La direction scolaire dans la municipalité de Bujumbura a récemment décidé d’intégrer un nouveau système d’évaluation : un examen unique par commune. En vue de décourager les vols des examens et détecter les enseignants qui n’avancent pas dans les programmes. « Une improvisation », analysent les professionnels de l’éducation.
« Pour l’Etat, c’est une bonne mesure, mais ce système est une énigme difficile à déchiffrer », lance un préfet des études, d’un lycée (sous anonymat). En effet, explique-t-il, elle crée confusion chez les enseignants regroupés dans les réseaux scolaires. Selon les témoignages des concernés, ils ont été avisés de la décision une semaine avant la passation des examens.
« Le travail en réseaux scolaires n’est pas aussi efficace », critiquent-ils. Pour eux, être en réseaux supposait s’entraider entre titulaires d’un même cours pour relever leurs niveaux mais aussi tenir, régulièrement des réunions.
« Cela n’a pas lieu faute de manque de temps, généralement destiné au cours et de moyens didactiques », dénonce I.V, un de ces enseignants interrogés. D’après lui, aucune règle régissant les réseaux scolaires, ni un document écrit régissant les lignes directives de ce système d’évaluation n’existent pas. Et de se résumer : « Ce système relève d’une hâte.»
Plusieurs enseignants dénoncent un ralentissement du niveau d’apprentissage chez certains élèves et un relâchement dans le mode d’évaluer. « Les moyens d’encadrement pratiques sont quasi inexistants dans notre réseaux », rappelle, le préfet d’études d’un lycée du Nord de la capitale.
S’exprimant sous anonymat, il estime que l’Etat aurait dû considérer quelques points tels l’excellence recherchée par certains établissements, le pouvoir de l’enseignant sur l’élève, le manque de ressources humaines. « Une classe qui vient de passer deux mois sans le professeur de Chimie, comment voulez-vous qu’elle soit évaluée au même titre que d’autres. »
Du côté des syndicalistes, Emmanuel Mashandari, président du Conapès, dans le système éducatif, l’improvisation provoque toujours des casses. « Il faut y aller méthodiquement ».
Il trouve que ce système ne favorise pas la réussite. « Des élèves vont passer un examen sur une matière non vue et dans ce cas, l’échec est garanti ».
Des faiblesses déjà repérées
Les enseignants interrogés craignent des tricheries et des vols d’examens. « Il y a un décalage inexpliqué, au moment d’aller chercher les questionnaires », indique un d’entre eux. Selon lui, des irrégularités se sont déjà manifesté au tout premier jour de passation d’examen, ce lundi 7 décembre. « Les uns ayant collectés les questionnaires vers 6h du matin, d’autres vers 8h du matin. »
Un préfet interrogé fait état des directeurs d’écoles qui ont déjà contacté l’équipe mise en place par la DPE pour une affaire de corruption.
Une responsable d’une Ecofo, au sud de la capitale note des irrégularités au sein des directions communales chargées de choisir les examens : « Les examens censés être imprimés nous parviennent en manuscrits et tardivement».
Ce qui ne favorise ni l’enseignant, ni l’élève, déplore-t-il. Car, justifie-t-il, l’horaire doit être respecté, dans toutes les écoles d’un même réseau. « On doit saisir sur machine et les multiplier ensuite. »
Alors que les examens devraient avoir été acheminés tous, aux directions, au plus tard, le 5 novembre, nos sources affirment qu’ils sont distribués tous les matins des jours de passation.
Du côté des apprenants, il faut que l’ancien système soit restauré. « On n’a pas assez de jours pour réviser. Or, la matière est vaste. On peut faire plus de deux séries, dans une journée. Je préfère les horaires d’avant », renchéri Ndikumana Chloé, élève en classe de 8ème année.
D’après lui, on donne un examen facile mais ce système ne favorise pas la réussite. « Le premier jour, on a fait les maths. Avant, on avait droit à deux séries, chacune de deux heures.
Désormais, elles sont confondues. Nous avons trois heures de travail», explique Ineza Elvira, élève en 3ème post fondamentale, au Lycée Notre Dame de Vugizo.
Ce système d’évaluation est en œuvre dans les provinces de Karusi, Gitega et Muyinga, il y a 4 ans. Il faut noter que les écoles d’Excellence ne sont pas concernées.
Attention aux enseignants ‘’lents’’
Pour la direction provinciale de l’enseignement (DPE) en maire de Bujumbura, cette mesure permettra de repérer les professeurs qui n’achèvent pas le programme scolaire à temps.
« Cela ne devrait pas susciter des polémiques. Car, ils choisissent eux-mêmes les questions et les soumettent au sein des réseaux scolaires », tranche Patrice Tuhabonyimana, DPE de Bujumbura. Selon lui, ce système est avantageux.
Néanmoins, il reconnaît que quelques difficultés vont être observées dans sa mise en application. « Mais, elles seront corrigées au second trimestre », tranquillise-t-il.
Concernant les tentatives de corruption, M. Tuhabonyimana rassure : « Le choix d’examens a été confié à des inspecteurs auxquels nous faisons confiance de ne pas ébruter l’information».