La Princesse Esther Kamatari, nièce du roi Mwambutsa IV Bangiricenge, affirme avoir entendu parler d’une somme déboursée par le royaume du Maroc, pour le rapatriement des restes du roi Mwambutsa IV Bangiricenge. Elle se bat contre la précipitation de l’opération et sa gestion opaque.
<doc4149|right>{Le ministre burundais de la Jeunesse et des Sports persiste et signe en soutenant que les restes du roi Mwambutsa IV seront rapatriés comme prévu. Qu’en dites-vous ?}
J’ai confiance en la justice suisse. J’ai déposé, lorsque j’ai appris l’exhumation de la dépouille du roi, une requête auprès du tribunal administratif du Canton de Genève. La requête a été enregistrée. Et le tribunal se prononcera. A ce jour, le roi repose dans une chambre mortuaire, recouvert du drapeau du Burundi.
{Auriez-vous connaissance du don du royaume du Maroc pour financer ce projet de rapatriement ainsi que la construction d’un mausolée ?}
Je lis, comme vous, la presse burundaise. J’ai appris que le royaume chérifien avait donné une somme d’argent pour le rapatriement de la dépouille de Mwambutsa IV et pour la construction d’un mausolée en sa mémoire. Il semble y avoir une certaine opacité dans la gestion de cette opération. C’est contre cette opacité et cette précipitation que je me bats. La mémoire du roi n’est pas à vendre au rabais !
{La famille royale est divisée sur cette question de rapatriement. Ne craignez-vous pas d’écorner le prestige de la famille royale ? D’autant plus que vous vous battez pour la reconnaissance des Baganwa comme ethnie à part, exclus de la Constitution issue d’Arusha…}
Détrompez-vous. Les divisions qui ont pu apparaître, au cours des derniers jours, sont essentiellement liées à la forme. Je suis en contact avec les membres de ma famille pour résoudre une question aussi sensible.
{Que pensez-vous de ceux qui assurent que le rapatriement de la dépouille du roi Mwambutsa IV est nécessaire pour que les générations futures perpétuent sa mémoire ?}
Je suis d’accord, mais je désapprouve la manière dont les autorités burundaises ont voulu procéder. Il n’y avait aucune urgence de procéder au rapatriement du roi puisque sa concession, à Meyrin, courrait jusqu’en 2017. Si l’objectif était d’en faire un geste symbolique pour la réconciliation nationale, cette opération aurait dû respecter l’unité familiale et le désir des Burundais d’accéder à la vérité. Et ce grâce à un dialogue sur notre triste passé par un dialogue sur les circonstances qui ont mené nos gouvernements à ignorer, pendant plus de 3 décennies, le sort d’un ancien chef d’Etat contre lequel ne pèse aucun crime. Surtout, cette réconciliation suppose l’existence dans le pays d’un climat serein qui élimine les causes de l’exil des dirigeants. Cette sérénité n’existe pas encore.
{Vous parlez « de préalables majeurs » avant que vous puissiez considérer que les conditions d’un retour apaisé de la dépouille royale sont pleinement remplies. Quels sont-ils ?}
Comme je l’ai écrit au président de la République, la mémoire du roi, et plus largement celle de l’institution monarchique, mérite davantage de respect. Je suis de ceux qui pensent que le retour du roi doit être précédé de gestes forts de la part des autorités burundaises. Parmi les préalables, il me semble nécessaire que l’Etat burundais, dont le gouvernement assure la continuité, devrait reconnaitre sa responsabilité et présenter des excuses officielles pour ce qui s’est passé durant les 40 dernières années.
{Quid de la justice ? }
Les auteurs des assassinats des membres de notre famille doivent être inquiétés par la justice. Êtes-vous conscient que mon père a été mystérieusement assassiné en 1964 ; que mon cousin Louis Rwagasore avait été assassiné trois ans plus tôt; que mon autre cousin Ntare V a été liquidé sauvagement et que mon frère a perdu la vie dans des circonstances curieuses… ? Personne n’a jamais été inquiété pour ces assassinats méthodiques et vous savez qu’ils ont fait partie d’un plan de déstabilisation globale qui a causé les drames terribles que vous connaissez. Si le Burundi veut être un Etat de droit, il est grand temps que la justice fasse son travail et que le processus de vérité et de réconciliation puisse enfin fonctionner.
La dépouille de Mwambutsa IV cristallise, aujourd’hui, toutes ces contradictions. Sa famille, qui a été la première cible de ce douloureux contexte, mérite un meilleur traitement. Si le gouvernement burundais montre des signes suffisamment probants pour aller dans cette direction, nous pourrions ensemble évaluer la situation.