L’occupation et l’exploitation illégale, le braconnage, l’insuffisance des moyens humains et matériels pour leur préservation, … autant de menaces qui pèsent sur les réserves forestières du sud du Burundi.
«Les populations ont dépassé les limites de la réserve forestière de Vyanda en province de Bururi pour s’y installer. On y dénombre plus de 300 ménages», déplore Léonidas Nzigiyimpa, responsable de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) au sud du pays. Il s’agit majoritairement des rapatriés en provenance de la Tanzanie.
Autour des quatre réserves forestières de cette région à savoir Kigwena, Rumonge, Bururi et Vyanda, s’observe une forte pression humaine sur ces périmètres. Il y a de grands villages à la lisière de ces aires. «Les occupants ont des petits lopins de terres, juste l’espace occupé par les habitations».
Pour survivre, raconte-t-il, ils se rabattent sur ces réserves. Ils profitent de l’insuffisance ou de l’absence des éco-gardes surtout pendant la nuit pour le braconnage ou d’autres activités interdites comme la coupe des arbres.
D’importants espaces jadis protégés sont actuellement occupés par des champs de maïs, de haricot, de manioc, etc. Une situation très prononcée à Karehe, Karirimvya en commune Vyanda ou certains coins de Cabara, zone Karonda, à Rumonge.
Les feux de brousse y font rage pendant la saison sèche. Certaines parties des réserves de Rumonge, Vyanda et Rukambasi étant les plus touchées. Ici, M. Nzigiyimpa indexe principalement des éleveurs à la recherche des pâturages et les apiculteurs traditionnels.
Les menaces n’épargnent pas la faune. Le braconnage ne fléchit pas. « Tous les animaux tels que les babouins, les singes, les antilopes, etc sont visés. Car, les braconniers utilisent surtout des pièges à l’aide des fils métalliques».
Des outils très dangereux, car, explique-t-il, quand un animal saute dessus, il est, soit, blessé ou se retrouve avec des jambes cassées. «Sans matériels adéquats pour le secourir, le soigner, dans la plupart des cas, cet animal ne résiste pas longtemps. Ses jours sont comptés».
Cependant, ce cadre de l’OBPE reconnaît que des cas de chasseurs munis de lances, de flèches et autres gourdins ont sensiblement diminué.
Les éco-gardes s’activent mais…
« Nous essayons de faire des patrouilles. Mais nous sommes limités par les moyens», confie un éco-garde, rencontré à Cabara, commune et province Rumonge.
Des cas de braconnage leur sont signalés, à maintes fois, dans les hauteurs des montagnes. « Mais, sans moyens de déplacement adapté, nous n’y pouvons rien».
Et de signaler que certains braconniers sont armés des machettes, ou des gourdins. Et là, il affirme qu’un ou deux éco-gardes n’ont d’autres choix que de se sauver.
Ces éco-gardes demandent des fusils comme c’est le cas dans d’autres pays. «Cela nous permettrait de nous défendre en cas des braconniers armés», justifie un d’entre eux.
Le responsable de l’OBPE au sud du pays rencontré inventorie plusieurs défis pour protéger efficacement ces réserves à commencer par le nombre d’éco-gardes : sur une étendue de 9.000 ha, il n’y a que 35. «Il nous faut au moins 50 unités».
Le matériel et les moyens de survie font également défaut. Ils ont besoin des moyens de déplacement comme les motos et les vélos, des bottines, des imperméables pour se protéger de la pluie, du matériel de couchage, des jumelles, etc.
«Nos agents ont besoin de travailler jour et nuit. Le déjeuner et le dîner devaient être assurés pour rester à leurs postes d’attache», plaide-t-il. Et par conséquent, ils travaillent seulement la journée. «Le soir, ils rentrent laissant le champ libre aux destructeurs de ces forêts et aux braconniers».
Il déplore par ailleurs le fait que son service compte un seul véhicule irrégulièrement alimenté en carburant.
Une cohabitation quelques fois « conflictuelle »
Que ce soit à Kigwena ou à Vyanda des riverains affirment que des babouins, des singes abîment leurs champs. «Quand ils investissent nos cultures de maïs, ils ne nous laissent rien», témoigne Jean Nijimbere, un habitant de Cabara, zone Karonda, commune et province Rumonge.
Et à K.I, de la même localité d’ajouter qu’ils déracinent également le manioc et les colocases : « C’est surtout les dimanches, quand il pleut ou juste après qu’ils envahissent nos champs».
Des animaux ’’intelligents’’ et ’’organisés’’. Pour vérifier si le champ est mûr, raconte-t-il, c’est un ou deux babouins adultes qui partent faire la reconnaissance : «C’est après leur ’’compte-rendu’’ que le reste de la horde sort de la réserve». Ce que ne tolèrent pas certains agriculteurs. «Ils se mettent à organiser des battues».
Déplorant ces genres d’agissements, Benoît Nyabenda, 55 ans, révèle que beaucoup de sangliers, d’antilopes, de babouins, de chimpanzés ont été tués surtout pendant la période de crise pour être mangés.
Aujourd’hui, témoigne-t-il, certaines espèces comme les sangliers n’existent plus. Conscient de l’importance de ces animaux, ce père de huit enfants trouve que ces bêtes ne sont pas les premiers fautifs. «Normalement, ce sont les hommes qui les ont envahis empiétant sur leur territoire. Ils ont cultivé dans des espaces, qui, jadis, faisaient partie des aires protégées».
Des actions de sauvegarde
Pour limiter les dégâts, M. Nzigiyimpa propose certaines actions : il faut un suivi-écologique pour collecter des données journalières sur une ou des espèces animales ou végétales. Ce qui permet de planifier pour leur préservation.
Des patrouilles sont également à multiplier pour enlever les pièges des braconniers. «Cela ne peut se faire qu’en collaborant avec l’administration et les associations environnementales locales».
Ce que soutient Célestin Nitanga, administrateur de la commune Rumonge. Selon lui, des sensibilisations pour inviter les riverains à protéger ces aires protégées ont été opérées. Sans donner des détails, il affirme que les braconniers sont sérieusement punis.