Aucune arrestation. L’enquête s’enlise. La famille est dévastée. Elle dénonce le laxisme de la police et de l’administration. Thomas Nkerabanyanka et son épouse Nathalie Barengayabo de la colline Nyarurambi en commune Butaganzwa de la province Ruyigi ont été assassinés d’une manière épouvantable. Les proches réclament la vérité sur ce double meurtre.
« La maman a reçu 17 coups de couteau. Nous pensons que les assassins ont emporté son cœur. Il y avait un trou béant au niveau de la poitrine », confie un membre de la famille des défunts. Nous sommes le lundi 7 décembre 2020 sur la colline Nyarurambi. Un calme apparent règne sur la localité. Mais tous ont en mémoire le double meurtre de Thomas Nkerabanyanka (65 ans) et sa femme Nathalie Barengayabo (58 ans).
Sur cette colline, passe la route goudronnée Gitega-Ruyigi. Des agriculteurs s’activent. C’est le moment de sarcler pour le maïs. D’autres font le semi d’éleusine et d’arachide.
Quelques jours après l’assassinat sauvage de ce couple, le traumatisme s’observe encore sur certains visages. « On s’efforce à travailler. Mais, la situation n’est pas bonne. On a vraiment peur. Ce qui s’est passé chez nos voisins est très atroce », confie I.K, un de ces paysans. « C’est de la sauvagerie », ajoute un autre, encore sous le choc.
Néanmoins, non loin de la maisonnette des défunts, d’autres gens semblent monter la garde. Houes dans les mains, ils fixent tout étranger qui se rend sur le lieu du drame. Pour y arriver, au moins une vingtaine de minutes à pied. Le véhicule éveillerait des soupçons et attirerait plus la curiosité.
On marche. On emprunte de petits sentiers. Un terrain glissant, mais fertile. Des bananeraies très touffues entourent des maisons. Certaines sont en briques cuites, d’autres adobes. Une spécialité : la majorité est couverte des tôles et sans clôtures.
Au domicile des disparus, c’est le deuil. Quelques hommes, femmes et enfants sont sur place devant la maison d’un des fils des défunts. L’inquiétude, le désespoir, des questionnements se lisent sur leurs visages.
La maisonnette du couple égorgé se trouve plus ou moins à 5 mètres. Juste trois chambrettes et un petit salon. Elle est construite en briques adobes et couverte de tôles. Elle ne dispose que de deux portes et quatre fenêtres. Sur la porte-arrière, une trace d’un pied des bourreaux reste visible sur la porte. Ce coup de pied a suffi pour défoncer cette porte en bois, raconte un proche des défunts. Et c’est par là que les assassins se sont introduits dans la maisonnette, inaperçus. La porte principale est restée intacte.
Une découverte macabre
Le mercredi 2 décembre 2020, le couple avait passé la journée au marché du chef- lieu de la commune Butaganzwa. Ils rentrent à Nyarurambi aux environs de 16 heures. Thomas et son épouse se couchent aux environs de 22 heures.
« Très tôt le matin, ses petits-fils sont allés toquer chez eux pour emprunter des houes. Mais personne ne répondait. Ils ont alerté tout le monde. Nous avons toqué plusieurs fois. Aucune réponse », raconte un proche.
C’est par après qu’ils vont découvrir que la porte arrière a été défoncée. Découverte macabre. Thomas et Natalie ont été égorgés. « Les assassins n’ont rien volé, mais ils ont égorgé toutes les poules. Les chèvres agonisaient avec une corde dans le cou », raconte un voisin de la famille.
Lundi 7 décembre, la famille était réunie au domicile des défunts pour la levée de deuil partielle. « Ils ont été tués d’une manière horrible. Jusqu’à maintenant, nous ne savons pas ce qui s’est passé ». La famille se pose toujours des questions sur le mobile de ce double assassinat.
« Cette famille vivait en harmonie avec ses voisins », indique un administratif à la base et voisin du couple assassiné. « Toute la colline a été touchée par ce qui s’est passé. Nous sommes en colère. A nos avis, les assassins étaient très nombreux. »
Le comportement de la police et de l’administration inquiète plus d’un sur la colline Nyarurambi. « Normalement, il faut une enquête d’urgence en cas d’assassinat. Personne n’a été arrêté pour raison d’enquête. On dirait que rien ne s’est passé sur cette colline. C’est bizarre », déplore un proche de la famille.
D’après les témoignages recueillis sur place, la police n’a posé qu’une seule question pour savoir comment cette famille cohabitait avec ses voisins. « Depuis, silence radio. C’est vraiment incompréhensible après un tel acte », confie un habitant de Nyarurambi.
« Nous voulons la vérité. Et elle se trouve parmi les habitants de Nyarurambi. Ceux qui ont massacré ces gens ne sont pas venus de Bujumbura ou de la Tanzanie. Pourquoi la police ne veut pas faire des enquêtes ? », se demande un autre. « Même l’administrateur communal n’est pas venu sur la colline. On se pose beaucoup de questions. »
Mobile politique ou sorcellerie ?
A Nyarurambi, certains avancent des mobiles politiques. « Thomas était dans le comité collinaire du parti Cnl. Mais pas très influent. Un de ses fils est parmi les responsables des jeunes affiliés au parti Cnl. Nous pensons qu’ils ont été tués à cause de ça », confie un habitant de Nyarurambi.
« Ils n’avaient pas de conflits fonciers avec leurs voisins. » La famille se dit inquiète pour sa sécurité. « Vu le silence des autorités, nous sommes terrorisés. Nous pouvons subir le même sort », confie une parenté. « Nous avons eu de la chance, car leurs petits-fils qui vivaient avec eux n’étaient pas là ce jour-là. Comme nous sommes dans l’opposition, nous avons très peur après cet acte ignoble ».
De la sorcellerie ?
L’administrateur de la commune Butaganzwa, Rémy Ndarufatiye, rejette le mobile politique. « Jusqu’à maintenant, on ne sait pas pourquoi ces gens ont été tués. Nous soupçonnons des histoires de sorcellerie. Ils n’ont pas été assassinés parce qu’ils sont du parti CNL. » L’administrateur communal indique que les enquêtes sont en cours. « Personne n’est encore arrêté, mais on cherche toujours ».
Il demande à la famille d’aider dans les enquêtes. Les habitants de Nyarurambi s’insurgent contre les propos de l’administrateur communal. « Quelle investigation a-t-il faite pour parler de la sorte ? Evoquer d’emblée la sorcellerie est une manière de fausser les enquêtes. Peut-être que ce sont les assassins qui lui ont raconté cela. » Le souhait des habitants de Nyarurambi est que cette affaire soit élucidée.
Fabrice Manirakiza & Rénovat Ndabashinze