Mardi 05 novembre 2024

Editorial

« Entre nos silences se dresse un pont »

14/11/2014 2

Antoine KaburaheDes écrivains , des professeurs d’universités , des chercheurs du Rwanda, de la RDC, du Burundi, de Suisse se sont réunis deux jours durant à l’occasion de la sortie de la deuxième anthologie dédiée à la littérature de la sous-région.

La rencontre n’a pas fait vraiment la Une des médias. Sur place, j’ai vu une ou deux radios…
Des rêveurs. Des mots, rien que des mots, diront certains sceptiques, blasés par des informations peu optimistes. Et il y a de quoi dépérir avec l’actualité : milices toujours meurtrières dans l’Est de la RDC, des corps inconnus qui flottent dans le Rweru, des inquiétants « hommes aux longs manteaux » qui hantent les nuits dans certaines régions burundaises…

Non, ces Congolais, Rwandais et Burundais réunis grâce à Sembura, une association suisse, ne sont pas naïfs. Mais ils ont compris que se parler, écouter l’autre, comprendre sa douleur est le premier pas vers la paix.
Dans cette région, on s’est fait mutuellement mal. C’est un fait. Songez à tous nos charniers connus ou inconnus, à la valse des réfugiés entre nos trois pays, à nos rivières et nos lacs où on ne pêche pas toujours que du poisson…

Mais il est temps de « penser l’histoire et panser les êtres » comme le dit bien Eugène Ebodé, un écrivain Franco-Camerounais invité à ces journées littéraires.

« Donne-moi ta main que j’y dessine le pardon », invite un jeune poète burundais. Et, dans un texte, un Congolais écrit comme une réponse : « Je te pardonne pour que le Tanganyika et les autres lacs coulent jusqu’aux pieds sales, stériles, et les rendent très purs puis fertiles. »
Après la première anthologie, au doux nom de « Emergences : renaître ensemble », la deuxième, comme un pas vers la maturité, porte sur une « Culture de paix dans la région des Grands Lacs ».

Poètes, penseurs, écrivains ont souvent inspiré les dirigeants. Pourquoi pas dans les Grands Lacs. Ce n’est pas une utopie. D’ailleurs, disait Victor Hugo, le poète « est l’homme des utopies, les pieds ici, les yeux ailleurs. » Mais l’entreprise n’est pas aisée et, comme l’écrit un poète repris dans l’anthologie, « le chemin est long, faisons-le ensemble ». Des mots qui disent tout.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Banzubaze

    Juste une response rapide à ton souhait que les écrivains, poètes et penseurs puissent influencer les hommes politiques des Grands Lacs. Eh bien, ils ne seront pas influencés, simplement parce qu’ils ne lisent pas et croient plus le coup de canon plutôt que la force du meilleur argument. Cela ne devrait pourtant pas décourager les rêveur, parce qu’on ne sait jamais, un jour viendra….

    • Alice Ka

      Cher compatriote Banzubaze, comme tu le dis si bien, le pouvoir est au bout fusil disait Mao et hélas il avait raison, la corruption change de mains, les palais change de locataires, seule la misère du peuple reste !
      Mais que dans ce climat de déliquescence et de questionnements que vit notre pays, Mr Kaburahe
      choisit délibérément de nous parler de littérature…de Culture en générale ! Je lui en suis infiniment reconnaissante ! Ce n’est pas pour rien que les tyrans ont fait bruler des livres et emprisonné les auteurs ! Les pouvoirs totalitaire a toujours eu peur des idées et nulle part ailleurs on trouve des idées que dans la littérature en générale (en particulier) que dans les romans/fictions … bref le pouvoir de l’imagination qui détermine et nourrit l’essence même d’une démocratie ! Pourquoi ? Parc’ entre autre il stimule l’esprit critique, la curiosité et l’empathie. Ce « pouvoir » n’a pas de frontières, de nationalités d’ethnies, de genre ou de sexe ! Peut -ont en tant que Nation ‘’burundaise’’ être réduit à défendre’’ la Cité’’, de se reproduire et produire ? Est-ce que une démocratie peu exister et survivre sans la littérature (la culture en générale) /ou le pouvoir de l’imagination ?

      Mes chers amis, abi »IWACU » souffrez que je rende à l’hommage à une de mes héroïnes Mme Janviere enseignante de littérature au licee notre dame (Anées 80-90) qui nous a enseigné ce poème : « Les Souffles « – Birago Diop

      « Ecoute plus souvent
      Les Choses que les Etres
      La Voix du Feu s’entend,
      Entends la Voix de l’Eau.
      Ecoute dans le Vent Le Buisson en sanglots :
      C’est le Souffle des ancêtres. »

      Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
      Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire
      Et dans l’ombre qui s’épaissit.
      Les Morts ne sont pas sous la Terre :
      Ils sont dans l’Arbre qui frémit,
      Ils sont dans le Bois qui gémit,
      Ils sont dans l’Eau qui coule,
      Ils sont dans l’Eau qui dort,
      Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :
      Les Morts ne sont pas morts.

      Ecoute plus souvent
      Les Choses que les Etres
      La Voix du Feu s’entend,
      Entends la Voix de l’Eau.
      Ecoute dans le Vent
      Le Buisson en sanglots :
      C’est le Souffle des Ancêtres morts,
      Qui ne sont pas partis
      Qui ne sont pas sous la Terre
      Qui ne sont pas morts.

      Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
      Ils sont dans le Sein de la Femme,
      Ils sont dans l’Enfant qui vagit
      Et dans le Tison qui s’enflamme.
      Les Morts ne sont pas sous la Terre :
      Ils sont dans le Feu qui s’éteint,
      Ils sont dans les Herbes qui pleurent,
      Ils sont dans le Rocher qui geint,
      Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,
      Les Morts ne sont pas morts.

      Ecoute plus souvent
      Les Choses que les Etres
      La Voix du Feu s’entend,
      Entends la Voix de l’Eau.
      Ecoute dans le Vent
      Le Buisson en sanglots,
      C’est le Souffle des Ancêtres.

      Il redit chaque jour le Pacte,
      Le grand Pacte qui lie,
      Qui lie à la Loi notre Sort,
      Aux Actes des Souffles plus forts
      Le Sort de nos Morts qui ne sont pas morts,
      Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie.
      La lourde Loi qui nous lie aux Actes
      Des Souffles qui se meurent
      Dans le lit et sur les rives du Fleuve,
      Des Souffles qui se meuvent
      Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure.
      Des Souffles qui demeurent
      Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit,
      Dans l’Arbre qui frémit, dans le Bois qui gémit
      Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort,
      Des Souffles plus forts qui ont pris
      Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts,
      Des Morts qui ne sont pas partis,
      Des Morts qui ne sont plus sous la Terre.

      Ecoute plus souvent
      Les Choses que les Etres
      La Voix du Feu s’entend,
      Entends la Voix de l’Eau.
      Ecoute dans le Vent
      Le Buisson en sanglots,
      C’est le Souffle des Ancêtres.

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