Nous espérons que les Burundais pourront dire adieu aux conflits qui les ont opposés. Le passe prépare l’avenir et le passé ne change pas. Nous espérons que nos enfants diront "il était une fois" et qu’ils vivront en paix.
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||Cet article est publié dans la série {"Le passé non composé"}||

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