A l’occasion des Etats Généraux de l’Education organisés du 14 au 16 juin, tous les intervenants ont estimé que le système éducatif burundais est confronté à moult défis. Des recommandations ont été émises pour relever ce secteur. Le ministre en charge de l’Education se dit satisfait.
Plusieurs défis qui hantent le système éducatif burundais et l’empêchent d’être compétitif sont relevés par presque tous les intervenants. Il s’agit notamment d’un financement insuffisant, une faible qualité des enseignements, des classes pléthoriques à tous les niveaux ; l’inadéquation entre la formation et l’emploi ; un encadrement des élèves déficient ; un matériel didactique insuffisant et des salles d’université vétustes et mal équipées, une insuffisance des supports pédagogique, etc.
La mise en place de l’école fondamentale et du système BMD (Baccalauréat-Master-Doctorat) sont censés apporter une valeur ajoutée au système éducatif burundais. Cependant, ces réformes ont aussi généré des défis, comme l’insuffisance des infrastructures scolaires, académiques et de matériel didactique ainsi que l’absence de programmes pertinents.
Sous le thème « Bâtir un système éducatif performant pour un meilleur avenir du Burundi », ces Etats Généraux de l’éducation ont vu la participation de plusieurs intervenants dans le système éducatif. Il s’agit des concepteurs et coordonnateurs des programmes aux niveaux primaire, secondaire, universitaire, des représentants des étudiants, des syndicalistes, des hauts cadres de l’Etat, des spécialistes ainsi que d’autres acteurs de l’éducation.
Ils ont été appelés à échanger sur les forces et les faiblesses du système éducatif burundais pour envisager de manière concertée et coordonnée des solutions durables et adaptées aux réalités du pays. Sans oublier de prendre en compte la donne régionale et internationale.
François Havyarimana, ministre en charge de l’Education, souligne que l’objectif global de ces assises est de diagnostiquer le système éducatif burundais, miné par de nombreux défis, en vue d’améliorer ses performances et sa compétitivité. Dans son discours, il a reconnu que plusieurs recommandations issues des États Généraux de 2014 n’ont pas été mises en œuvre. Selon lui, le secteur de l’éducation manque cruellement des moyens financiers pour faire face aux moult défis de ce système.
Le budget de l’Etat alloué à l’Éducation (+20%) reste faible relativement aux défis liés à ce domaine. « Le budget alloué à l’Education reste faible l’on considère le budget nécessaire pour redynamiser ce secteur. De même, nombre de partenaires disposent des financements pour l’éducation mais qui ne sont pas rationnellement canalisés. Pour optimiser les chances de réussir et de formation de la jeunesse, nous ne pouvons pas y parvenir sans nous associer avec tous les acteurs du secteur », indique le ministre.
« Risque d’une nation composée d’ignorants »
Victor Ndabaniwe, président de la coalition des syndicats des enseignants pour la solidarité Nationale (COSESONA) n’a pas mâché ses mots. Pour lui, si tous les défis ne sont pas relevés dans l’urgence, le pays risque de se retrouver avec une nation composée d’ignorants. « Les défis énumérés démontre l’urgence d’une prise de conscience par tous les intervenants dans le secteur de l’Education car le processus d’enseignement implique tous les acteurs. En cas d’échec, chacun de ces derniers a sa part de responsabilité en fonction de son degré d’implication dans le processus. La responsabilité de l’échec revient bien entendu à l’élève, mais celui-ci n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne qui commence dans le ministère en charge de l’Education et continue dans les établissements scolaires pour se terminer dans les domiciles».
Ce représentant syndical explique que le mauvais système éducatif conduit le la nation dans le gouffre. « Si vous voulais détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et couter cher en pertes de vies humaines. Il suffit de détruire son système éducatif et y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre 20 ans, vous aurez un pays d’ignorants et diriger par des corrompus et de voleurs. Ce sera alors facile de les vaincre. Ce n’est pas ce pays que nous voulons qu’il soit légué à la génération future ».
Il constate que la qualité de l’enseignement détermine largement la capacité d’un pays à faire face avec des femmes et des hommes bien formés aux défis futurs dans tous les domaines. Si le Burundi veut être émergeant dans l’avenir, il lui faudra donner une priorité au capital humain. En conséquence, le ministère de l’éducation doit bénéficier d’un budget suffisant pour atteindre cet objectif. Cela passera par l’amélioration de l’éducation.
Le professeur Libérat Ntibashirakandi a commencé son intervention à se poser la question sur l’issue des états Généraux de l’Education de 2014. Il y a des indicateurs chiffrés si le système éducatif s’est amélioré, l’objectif étant celui-là. Les assises d’aujourd’hui visent également l’amélioration de la qualité de l’enseignement à tous les niveaux. La qualité s’est améliorée, les conditions de travail des enseignants au fondamental et post-fondamental, aux universités se sont-elles améliorées ? », s’est-il interrogé. Pour lui, les conditions d’apprentissage et de survie des étudiants de l’Université du Burundi et de l’Ecole normale supérieure (ENS) se sont fortement détériorées. Cette situation est toujours d’actualité, « malgré les recommandations des assises de 2014 pour y remédier ».
Selon ce professeur, pour atteindre un Burundi émergeant, il faut investir dans l’Education. Cela se passe par la constitution d’un fond commun de l’éducation. Il a proposé l’instauration ‘une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les objets de luxe, des billets d’avion, du tabac, etc. Il a alors appelé à l’au gouvernement de construire un institut de formation des enseignants dans chaque province. Ce dernier, a-t-il expliqué va dispenser des formations différentes de celles en cous d’emploi.
Libérat Ntibashirakandi a fait savoir que seule la volonté politique peut sauver le système éducatif : « Pour que ces assises soient efficaces, il faut qu’il y ait un choix politique pour que le système éducatif soit le meilleur dans la sous-région et en Afrique. C’est sur un enseignement de qualité que le Burundi sera développé. Sinon, si rien n’est fait, le Burundi restera derrière. »
Des parents promettent un soutien
Stéphanie Kineza, représentante des parents, se félicite des efforts du gouvernement dans le domaine de l’éducation. Elle cite notamment : la gratuité des frais scolaires à l’enseignement fondamental, les reformes éducatives visant l’harmonisation avec le système de la région et du monde et la mise en place des comités de gestion d’école où les parents prennent part.
Elle a, par la suite, relevé des lacunes observées par les parents : «La formation initiale des enseignants non conformes à l’esprit des reformes au fondamental et post-fondamental et cela affecte qualitativement et quantitativement les résultats attendus, allocation insuffisante des enseignants ce qui entraine le recours aux enseignants vacataires généralement payés par les parents, les mauvaises conditions d’apprentissage suite au manque des locaux, des bancs pupitres et du matériel didactique en général. »
Mme Kineza a en outre déploré la précarité des étudiants des universités, le manque de motivation des enseignants à cause de leur niveau salariale et les conditions de vie, manque de motivation des élèves suite au chômage et l’abandon scolaire à tous les niveaux dû à la pauvreté des familles.
Selon cette représentante des parents des élèves et étudiants, des pistes de solutions existent : « un meilleur approvisionnement des écoles en manuel scolaire et équipement des laboratoires et des bibliothèques, amélioration des conditions de travail des enseignants et l’électrification des écoles pour faciliter l’apprentissage.»
De surcroît, elle propose de revoir à la hausse la prêt-bourse octroyée aux étudiants en tenant compte du coût de la vie, l’élargissement et la diversification des filières de master pour permettre à l’état d’avoir des cadres compétents et l’amélioration des stratégies d’autofinancement des écoles.
Elle a promis que les parents s’engagent à soutenir le système éducatif pour la promotion du capital humain à travers une éducation qualitative et quantitative.
Les confessions religieuses s’indignent
Mgr Simon Ntamwana, représentant des confessions religieuses, a d’abord salué l’invitation pour trouver des solutions à l’éducation nationale et a indiqué que cela démontre que l’éducation est l’affaire de tout un chacun.
Il estime qu’une éducation de qualité requiert des préalables sans lesquelles personne ne peut espérer atteindre les objectifs préétablis : « A notre avis, la réussite de l’éducation au Burundi est handicapée par certains défis.» Il relève, entre autres, la segmentation de l’enseignement due à une mise en valeur de certains programmes au détriment d’autres, la répartition inégale des enseignants et du matériel scolaire, le manque de cohérence et de continuité dans l’élaboration des programmes du fondamental, du post-fondamental et de l’enseignement universitaire.
De plus, souligne-t-il, la discontinuité des programmes d’enseignement peut être mal élaborée et mal assimilée par les enseignants avec des changements trop rapides, surtout avec ce nouveau système fondamental.
Il trouve également que le ministère en charge de l’Education devrait motiver les jeunes à suivre les études en matière de l’agriculture et de l’élevage comme le Burundi est un pays agropastoral. Il demande de mettre en place un plan Marshall de l’Education en tenant compte des nouvelles orientations qui frappent à notre porte, comme la construction des chemins de fer.
Mgr Ntamwana dénonce en outre certains programmes inappropriés et immoraux qui entrainent les enfants à satisfaire leurs instincts coûte que coûte au lieu de leur apprendre les valeurs de la maîtrise de soi et de retenu.
Concernant la prêt-bourse, M. Ntamwana trouve qu’elle devrait être octroyée à tous les étudiants du publique comme ceux du privée. Il propose des critères de sélection objectifs et de la transparence pour les bourses d’études à l’étranger.
Selon lui, les subventions de l’Etat dans le domaine de l’Education ne devraient pas concerner uniquement les 24% des élèves qui ont réussi à l’examen d’Etat, les 76% restants devenant des laissés-pour-compte.
Le représentant de l’UNICEF qui a parlé au nom du coordonnateur du système des Nations Unies au Burundi a salué l’engagement du Burundi pour ces assises de l’Education. « Les états généraux ont pour ambitions légitimes des pistes de solutions aux nombreux défis qui entravent le secteur et l’empêchent d’accomplir de façon optimale à la production de la capitale humain dont le Burundi a grandement besoin pour se hisser au rang des nations émergentes. »
Pour lui, ces assises constituent un moment stratégique de réflexion qui sera mise à profit pour repenser en profondeur le système éducatif. L’objectif est de lui permettre de jouer pleinement son rôle dans l’économie du savoir qui gouverne le 21e siècle.
Il a réitéré la disponibilité des partenaires au développent à appuyer les efforts du gouvernement du Burundi dans le développement du système éducatif.
Le Vice-président de la République, Prosper Bazombanza, a déploré la démotivation de certains enseignants. Pour lui, le gouvernement doit s’investir dans la promotion de la qualité de l’enseignement. « Actuellement, le système éducatif burundais est marqué par la démotivation de certains enseignants qui influe naturellement sur la qualité de leurs prestations ».
Il a dit constater également l’inemployabilité des lauréats. Pour sa part, c’est dû notamment à l’inadéquation entre la formation et l’emploi.
M. Bazombanza considère que ces assises correspondent à un engagement effectif du gouvernement pour repenser en profondeur son système. Il s’agit en définitive de constituer un socle solide pour la promotion de la qualité à tous les paliers de l’enseignement. « Une formation des citoyens capables de mettre en œuvre la vision du Burundi, bien définie dans le Plan National de Développement (PND) 2018-2027.
Des recommandations pour pallier les défis
A l’issue des Etats Généraux de l’Education de trois jours, ce jeudi 16 juin, 30 recommandations ont été formulées. Entre autres, la formation en filières stratégiques (tourisme, agriculture et exploitation minier), les cours doivent être dispensés par des enseignants qualifiés et l’équipement des bâtiments en respectant les normes standards.
Les intervenants se sont convenus de constituer un fond commun pour l’Education. A cet effet, il a été suggéré de mettre en place un système de prélèvement 1/1000 aux salariés de la Fonction publique, des entreprises publiques et parapubliques. Il s’opérera aussi un prélèvement de 1,5% des recettes fiscales pour son financement.
Ils ont souhaité la mise en place d’un plan de construction et de réhabilitation des infrastructures scolaires et la promotion de la recherche et innovation. François Havyarimana, ministre en charge de l’éducation lors de la clôture s’est dit confiant : « Ces recommandations contribueront sans doute à relever les défis qui minent encore le secteur éducatif au Burundi. »
Le ministre a recommandé à toutes les institutions de faire ces recommandations les leurs, chacune en ce qui la concerne. Il a en outre apprécié l’idée de l’instauration d’une commission de suivi de la mise en œuvre de ces recommandations.
Ces recommandations formulées lors de ces assises devront être validées par le gouvernement du Burundi.
Lu pour vous :
https://www.lepoint.fr/afrique/afrique-la-tech-peut-elle-aider-a-lutter-contre-la-corruption-26-04-2022-2473429_3826.php
Un bon diagnostic, avec des remèdes appropriés! Mais le risque est grand de ne pas administrer la prescription médicale recommandée, comme ce fut le cas pour les assises de 2014. Cela peut faire sous-entendre que « l’éducation » est le cadet des soucis du gouvernement. Les priorités sont peut être ailleurs pour le Gouvernement! Et c’est grave.
Sans une bonne gouvernance, avec tout ce que cela implique, les recommandations ne serviront à rien. Les moyens de l’Etat continueront à être orientés en priorité là où ils ne servent pas l’Intérêt Général, mais plusieurs intérêts sectaires.
Tenez, juste un exemple. Pour de prétendus raisons de sécurité, le cortège d’un ministre se compose de 12 véhicules 4*4, à charge du contribuable. Un seul Ministre j’ai bien dit. Mais le supérieur parmi les égaux quand même! Avec les effets d’entrainement ou d’imitation, cela devient contagieux, comme à la mode comme on dit.
Les autres roitelets, là où ils broutent, feront de même, parce que leur sécurité doit être garantie. Ils n’auront pas les 12 véhicules d’escorte comme le grand des grands, mais un ou deux doubles cabines réquisitionnés aux subalternes feront l’affaire. Oui, la sécurité passe avant toute chose!
Les cas sont nombreux , on en rencontre chaque jour.
Faites la sommation de « ces moyens de trop », et versez l’équivalent à l’éducation. Cela pourrait couvrir une partie des besoins. Une bonne gouvernance dégagerait sans doute des moyens supplémentaires pour l’éducation.
Les problèmes identifiés et les solutions proposées, sans une bonne gouvernance avec tout ce que cela implique, tout cela ne servira à rien.
La bonne gouvernance. La bonne gouvernance. La bonne gouvernance.
TURONDERA UMUHORO URI MU KWAHA!