En province de Muyinga, une dizaine d’enseignants ont déjà déserté. Ils ont eu peur d’être arrêtés devant leurs élèves comme leurs collègues. Un psychopédagogue s’insurge contre cette pratique.
<doc2457|left>Depuis ce mois, douze cas de désertion d’enseignants ont été enregistrés par la Direction provinciale de l’enseignement à Muyinga (DPE). Ils sont surtout des écoles primaires Butihinda, Rabiro, Karehe, Nyarutongo, Mukoni, Nyamaso et Bwasare ainsi que du collège communal de Butihinda. Selon les témoignages de leurs collègues, la plupart sont des militants du parti FNL d’Agathon Rwasa. « Ils ont fui par peur de subir le même sort que d’autres enseignants arrêtés en plein cours devant les élèves», témoigne un enseignant de Muyinga.
« C’est une forme de traumatisme »
Concernant ces arrestations en plein cours devant les élèves, Dr Adolphe Sururu, indique que cela engendre de graves conséquences sur le vécu psychologique de l’enfant. Selon ce professeur à la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université du Burundi, les enseignants sont normalement des substituts des parents : « Quand ils sont arrêtés devant les élèves, il y a une image qui est brisée chez les éduqués. Les enfants sont plongés dans la peur et dans le doute. » En outre, Dr Sururu ajoute que devant un acte pareil, les élèves ne savent plus à quel saint se vouer : « Ils perdent des repères. C’est une forme de traumatisme.» Le psychopédagogue explique que les élèves peuvent reproduire ce qu’ils ont vu : « Une fois adultes, ils peuvent être violents parce qu’ils ont vécu dans la violence. »
Le psychologue affirme que des conséquences se manifestent aussi du côté de l’enseignant. Même s’il parvient à revenir, poursuit le psychologue, c’est une image indélébile et inoubliable qui le marque pour de bon dans sa vie : « Il y a une partie de son honneur, de sa réputation et de son intégrité qui a disparu. » Pour Adolphe Sururu, la crédibilité et l’équité devant ses élèves sont à reconstruire et souvent sans succès.
Conséquences dans la communauté
Adolphe Sururu fait remarquer que l’enseignant joue différents rôles ; car l’école est implantée dans un milieu bien défini. Pour cela, l’enseignant jouit d’une certaine réputation intellectuelle : « S’il disparaît, c’est une perte pour l’école mais aussi pour la communauté. Il joue un rôle économique car il fait vivre la famille élargie, si maigre que soit son salaire. » Et quand il est arrêté, beaucoup de gens deviennent dépourvus d’une source de revenus : « Cela déstabilise les familles et provoque un manque d’unité. »
Adolphe Sururu demande à la police d’user des méthodes classiques pour arrêter les gens. Une fois ces enseignants revenus, le psychologue demande à la direction et à la communauté d’organiser des cérémonies de réhabilitation pour que les élèves comprennent que les enseignants ne sont pas des criminels.