Dimanche 24 novembre 2024

Politique

Entretien avec Pr Gertrude Kazoviyo :«Le défi, ce sera certainement de joindre les actes aux paroles »

19/02/2021 6
Entretien avec Pr Gertrude Kazoviyo :«Le défi, ce sera certainement de joindre les actes aux paroles »
Pr Gertrude Kazoviyo

Lors de la célébration du 30e anniversaire de l’adoption de la charte de l’Unité nationale, le président Ndayishimiye a été on ne peut plus ferme. Pour Iwacu, l’analyste du discours politique en décortique les points saillants.

Un discours d’une profondeur inouïe et d’une pédagogie avec des mécanismes de communication très adéquats, s’accordent à dire nombre d’observateurs politiques avisés. Quelle est votre lecture ?

Il suffit de voir la manière avec laquelle il a abordé la question de l’unité nationale. Il commence par dresser un bilan largement négatif du respect de la Charte de l’Unité nationale par les Barundi. Pour lui, cette situation peu reluisante vient de la méconnaissance du texte-même de la charte et de sa signification. Par la suite, il en profite pour expliquer au public présent la profondeur du sens du symbole de l’unité et de quelques passages de la charte lus à haute voix par lui-même. Une véritable leçon de compréhension du texte à l’image d’un enseignant de l’école fondamentale.

Etait-il opportun de délivrer un tel discours à la faveur de la fête de l’Unité nationale?

Il n’y a pas de meilleur cadre spatio-temporel pour tirer cette sonnette d’alarme et redémarrer le train de l’unité nationale. C’est un chef d’Etat, il entame son premier mandat. Il peut donc poser des actes révolutionnaires au cours de son exercice. Qui sait ?

L’opinion dit avoir senti un président de la République décidé d’en finir avec le « mutisme », de se départir des affres du passé, et plus que tout déterminé à faire bouger les lignes. Est-ce votre constat ?

Dans des termes crus, il a engagé son public composé de décideurs à des niveaux élevés : « Décidons-nous tous dès maintenant à bâtir le Burundi uni. Nous constituons la tête qui pense pour le pays, nous sommes tous des responsables, même les diplomates sont ici, engageons-nous. Le Burundi n’a jamais été détruit que par des responsables comme nous ».Un message clair.

Pour parler de l’injustice, du sang des gens innocents versés, du deux poids deux mesures, de certains magistrats, le président de la République a fait allusion, à plusieurs reprises, à l’histoire biblique. Selon vous, pourquoi cette méthodologie ?

Depuis son prédécesseur, la religion est devenue un cadre propice de diffusion de messages politiques. Un fait qui n’est pas nouveau parce que le public qui était présent au Monument de l’Unité nationale a l’habitude de participer à des croisades de prière de haut niveau sous le haut patronage du chef de l’Etat.

Ceci dit, le Burundi ne s’est-il pas délaïcisé depuis sa Constitution du 7 juin 2018 ? Aussi le peuple burundais est, dans sa presque totalité, croyant. Le moule religieux est visiblement devenu le meilleur canal de communication politique.

Le chef de l’Etat de la République a fait comprendre au parterre de dignitaires présents que désormais il ne va plus tolérer certains égarements. Un vœu pieux ou des actes peuvent être joints aux paroles?

Remarquez avec quelle énergie il énonce ce qu’il dit. Peut-on douter de sa conviction ? On peut réellement croire qu’il s’engage à un changement radical, non seulement sur l’unité des Barundi mais aussi sur plusieurs autres questions de gouvernance générale.

Le défi, ce sera certainement de joindre les actes aux paroles, eu égard aux actes déjà manqués. Mais jusque-là, on peut lui réserver le bénéfice du doute. Il a annoncé qu’il n’a pas d’aide aux échelons inférieurs mais qu’il finira par les trouver. A ce moment, peut-être, les actes se joindront aux paroles.

Propos recueillis par Hervé Mugisha

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Alain Nzeyimana

    Je suis très content de voir que votre forum est actuellement accessible.
    Finalement, le President de la République est déterminé à changer les choses.
    On pourra réagir aux nouvelles sans riques peut être?
    Vive le Burundi!
    Vive la liberté d’expression qui doit s’inviter dans tous les débats.

  2. Gervais

    C’est vrai qu’on peut parler juste mais agir faux ou tout simplement ne rien faire. Mais reconnaissons que le Président a usé de sa liberté d’expression avec une transparence inhabituelle. Je peux même parier que le discours a irrité certains dans le camp du pouvoir. Mais au fait, n’a-t-il pas voulu nous dire : suivez mon exemple, reprenez votre droit à la parole.

  3. ALOYS JISHO

    Seule question:
    Le président dit qu’il n’a pas d’aides?
    Bizarre quand même.
    Juste en dessous du pyramide dont le président est la tête, il y a les ministres, puis les directeurs généraux jusqu’au petit chef de collines.
    La constitution autorise notre cher président à sévir à tous les échelons.
    The accountability, please. Le seul moyen de sortir le pays de son rang au niveau international.
    Merçi , notre président

  4. James

    On peut toujours déclarer la guerre a l’ennemi ici l’impunité mais si on ne contrôle ni les officiers, ou les commandants sur le terrain d’operation ni les hommes de troupe, la guerre ne sera jamais gagnée.
    Il doit s’assurer le ralliement a sa cause de différentes niveaux d’exécution. Chose loin d’être atteinte quand on voit l’impunité dont jouissent les imbonerakure aujourdhui.

    • Le Président Evariste est bien intentionné. Mais il n’a certes pas les moyens pour faire aboutir ses voeux »pieux ».
      Il est peut etre nécessaire de faire des souhaits modestes dont Il est capable de faire respecter leur réalisation.
      L’Unité nationale passe par LA vérité et LA Réconciliation. Or si LA vérité est dite, c »est tout l »establishment qui tombe( voilà son premier mur de Jericho), quant à LA reconciliation Elle suppose, justice ( deuxieme mur) et réparation( troisieme mur); conditions réelles du pardon.
      Evariste ne peut en aucun y arriver durant son mandat. S’il essaie il pourrait traverser le 1er mur. Et même le 2eme. Mais pour sûr Il ne pourra survivre à cet effort jusqu’au bout!
      En dehors, de LA main de Dieu.

      • Yanikana

        « En dehors, de LA main de Dieu. »: Amen!
        Rendez à César ce qui est à César… et à Dieu ce qui est à Dieu; et tout ira mieux!

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