Braconnage, insuffisance du personnel de surveillance, manque de matériel, … Quelques-unes des menaces qui pèsent sur le parc national de la Ruvubu. Et ce, malgré sa faune et sa flore variées. Les garde-forestiers tentent de résister, en vain.
Ils sont souvent battus, blessés en essayant de veiller sur les différentes espèces animales que compte le parc national de la Ruvubu. « Le cas récent date du mois dernier où des éco-gardes en patrouille sont tombés sur un groupe des braconniers armés de machettes, de gourdins, etc. Un parmi nos hommes a été blessé au niveau de la tête et a été évacué vers l’hôpital », déplore Roger Niyonkuru, responsable-adjoint de ce patrimoine.
Venu en renfort, les forces de l’ordre ont pu capturer deux braconniers. Selon ce responsable forestier, beaucoup d’autres cas de tels incidents ont été enregistrés ces dernières années.
Il précise d’ailleurs qu’en plus de certains riverains du parc, d’autres braconniers très aguerris viennent de l’autre côté de la Tanzanie : « Ils viennent en équipes, bien armés à la recherche du gibier ».
Et ils collaborent quelquefois avec certains riverains burundais qui n’ont pas encore renoncé à cette pratique prohibée de braconnage. « Ils sont attirés par le grand nombre d’animaux qui se trouvent dans ce parc. On y trouve 44 espèces de mammifères dont les buffles, les différents types d’antilopes et les hippopotames. Leur viande est très prisée par ces malfrats ».
Et dans la rivière Ruvubu dont ce parc porte le nom, M. Niyonkuru affirme qu’on y a déjà identifié quatorze espèces de poissons. Ce qui attire, selon un éco-garde interrogé, des pêcheurs illégaux.
S’exprimant sous anonymat, ce dernier souligne que les garde-forestiers n’ont pas la capacité de faire face aux braconniers : « Nous sommes moins nombreux. Certains d’entre-nous sont vieux. Nous n’avons que des équipements rudimentaires juste des machettes, des lances et des bâtons. Or, ces braconniers viennent souvent avec des arcs, des gourdins, … et en grand nombre ».
Il avoue que dans certaines situations, les éco-gardes sont obligés de sauver leur peau. Pour opérer, confie-t-il, les braconniers surveillent nos déplacements ou une équipe vient vers nous pour la diversion tandis que d’autres se mettent à faire la chasse. Il déplore aussi leurs faibles effectifs : « Nous sommes peu nombreux pour tout couvrir ».
Ce que soutient Roger Niyonkuru, le responsable-adjoint de cette aire protégée. Il donne l’exemple du secteur Muremera avec une superficie de 23.100 hectares : « Là, nous n’avons que dix garde-forestiers. Vous comprenez très bien que c’est quasiment impossible de protéger efficacement et effectivement cette zone. »
Et ce n’est pas tout, côté guides touristiques, il n’y a que trois : « Ce qui fait que quand il y a beaucoup de visiteurs, il leur devient très difficile de faire leur travail correctement ».
Selon M. Niyonkuru, les feux de brousse constituent une autre menace. « C’est une des stratégies que les braconniers utilisent pour faire une partie de chasse ».
Un autre éco-garde interrogé ajoute le manque des moyens de déplacements pour pouvoir veiller sur ce patrimoine. « Nous avons des jumelles. Mais, on se déplace à pied avec des bottines. Certains d’entre-nous n’en ont même pas ».
« Il nous faut des fusils »
« Pour bien préserver ce parc, nous avons besoin d’être bien outillé. Comme ces braconniers sont devenus de plus en plus forts, il nous faut des fusils pour que nous soyons plus opérationnels et efficaces », plaide un autre garde-forestier.
Ce qui est d’ailleurs le cas pour les autres pays de la Communauté Est-Africaine (CEA). « Que ce soit en Tanzanie, au Kenya, …, ceux qui veillent sur les aires protégées, les parcs nationaux sont armés de fusils et bien entraînés. Pourquoi pas nous ? », s’interroge-t-il.
Une idée d’ailleurs soutenue par Roger Niyonkuru, responsable-adjoint : « C’est une demande bien fondée. Car, même avant, ils avaient des fusils. Ils les utilisaient la journée et le soir, ils devaient les remettre sur une position militaire. Je ne doute pas qu’une fois formés et armés de fusils, ces braconniers auront peur de s’y aventurer ou de s’attaquer à eux ».
Il trouve en outre urgent d’engager d’autres garde-forestiers, plus jeunes. Ce responsable ajoute aussi qu’ils ont besoin de tentes. Car, justifie-t-il, ils devaient faire des campements à l’intérieur de la savane pour contrôler tous les coins. « Des équipements vestimentaires comme les imperméables, les tenues, les chaussures, les moyens de déplacements sont aussi nécessaires ».
Un besoin aussi des vétérinaires. M. Niyonkuru déplore par exemple qu’il leur est impossible de suivre l’état de santé des animaux de ce parc. « Nous n’avons pas d’équipements appropriés. Quand un buffle est blessé, ou est atteint d’une autre maladie, il finit souvent par mourir. Or, si on avait un service vétérinaire, on pourrait le soigner ».
Il demande qu’on soit doté de fusil hypodermique dans ce genre d’aires protégées. Sinon, avertit-il, cela multiplie les risques d’extinction de certaines espèces endémiques comme ce fut le cas pour les éléphants qui n’existent plus au Burundi.
Pour les éco-gardes, il est aussi important de revoir à la hausse leur salaire. « Nous sommes mal payés alors que nous veillons sur des richesses nationales, régionales voire mondiales », motive un d’entre eux.
Malgré ces différents défis, certaines initiatives sont en cours pour sauver ce patrimoine. M. Niyonkuru, son responsable-adjoint cite par exemple un projet financé par la Banque Mondiale qui est en train d’installer une infrastructure d’accueil des touristes au secteur du côté Muyinga.
« Pour essayer de lutter contre le braconnage, on a donné du travail aux familles Batwa pour débroussailler les sentiers. Comme ça, ils gagnent en peu d’argent ».
D’après lui, c’est une autre façon de leur trouver une source de revenu afin de les amener à abandonner petit à petit le braconnage et d’autres ressources forestières.
Sa délimitation effective a été effectuée en 1991. Les ménages ont été évacués et installés sur 33 collines aujourd’hui riveraines de cette savane arbustive.
Sa longueur est de 62 km et sa largeur varie entre 5 et 13 km.
Le parc est situé dans la basse vallée de la rivière Ruvubu. Il est constitué à 75 % de savane, de 15 % de bois et de 8 % de zones herbeuses. A côté des mammifères et des poissons, ce parc abrite 425 espèces d’oiseaux, des reptiles, des pythons et des cobras.
Sa végétation compte au moins 300 espèces et certaines sont liées à l’altitude notamment le philippia benguellensis, l’acacia abyssinica, le faurea rochetiana, le vernonia chtobocephala et plusieurs orchidées terrestres sur les hautes crêtes au-dessus de 1.600 m.
R.N.
Attention à l’écriture des noms scientifiques des espèces végétales en latin au dernier paragraphe de cet article. Ils doivent être en italique. De plus, la première lettre qui porte sur le genre doit être écrit avec majuscule. Philippia benguellensis, l’Acacia abyssinica, le Faurea rochetiana, le Vernonia chtobocephala.