« Doom and gloom ». Cette expression anglaise désigne un sentiment de trouble, de peur-panique. Après la proclamation des résultats provisoires par la Ceni, le 25 mai, et leur contestation par le principal parti de l’opposition, le CNL, une psychose a gagné la population.
Des propos malveillants, peu courtois et pleins de menaces ont inondé les réseaux sociaux. Des audios au ton désemparé, troublé, voire déprimé ont circulé. On a entendu une femme de Ruziba appeler à l’ « autodéfense. » Les rues de la mairie sont devenues presque désertes le soir. On se demandait ce qui allait se passer la nuit, on retenait le souffle.
« Le personnage dépasse sa personnalité », dit-on. Ce soir même, le candidat proclamé vainqueur a lancé un message appelant tous les Burundais au calme, à la concorde, à la cohésion nationale.
Jusqu’ici, le camp annoncé vainqueur ne s’est pas adonné au triomphalisme, à la provocation. Ce qui a étonné plus d’un. De même, les responsables du parti contestataire, le CNL, ont appelé leurs militants et sympathisants à la retenue, privilégiant la voie de la légalité : « Déposer leur plainte devant la Cour constitutionnelle. » Un sens de responsabilité et de maturité politique ? Quoi qu’il en soit, leur intervention a évité le pire, l’hécatombe, « doom’s day », comme certains le prédisaient.
Mais la sagesse et la responsabilité des autorités ne devraient pas en rester là. On apprend en effet que des militants zélés menacent, persécutent leurs voisins qui ont voté autrement. C’est le cas de la commune Buganda où des gens ont été grièvement blessés. Des arrestations en cascade de militants, surtout du CNL, sont signalées dans plusieurs coins du pays.
Les élections peuvent alimenter la violence dans des situations où les adversaires politiques ne respectent pas les règles ou n’acceptent pas les résultats électoraux comme l’expression légitime de la volonté populaire. Il revient encore une fois aux responsables politiques de recadrer les militants qui nourrissent la peur, fabriquent l’émotion en suscitant la méfiance, le ressentiment. Ils doivent attendre le verdict de l’organe de recours, la Cour constitutionnelle, dans le calme et le respect mutuel. Je fais miens les propos de Mgr. Nicolas Djomo, président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) en 2011, invitant les Congolais au calme et à la paix lors du contentieux électoral : «Le choix politique ne doit absolument pas constituer un motif d’inimitié et d’antagonisme. Il postule par contre le respect des uns et des autres en vue d’une coexistence pacifique.»