En 1974, Claude Sautet a réalisé un magnifique film sur le thème de l’amitié intitulé « Pierre, François, Paul … et les autres ». Un peu comme dans le film de Sautet, l’Afrique se retrouve face à de « vieux copains » cinquante ans après les années d’indépendance pour la majorité des pays du continent.
Comme dans le film, tous sont d’âge mûr et ont traversé les grandes tempêtes de la vie. La question est de savoir, comment amorcer un nouveau virage pour le restant de l’existence. En tout bien, tout honneur… Quelque part, les relations internationales ont quelque chose de ressemblant à la complexité de l’âme humaine. Là aussi, certaines valeurs devraient sans doute l’emporter sur une médiocrité facile, mais toujours néfaste…
Après les siècles d’esclavage (pas toujours dans le sens que l’on croirait d’ailleurs !), après des décennies de colonialisme et de néocolonialisme, nous assistons au 21ème siècle à un bouleversement des hiérarchies entre les puissances politico-militaro-financières dans le monde.
D’abord la vielle Europe, ensuite l’Amérique du Nord ; et maintenant, l’Asie et plus particulièrement la Chine qui se réveille[[C’est Alain Peyrefitte, dans un livre intitulé: « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » (Paris, Fayard, 1973, 475 p.), qui prête cette phrase à Napoléon 1er.]] et surpasse de jour en jour tous les pays en termes de production et de croissance. Pour la seule Afrique, durant l’année 2011, le commerce entre les deux régions a atteint le chiffre record de 166 milliards de dollars US, selon le ministre du Commerce chinois[[Chahine, J., « Chinese and American tension escalate over African resources » in Examiner.com, Aug. 7th, 2012]] .
Aujourd’hui, les Européens aussi bien que les Nord-Américains s’irritent de constater l’attraction de plus en plus grande qu’exerce Pékin sur les capitales africaines. Ils émettent des reproches qui pourraient leur être adressés au sujet de toutes ces années de coopération inégales et injustes avec les peuples africains : corruption, soutien à des régimes oppressifs, exploitation éhontée des ressources naturelles, échanges inégaux, absence de transfert de savoir-faire (« Know-how »), appropriation de terres arables (colonisation ? les mots changent sans que le contenu bouge…)…
Même un mariage de raison, s’il le faut !
Mais en dernier ressort, la faute n’est-elle pas imputable à nous-mêmes les Africains ? Qu’avons-nous à toujours attendre le salut de l’extérieur ? Que faisons-nous pour être unis et négocier des rapports de commerce et d’échange équitables ? Quelles stratégies mettons-nous sur pied qui ne soient pas importées, mais réellement appropriées aux intérêts de nos populations et de notre environnement ? Tous ces amis, Europe, Amérique, Asie … et les autres pourraient entretenir des rapports cordiaux et respectueux s’ils constataient que c’est ce que nous recherchons vraiment. Et, il serait heureux de recevoir d’eux, à peu de choses près, le commentaire qu’a fait Alain Peyrefitte au sujet de la Chine il y a quarante ans : « Des changements qui ont bouleversé la Chine, le plus profond, est celui par rapport aux autres pays. Elle s’est tirée d’affaire elle-même. Elle est devenue puissance thermonucléaire par ses propres moyens. Elle est entrée aux Nations unies, malgré l’hostilité américaine et l’inimitié soviétique. C’est beaucoup plus important que si, pendant ce temps, elle avait accru son revenu annuel de quelques dizaines de dollars de plus par an ».[[« Quand la Chine… », p 437 cité par François Joyeux dans ‘Revue des Livres]]