Vendredi 22 novembre 2024

Editorial

En panne

11/08/2022 12

Pardon.

Ce jeudi, quand je me suis assis pour rédiger l’éditorial de la semaine, j’ai eu comme un vide, une sorte de syndrome de la page blanche.
Vous savez, cette impression de ne plus savoir quoi dire. Je me suis senti petit, dépassé. Déprimé.
Que dire ?

Saluer la croissance « de 3% de notre excellente économie’’ » annoncée par notre ministre des Finances ? OK. Ce ne serait pas mal. Mais je me dis que c’est trop beau, qu’il faudrait bien vérifier les chiffres et les rapports des Institutions de Bretton Woods, de la BRB, de l’Isteebu local, du PNUD et autres PAM, etc.

Et puis, les files des véhicules alignés devant les stations d’essence depuis plusieurs jours ne m’encouragent pas à pavoiser. Déprimant, plus tôt, même s’il y a une lueur d’espoir.

Ce soir, je ne pense pas à cette « croissance » que je ne vois pas. Mais aux kilomètres qui me séparent de chez moi, à Kibenga, aux longues files de citoyens fatigués à attendre des bus qui n’arrivent pas. Malgré la mise en circulation d’une dizaine d’autres bus flambant neufs. Où sont-ils passés au fait ? Eux-aussi n’ont pas de carburant ? Les files d’attente persistent.

Dans ma jeunesse, j’ai été athlète avec comme entraîneur, tenez bien, le fameux Léonard Nyangoma. Longtemps avant qu’il prenne la voie du maquis. Au lycée de Rutovu, j’étais aligné aux 400 mètres. Nous avons gagné quelques coupes lors des compétitions scolaires.

Mais doucement, je prends de l’âge, je ne fais qu’un peu de footing, quand Iwacu me laisse le temps, …

Ce soir, je me demande surtout comment je vais « me taper » à pied le trajet depuis le siège du Journal Iwacu au quartier INSS pour arriver à Kibenga, parce que tous les véhicules du journal sont à sec et font la queue devant une station d’essence. Les taxis sont devenus un luxe que peu de citoyens peuvent se payer.

A l’arrivée, chez moi, ce soir je ne suis pas sûr d’avoir ma récompense. Je ne consomme pas la sainte mousse, religion oblige. Mais je n’aurais pas droit à ma pauvre tasse de thé. Je n’ai plus une cuillerée de sucre à la maison depuis plusieurs jours. Le thé, je l’aime sucré. Chacun ses addictions. Je n’abuse pas. Mais je pense à mes adolescents.

Que dire ? Qu’écrire ?

Les prix des cahiers sont presque passés du simple au double à quelques semaines de la rentrée. Il y a mes enfants, des neveux, qui ’’campent’’ chez moi dans l’attente de « quelque chose ». Vous voyez ce que je veux dire.

Mon Dieu ! Ce samedi… C’est la levée de deuil de…c’est un ami. Je ne peux pas être absent. Il m’a assisté quand j’ai perdu des proches. Je vais devoir contribuer aussi… Les Burundais appellent cela le ’’social’’. La hantise de l’été. Il faut carrément un budget. L’été, c’est la saison des « levées de deuil».

Mais mon compte est à découvert, comme tous les mois d’ailleurs. Je vis à découvert. Mais je me rassure, je ne suis pas le seul. Vivre à découvert est en passe de devenir un sport national.

Que dire ? Qu’écrire ?

Chers lecteurs, acceptez cette semaine que je ne dise rien. Je vous fais un aveu. Je n’ai rien à dire. Je suis en panne. Pardonnez-moi. Je dois rentrer, je ne sais pas encore comment…

Je crois que je vais marcher. Ici on dit « Kuharya reggae ». Twagiye…Inc’Allah, l’espoir est permis, du carburant promis d’ici quelques semaines.

Forum des lecteurs d'Iwacu

12 réactions
  1. Kibinakanwa

    Le qualificatif  » Leta Mvyei ou Nkozi  » est un qualificatif qui nous fait tiquer.
    De mon jeune agent , il y avait un paysan iyo yarusomvye yiyita  » Mukunda bose ».
    Les gens lui répondaient ati urareka tubibone, abe aritwe tubivuga.
    Il aurait fallu que ce soient nous le petit peuple tubivuga tubonye ko iyi Leta ya nyakubahwa notre president isumvya izabayeho kuva kuri Ntare Rushatsi. Ahandi ho ni auto glorification.
    Ntawishima, baramushima

  2. Gentil

    Abbas, dire que l’économie burundaise a connu une croissance de 3 % , il y a un peu de l’exagération. Peu être que celui qui a fait des statistiques a utilisé des données inventées de toutes pièces. C’est-à-dire qui ne reflètent pas la réalité. A mon avis, pour être crédible, le Ministre du Budget devrait montrer les données qui ont débouché sur ce résultat. Sinon, avec cette inflation chronique qui s’observe dans le pays, personne n’est convaincue que les propos tenus par le ministre en ce qui concerne la croissance sont vais. Tous les produits offerts sur les différents machés sont chers et des fois introuvables, ce qui est signe fort d’une économie moribonde. Que ce soit à Bujumbura et à l’intérieur du pays, les commerçants se lamentent comme quoi leur clientèles a considérablement baissé. Les transporteurs de biens et de personnes ont du mal à trouver le carburant. Ils travaillent aujourd’hui et demain, ils passent deux ou même trois jours à la recherche du carburant. Les paysans quant à eux disent ne plus savoir de quel Saint se vouer. Comment alors dans un pays où tous les indicateurs sont au rouge, quelqu’un peut se targuer d’avoir enregistré une telle croissance?
    Abbas, tu n’as fait qu’asseoir sur le papier le calvaire que tout citoyen lambda vit. Tu es bien entrée dans sa peau.
    J’admire ton style et je te souhaite longue vie. Tu prends la plume pour le petit paysan, et tu lui donnes la chance de raconter à l’aide de ta plume, ce qu’il ne peut pas lui-même écrire.

  3. Leta nkozi, leta mvyeyi Irara irakora kugirango ivyo bibazo vyose abana bafise vy’inzara n’ubukene bitore umuti. Nico gituma twayitoye. Kubaho mw’ideni naho nkuko ABBAS yabivuze ushoboye kuronka niryo deni nuko uba werekanye ko ufise ubushobozi bwo kuryishura mumisi mikeyi cane. Abenshi bararisaba bakaribura. Komera Leta nkozi ntukomeze gukora kukarimi dukene kubona ibikorwa mu ngiro atari mu mvugo no mukwiyobagiza uko abanyagihugu babayeho nabi. Président wa Sénat ati :  » ntakazi leta ifise ko guha urwaruka » . Urwaruka ruzoca rutwara akiwe rero wewe abitahura atahe muhira ko atako.

    • Yan

      @Levy Mass
      « Président wa Sénat ati : » ntakazi leta ifise ko guha urwaruka » »Urwaruka ruzoca rutwara akiwe rero wewe abitahura atahe muhira ko atako. »

      Sha wewe turahuje. Président wa Sénat yibagiye ko ari mu batwara igihugu kugira abarundi bose batore akabiri; hakaba harimwo kuronkera akazi urwaruka n’abahumure mbere. Akazi kakaba katari muri rata gusa; kari no mu bikorera utwabo. Mugabo abikorera utwabo reta irinda gushiraho ibishobora kuborohereza gutanga akazi. Hari ibihugu umuyabaga yinjiye mu kazi reta yemera igatanga igice c’umushahara wiwe imbere ko amenyera umwuga. Ikindi gihe reta ikamutangira amahera ya INSS kugira umukoresha aharonkere akarusho. Hanyuma uwo mukuru wa sénat abona vyamunaniye n’ukureka abandi bakigeragereza. Kuko nico abereye muri kirya kibanza. Nko mu bihugu démocratie nkeya irimwo, avuze kuriya boca bamubwira gukinjura kuko aba yemeye ko akazi kaba kamunaniye.

  4. Sonia Kabwa

    Vous avez tout dit!
    Cet éditorial est parfait et pertinent.
    Merci.
    Mpore kandi.

  5. Jamahaar

    Le pays est « conjoncture. »La montee du cout de la vie.L’#inflation galopante.Le manque d’essence.La renteree scolaire et la montee vertigineuse des couts des articles et du minervall,les mariages, levees de deuil, etc….On pense avoir tout experiemente dans ce pays depuis des decennies comme des crises a repetition. Mais il est difficile a s’habituer a la misere, la faim et le chomage.Quand a la « croissance de 3% » de l’economie burundaise, c’est juste de la poudre aux yeux.Insignifiante lorsqu’on sait que les autres pays affichent des croissances a deux chiffres.A cette allure, le Burundi est tres loin des objectifs proclames d’entrer dans le club restreint d' »economies emergentes » en 2040 avant qu’une autre crise mageure ne surgisse puisque c’est cyclique.O Burundi, mon Amour comme dirait l’auteur bien connu.

  6. maragarita

    La sortie médiatique manquée de notre puissant ministre méritait bien les réponses par éditorial de nos deux chevronés journalistes. Sieurs Kaburahe et Mbazumutima. Bravo pour la simplicité incisive de vos proses. Vos écrits passeront à la postérité

    Les burundais n ont pas accès au Journal en ligne Iwacu. Tout le monde ne connait pas comment utiliser des liens VPN pour contourner cette censure.
    Mais nous savons que nos ministres et parlementaires lisent nos cxommentaires sarcastiques.
    Un ministre des finances qui avance de telles ……!!!!!!!!!!!!!
    Il parait que dans les années 1970, Papa Doc et Bébé Doc organisaient des fetes somptueuses et disaient que Haiti était un Paradis. AU zaire aussi du temps de Mobutu.
    Mais les ministres devraient etre des techocrates qui analysent froidement la situation économique. Il est vrai qu’ilos ne vivent pas la vraie réalité

  7. Kabizi

    Non Cher Nzigamasabo.
    Les voix en Afrique, on les vole

  8. Yan

    Cher Abbas, selon quelques personnes, le thé sans sucre est meilleur pour la santé que le thé sucré. Et il paraît que c’est une question d’habitude. Il semble que cela permet même de déguster le vrai goût de notre délicieux thé. Moi-même qui préfère le café au thé je suis en train de mener ma bataille pour me passer du sucre. Surtout à un certain âge. Quant à votre compte qui est à découvert, je peux vous rassurer que le mien est pareil et que je suis pour le moment l’adage qui dit que l’espoir fait vivre.

  9. Nzigamasabo

    M. Mbazumutima : la lecture de votre article est délicieuse dans la manière dont vous l’avez rédigé.
    Cependant, le fond du texte révèle le ressenti de toute personne qui se déplace en milieu urbain pour gagner sa vie. Mais je vais être amer : quel est le pourcentage de la population urbaine à l’échelle nationale ? Un pourcentage politiquement nul ? C’est à dire qu’on peut se passer des voix électorales de ces villes ? Quant à nos parents, sœurs et frères de nos collines, uko zivugijwe niko zitambwa. Me direz-vous le contraire ?

  10. Tharcisse

    Merci pour cet éditorial. En fait , vous vivez comme nous tous burundais, c’est-à-dire à crédit.
    Mais cette vérité est difficile à assumer pour nos autorités.

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