Samedi 21 décembre 2024

Politique

Enrôlement des électeurs : un processus perplexe et non orthodoxe ?

Enrôlement des électeurs : un processus perplexe et non orthodoxe ?
Des commerçants massés devant le marché Kamenge présentent des récépissés avant d’entrer.

En vue de la constitution d’un fichier électoral, l’enrôlement des électeurs a eu lieu au Burundi du 22 au 31 octobre 2024. Par moment, des gens ont été empêchés d’accéder à certains services ou d’obtenir des documents administratifs. Exhiber au préalable un récépissé attestant leur enregistrement au rôle d’électeurs était une condition sine qua non. Le ministre de l’Intérieur reconnaît les faits tout en précisant qu’il s’agit des mesures « incitatives » face à la faible affluence à l’inscription. Pourtant, les chiffres de la Ceni sont « satisfaisants ». Cette situation soulève des questions au sein de l’opinion. Reportages et témoignages.

Dossier coordonné par Pascal Ntakirutimana et Fabrice Manirakiza

Pendant la période d’enrôlement des électeurs, il se passe des choses relativement étranges. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) annonce régulièrement des chiffres. Ils sont satisfaisants selon la Commission.

À titre illustratif, Prosper Ntahorwamiye, président de la Ceni, a déclaré que jusqu’à la 6e journée d’enrôlement, 64,5% de Burundais s’étaient déjà inscrits. C’était lors d’une réunion du ministre de l’Intérieur à l’endroit des partis politiques tenue à Bugarama le 28 octobre 2024.

Pourtant, les administratifs à la base et les responsables des différents services semblent prouver, à travers leurs communiqués et messages, une faible affluence à l’inscription au rôle d’électeurs.

Dans plusieurs coins du pays, des décisions ou des directives visant à contraindre les citoyens à se faire enrôler tombent. En mairie de Bujumbura, à Cibitoke, à Bubanza, à Ngozi, à Gitega, à Rumonge, à Mwaro, … les administrateurs communaux, les chefs de zone, les directeurs provinciaux ou communaux de l’enseignement, les chefs de colline, … rivalisent. Le mot d’ordre : « Tout le monde doit s’enrôler pour les élections de 2025, de gré ou de force ».

La population semble désorientée. Le couperet plane au-dessus de la tête des récalcitrants : « Aucun service de l’Etat pour ceux qui n’ont pas de récépissé d’enrôlement. » Des questions taraudent l’esprit de la plupart des Burundais : « Est-ce un droit ou une obligation ? » Comment s’est passé l’exécution de ce mot d’ordre sur le terrain ?

Fermeture des marchés pour acculer les gens à l’inscription

Il est environ 8h. Nous sommes le mardi 29 octobre 2024. Une masse de gens en colère est agglutinée devant le marché de Ruvumera. Le portail est fermé. « Cela est inhabituel car, normalement, les portes de ce marché sont ouvertes dès 6h du matin », raconte un commerçant rencontré à l’entrée du marché. L’accès est interdit aux vendeurs et aux acheteurs. L’entrée est conditionnée par un récépissé attestant que l’on s’est fait enrôler pour les prochaines élections de 2025. Les gens murmurent entre eux : « Une personne qui n’a pas de récépissé ne peut pas entrer dans le marché !»

À côté, une autre personne se plaint : « Pourquoi ils n’ouvrent pas le portail pour qu’on puisse entrer travailler aujourd ‘hui ? On est ici devant le portail depuis longtemps. Les gens chargés de la sécurité du marché vont vérifier une personne après une autre. Celle en possession du récépissé ou non. Cela va prendre beaucoup de temps ».

Nous avançons vers l’autre côté de l’entrée du marché. Un petit attroupement de vendeurs un peu en retrait se lamente. « Cette mesure ne concerne pas seulement les vendeurs. Elle concerne même les acheteurs. Il y a un grand nombre de gens qui ne sont pas inscrits. Cela démontre que les gens sont excédés ».

Cette mesure de fermer le marché de Ruvumera semble produire des effets pervers. « Moi, je m’étais fait inscrire. Mais, je n’ai pas le récépissé sur moi. Je l’ai laissé à la maison. Donc, je vais aller me faire enrôler une deuxième fois au Lycée du Lac Tanganyika. Je dois accueillir des clients aujourd’hui », dévoile N.B, un commerçant à titre d’exemple.

Irritée, une dame à côté réagit directement qu’au lieu de s’absenter un jour de travail, vaut mieux aller se faire enrôler une deuxième fois. « Le centre d’inscription du lycée du Lac Tanganyika est tout près d’ici. Nous allons y aller. Et le jour des élections, nous allons voter au premier centre d’inscription. Pas question ».

Un jeune se réclamant vendeur des habits n’y comprend rien. « La Ceni nous présente des chiffres qu’elle qualifie elle-même de positifs. Pourquoi alors cet acharnement ? Est-ce que tout ce monde-là n’a pas de récépissés ? », s’interroge-t-il.
Un peu loin, des jeunes munis de talkies-walkies faisaient la surveillance de ce qui se passait en cet endroit.

Les commerçants du marché Kamenge ont subi le même sort

Au marché de Kamenge, les grandes portes du marché sont à moitié ouvertes. Des agents de sécurité les surveillent. Il est 8h30, personne n’a le droit d’entrer sans présenter le récépissé attestant son inscription aux au rôle pour les prochaines élections de 2025.

Plusieurs personnes sont devant les portes du marché et se bousculent pour entrer. Celles qui ont oublié leurs récépissés ne sont pas concernées.
« J’ai tenté de lui expliquer ma situation. Il n’a pas voulu m’écouter. Il m’a tout simplement chassée », se lamente une dame devant l’entrée du marché avec un regard fixé sur un agent de sécurité.

Et celui-ci de crier : « celui qui n’a pas de récépissé n’a qu’à dégager rapidement ! Pas d’excuse ».

À l’intérieur du pays, un récépissé avant de faire quoi que ce soit

Vers la fin de la période d’enrôlement des électeurs, dans les provinces, une pression s’est exercée sur ceux qui ne se sont pas fait encore enrôler. Le non accès à certains services publics, aux marchés et à la limitation du droit de circulation, tel est le sort réservé aux « récalcitrants ».

C’est un secret de Polichinelle. L’intérieur du pays n’a pas été épargné par ce que les autorités administratives ont qualifié de « stratégies incitatives » pour se faire enrôler.
À Rumonge, au début de cette semaine du 28 octobre 2024, l’accès à certains marchés était aussi conditionné par la présentation d’un récépissé d’inscription au rôle pour les élections de 2025. C’était la même chose pour accéder aux services publics dans certaines communes de cette province.

« Ce lundi 28 octobre 2024, au marché central de Rumonge, les portes qui mènent à l’intérieur de ce marché étaient gardées par des personnes qui vérifiaient que toute personne qui entre est en possession d’un récépissé d’inscription. Celui ou celle qui n’en disposait pas n’était pas autorisé d’y accéder », confient les usagers de ce marché.

Au niveau de certains axes routiers, témoignent toujours nos sources à Rumonge, les passants devraient présenter leurs récépissés d’inscription pour pouvoir continuer le trajet.
Contacté, Déogratias Nduwimana, commissaire du marché central de Rumonge a indiqué que cette mesure a été prise pour inciter les commerçants de ce marché ainsi que leurs clients à se faire enrôler. « Certains sont plus occupés par leurs affaires quotidiennes alors que la période d’inscription tire à sa fin », fait-il observer.

Dans la province de Cibitoke, depuis le dimanche 27 octobre 2024, dans les communes Buganda et Rugombo, des jeunes militants du parti au pouvoir se sont mis à interdire toute personne ne disposant pas de récépissé d’entrer au marché. Très remontés, les habitants interrogés se disaient désemparés affirmant ne pas comprendre de telles mesures restrictives au moment où les autorités ne cessent de parler de liberté et de démocratie.

« Imaginez-vous ! Même les personnes qui descendent des collines pour faire leurs courses ou vendre leurs produits dans ces marchés situés dans la plaine, après avoir parcouru plusieurs kilomètres, se sont vu refuser l’entrée », se plaignent nos sources.

Les administrateurs de Buganda et Rugombo contactés à ce propos ont confirmé les faits tout en parlant de « mesures motivationnelles pour inciter les citoyens à se faire inscrire au rôle afin de prendre part aux élections qui s’annoncent ».

En commune Nyabihanga, dans la province de Mwaro, des habitants fustigent la pression administrative qu’ils ont subie au cours de cette période d’enrôlement. Ils indiquent que l’administration leur a refusé de récupérer leurs intrants agricoles sans la présentation d’une preuve d’inscription au rôle pour les électorales de 2025.

Un habitant de la colline Gatwe qui est parmi les refoulés raconte : « Beaucoup d’entre nous n’avons pas pu récupérer l’engrais. Cela est incompréhensible. Cela nous met en retard car la saison culturale se termine bientôt. Or, on ne peut pas cultiver et planter sans avoir des intrants ».

L’administrateur de la commune Nyabihanga dit que c’est une façon de sensibiliser la population pour se faire enrôler. « Car, les gens ne se bousculent pas au portillon pour se faire enregistrer ».

Au centre du pays, c’est le même modus operandi. I.E, un enseignant de la commune Buraza confie que la pression monte au jour le jour. « Chez nous dans la commune Buraza de la province de Gitega, ce 29 octobre 2024, ils passaient d’une maison à une autre pour demander aux habitants de présenter leurs récépissés. Si tu n’en as pas, on te prend avec eux et on te force de te faire inscrire. Dans les écoles, les élèves ne peuvent pas entrer sans montrer les récépissés. Nous sommes choqués de ce qui s’est passé. Se faire inscrire est devenu finalement une obligation et non plus un droit. »

Selon la même source, même ceux qui se rendaient aux travaux champêtres se voyaient bloqués. « On dirait que c’est une guerre. Moi-même on m’a interdit de me présenter au travail sans le récépissé ».


Ecoles et Universités à l’arrêt pour mobiliser les électeurs de demain

L’enrôlement des électeurs pour les prochaines élections au Burundi a entraîné des perturbations majeures dans les établissements scolaires et académiques. Afin de faciliter l’enregistrement, certains responsables de ces établissements ont ordonné la suspension des cours voire des examens.
La Direction de l’université Lumière de Bujumbura avait suspendu les cours et les examens

Suite à « la faible affluence d’inscription au rôle d’électeurs », diverses autorités ont mobilisé les gens pour se faire inscrire. C’est la même approche qui s’observe chez les responsables de différentes écoles et universités où les cours et les examens ont été suspendus.
Cette mesure, bien que jugée nécessaire par les autorités, suscite des réactions variées chez les étudiants pris entre leurs obligations académiques et l’importance de participer à la vie démocratique.

« On était censé faire l’examen aujourd’hui. Hier, on nous a annoncé que tous les services académiques ne seront pas fonctionnels. L’examen a été rapporté pour mercredi et on ne nous a pas communiqué la raison de cette suspension. On nous a vraiment donné un congé pour nous enrôler ? C’est triste », se désole un étudiant frustré de l’université Lumière de Bujumbura où on a suspendu les activités académiques le 29 octobre 2024.

« S’enrôler est un devoir et non une obligation »

Cette interruption n’est pas sans conséquence pour les étudiants. Nombreux d’entre eux fustigent cette perturbation de leur calendrier académique d’autant plus que certains étaient en période d’examens.

« Certes, l’enrôlement est important, mais il faut aussi tenir compte de notre travail. Nous avons des travaux à remettre. Il y avait des cours et des examens. Suspendre les activités c’est retarder l’année académique et le temps perdu ne revient jamais », regrette un autre étudiant de cette université.

Un élève d’une école privée souligne que ça ne nécessite pas toute une journée de suspension des cours pour se faire enrôler. Il faut plutôt tenir compte de l’importance de l’école.
« Au lieu de vérifier si l’on est en ordre dans nos notes, c’est plutôt le contrôle des récépissés qui était à l’ordre du jour ce matin », s’indigne-t-il.

Par contre, certains étudiants essaient de comprendre la situation. « C’est un sacrifice nécessaire. Nous devons tous participer au processus électoral si nous voulons que nos voix comptent. Quelques jours sans cours ne vont pas détruire notre avenir académique », nuance en effet un autre étudiant.

Un compromis nécessaire ?

Toujours est-il que cette situation soulève des questions quant à la manière de concilier l’engagement civique et les obligations académiques. Les étudiants estiment que des aménagements, tels que l’établissements des horaires précis pour l’enrôlement, pourraient permettre une meilleure organisation.

« Certains suggèrent que les écoles et universités devraient offrir des créneaux spéciaux pour l’enregistrement. Ce qui éviterait de paralyser totalement l’enseignement », observe un pédagogue.

Dans l’immédiat, poursuit-il, les autorités maintiennent leur décision puisqu’elles estiment qu’il s’agit d’un passage nécessaire pour renforcer la culture démocratique au sein des jeunes générations. Cependant, face aux critiques, elles n’excluent pas des sanctions si la mobilisation se révèle insuffisante. Il ne faut pas non plus exclure des ajustements si les perturbations académiques s’intensifient.

Dans certains établissements des provinces du pays, les activités ont été arrêtées pour aller d’abord se faire enrôler. « Chez nous à Rumonge, les enseignants et les élèves ont été obligés d’aller se faire enrôler avant de poursuivre leurs enseignements », témoigne un enseignant.


« Le gouvernement ne peut pas tolérer des récalcitrants »

Lors d’une réunion du ministère de l’Intérieur à l’endroit des chefs des partis politiques tenue à Bugarama le 28 octobre 2024, Martin Niteretse a reconnu les faits soulignant que les décisions des administratifs à la base ne causent aucun problème. Il a indiqué qu’elles ont été prises à des fins d’inciter les « récalcitrants » à se faire enrôler.
Martin Niteretse : « C’est moi qui ai instruit les administratifs à mobiliser les gens »

« J’ai demandé aux administratifs de prendre toutes les stratégies possibles pour que le taux d’enrôlement soit aussi maximal que possible. Et cela dans le délai imparti. Le gouvernement burundais ne peut pas tolérer des récalcitrants. Je veux bien, le vote n’est pas obligatoire, mais lorsque le gouvernement lance un programme, un vrai citoyen doit répondre à cet appel. Il n’y a pas de frais d’inscription ni de déplacement. L’activité se déroule sur les collines et dans les quartiers. Et vous dites qu’il y a des décisions qui ont été prises. Pour moi, ce n’est rien », a réagi le ministre de l’Intérieur sur les inquiétudes des politiciens qui dénonçaient ces mesures « coercitives ».

Il estime par ailleurs que le gouvernement ne peut pas disponibiliser un budget pour être consommé sans résultats. « Imaginez-vous un administrateur qui prend son temps pour sillonner les collines en vue de faire la sensibilisation et que les gens résistent. Si celui-ci adopte des stratégies pour que l’enrôlement soit effectif, je n’y vois aucun mal ».

D’ailleurs, a insisté Martin Niteretse, « supposez qu’il y a quelqu’un qui ne se soucie pas des affaires du pays et qui rêve toujours vivre en Europe ou au Canada et obtenir une autre nationalité. Faut-il continuer à l’amadouer ? »

Toutefois, le ministre souligne que s’il y advenait qu’un administrateur ait bafoué les droits d’une personne, celui-ci aurait failli à sa mission.

Dans le même ordre d’idée, Prosper Ntahorwamiye, président de la Ceni, a critiqué ces « récalcitrants ». Il estime que tout le monde devait suivre « le signal politique » donné par le chef de l’Etat à Giheta.

« Si le président de la République s’est déjà fait inscrire ainsi que le président de l’Assemblée nationale, pourquoi un citoyen lambda refuse de se faire enrôler ? Acceptons qu’il ait ses droits, mais il a aussi des devoirs. Bientôt, ce citoyen-récalcitrant va réclamer la construction d’une route, des soins médicaux, l’éducation pour son enfant alors qu’il n’a pas participé à l’édifice du pays ».

Pour rappel, au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 25 octobre 2024, Prosper Ntahorwamiye semblait donner raison à l’approche des administratifs. Selon lui, exiger un récépissé certifiant son enrôlement au rôle d’électeurs par les administrations locales ne constitue pas une atteinte aux droits des citoyens, mais une manière de responsabiliser la population.

« Si l’État encourage la participation aux élections, il n’empiète pas sur les droits des citoyens. D’ailleurs, je pense qu’il faudrait envisager de rendre le vote obligatoire dans notre prochain Code électoral. De nombreux pays ont déjà adopté cette mesure. Le vote ne serait plus seulement un droit, mais une obligation », a-t-il laissé entendre.

Et dans une interview accordée aux journalistes lors de l’enrôlement du couple présidentiel à Musama, en commune Giheta dans la province de Gitega, le 22 octobre 2024, le président Ndayishimiye a indiqué que voter n’est pas seulement un droit mais aussi une obligation. « Si tu refuses d’aller voter, c’est comme si tu renonces à ton statut de citoyen. Cela montre également que tu n’es pas concerné par les affaires de ton pays ».

Les décisions des administratifs : une méconnaissance ?

Félicien Nduwuburundi, président du Forum des partis politiques considère les décisions ces administratifs à l’endroit de la population comme une méconnaissance puisque les chiffres de la Ceni sont satisfaisants. « Peut-être que les administratifs n’étaient pas informés de ces chiffres. Sinon, le dynamisme qu’ils ont utilisé ne serait pas celui que nous avons vu ».

Toutefois, il signale que ces administratifs avaient à se conformer au message du président. « Étant administratifs et partant sous l’autorité du président de la République, ils devaient s’y conformer ».


Réactions

Jean-Marie Muhirwa : « Chez nous la démocratie a connu son encrage »


« Lorsque tu es citoyen d’un pays et que tu renonces à ton droit de vote alors que le pays a mis en place tout le dispositif, tu te prives de ton droit », considère Jean-Marie Muhirwa, secrétaire national du parti CNDD-FDD chargé des affaires politiques et juridiques. Pour lui, c’est honorant lorsque les Burundais participent massivement aux élections.

Il se réjouit d’ailleurs du niveau atteint à l’inscription au rôle d’électeurs. « Nous remercions les Burundais puisqu’ils ont participé au processus d’enrôlement. Ces résultats ont été atteints grâce à la mobilisation de l’administration ». Ce commissaire indique que cela montre que la démocratie a déjà connu son encrage au Burundi.

Agathon Rwasa : « Il faut douter déjà de la fiabilité des effectifs avancés par la Ceni »


Ce député à l’Assemblée nationale souligne qu’à voir les mesures coercitives et contre nature, car elles violent la liberté et les droits du citoyens, on peut douter déjà de la fiabilité des effectifs avancés par la Ceni. Il estime que les raisons évoquées par les administratifs pour « mobiliser » la population ne corroborent pas les chiffres de la Ceni. « Le pouvoir est aux abois face à une population silencieuse mais consciente de la mauvaise situation dans laquelle elle se trouve et qui résulte du sectarisme outré qui marque la gestion de l’Etat ».

Agathon Rwasa considère que la réaction du ministre montre un manque d’égard au citoyen qui galère pour faire vivre des institutions insensibles aux conditions précaires des citoyens. Il estime que l’absence de promptitude de la population dans l’enrôlement n’est pas un crime surtout que la période consacrée à cet exercice n’était pas encore à son terme.

Et ainsi de conclure : « le ministre en question manifeste par ses propos, que lui et le régime pour lequel il roule n’ont pas la confiance du peuple et partant, il se doit de traiter ledit peuple non sans animosité ».

Patrick Nkurunziza : « Il y a déjà un malaise dans l’organisation des élections »


D’après le président du parti Frodebu, les effectifs de la Ceni et les raisons de la « mobilisation » des administratifs renvoient à une contradiction. Cela traduit un malaise qu’il y a dans la préparation et l’organisation des prochaines élections.

« C’est vraiment un grand problème ! Elle met en évidence une incohérence grave entre le gouvernement et la Ceni sur un processus qui engage toute la nation. Cela n’augure rien de bon pour l’avenir des élections au Burundi et de notre pays ».
Le président du parti Sahwanya-Frodebu considère la réaction du ministre comme une confirmation de celui qui a ordonné de prendre les mesures coercitives et les sanctions que l’administration a infligées « injustement et illégalement » à la population.

Kefa Nibizi : « Ce processus d’enrôlement a montré que c’est une façon de cautionner la fraude électorale à travers un fichier électoral suspect »

Le président du parti Codebu trouve qu’en utilisant la violence pour interpeller ou inciter les gens à se faire enrôler, le pouvoir a voulu se voiler la face parce qu’il a constaté que la population en a marre des élections mal organisées dans des circonstances où le terrain politique est presque monopolisé par un seul parti et où les conditions de vie des Burundais se détériorent du jour au lendemain.

Il s’étonne pourquoi l’administration a continué à utiliser des méthodes violentes alors que les chiffres déjà atteints étaient satisfaisants. « Il ne faudrait pas se voiler la face. On est arrivé à ces chiffres parce que l’administration issu du CNDD-FDD a utilisé des mesures brutales ; des mesures qui violent même les droits de la population ».

Kefa Nibizi doute d’ailleurs des projections de l’électorat potentiel annoncé par la Ceni. D’après lui, il se pourrait que la projection de 6 millions comme électorat potentiel faite par la Ceni serait de loin inférieure aux chiffres qui auraient été publiés par le récent recensement de la population. Cela veut dire que les personnes qui auront l’âge de voter en 2025 seraient de loin supérieure à 6 millions.

« Le gouvernement serait en train d’utiliser ces mesures coercitives pour pouvoir augmenter le nombre d’inscrits afin qu’ils puissent être rapprochés aux résultats qui ont été identifiés par le récent recensement afin que le jour où on va publier ces informations, on trouve quand même qu’il y a une corrélation entre les chiffres réels issus du recensement et ceux des inscrits aux élections », estime le président du Codebu.

Il déplore que ce soit le ministre de l’Intérieur qui a donné des ordres à l’administration de passer outre le principe de la liberté de participation aux élections en utilisant des mesures coercitives et en donnant même des arguments contre les droits de l’Homme, contre la loi pour que les gens soient forcés d’aller voter.
« Bref, ce processus d’enrôlement a montré tout simplement que c’est une façon de cautionner la fraude électorale qui commence à travers un fichier électoral suspect ».


Eclairage

Stef Vandeginste : « Le Code électoral du Burundi n’oblige personne à aller voter »

Pour le Stef Vandeginste : « En l’absence actuelle du vote obligatoire, un encouragement ne devrait pas se transformer en menaces ni en obligations avec sanctions ».


« Il est bien clair qu’à l’heure actuelle, étant donné que le Code électoral du Burundi n’oblige personne à aller voter, on ne peut a fortiori pas obliger les citoyens à s’enrôler pour des élections … auxquelles ils ne sont pas obligés à participer », réagit le Professeur Stef Vandeginste, constitutionnaliste belge et chercheur à l’Université d’Anvers qui suit de près la situation politique burundaise et surtout les élections dans ce pays.

Et d’ajouter : « Il est vrai que certains pays, y compris la Belgique, quand il s’agit des élections au niveau national ou régional, connaissent une obligation à participer aux élections ».

Mais, nuance-t-il, ces pays constituent une petite minorité à l’échelle mondiale, et, en plus parmi eux, rares sont les pays qui imposent des sanctions aux citoyens qui ne participent pas aux élections en dépit de cette obligation.
« Il est positif que les autorités encouragent les citoyens à participer aux élections. Mais, en l’absence actuelle du vote obligatoire, un « encouragement » ne devrait pas se transformer en « menaces » ni en « obligations avec sanctions » qui risquent d’ailleurs d’être arbitraires si n’importe quelle autorité administrative locale peut les imposer ».

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. TM

    Erega amatora ni ayo nyene! Abenegihugu barerekanye ko batwawe nabi, kuko ababararikiye gutora ataco babamariye. ko banse kwiyandikisha, gushika babafatire ibihano, ejo bazobabeshera ko batoye hafi ijana kw’ijana umugambwe kanaka?

  2. jereve

    A la limite, et à ce stade, on peut tolérer cette liberté que s’est octroyée l’état de transformer un droit de se faire inscrire au vote en une obligation et contrainte. C’est un « glissement » si on devait utiliser l’expression imagée de nos proches voisins.
    Les grands dérapages sont à craindre, si l’état devait se sentir « tout permis » et par conséquent autorisé à user de ce même stratagème pour imposer l’élection de ses candidats présidentiels, parlementaires et collinaires. En tout cas la machine est déjà en route: les administrations zélées sont là pour exécuter les ordres sans état d’âme, les groupes de jeunes sont mobilisés un peu partout dans le pays pour exécuter les moindres volontés d’en haut.
    L’état est en train de tester la résistance des populations. La logique implacable plus tard sera: si j’ai réussi à inscrire les votants, de gré ou de force; qui peut m’empêcher de faire élire mes candidats de gré ou de force.

  3. arsène

    Ce que font les autorités burundaises étonne. Elles osent dire que c’est un droit et qu’elles forcent les citoyens à exercer leur droit. L’inscription pour participer aux élections serait-elle le seul droit qui puisse préoccuper tant les autorités? On peut en douter. Lors des élections de 2020, il y avait obligation de payer une cotisation « volontaire ». C’était tout aussi contraignant et certains citoyens se sont retrouvés menotés par les jeunes du parti CNDD-FDD.

    Dans certains pays et pour des raisons, les autorités recourent à la conscription. Les jeunes réchignent souvent à se faire enroler pour des raisons évidentes. On a l’impression que l’inscription à ces élections sont comme une conscription.

    Ce qui me frappe le plus est le mépris que nos autorités ont des citoyens. Est-ce qu’elles considèrent que les Burundais ne savent pas ce qui est bon pour eux? C’est déplorable.

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