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Politique

Emprisonnement sur fond d’erreur judiciaire

05/09/2018 Commentaires fermés sur Emprisonnement sur fond d’erreur judiciaire
Emprisonnement sur fond d’erreur judiciaire
Scolastique Bagayuwitunze devant sa maison détruite en 2014.

Pierre Buranzize et Thierry Kimararungu sont emprisonnés à la prison centrale de Bubanza, depuis juillet 2017 pour insubordination. Leurs proches parlent d’erreur judiciaire et demandent leur libération.

Village 3 en commune Gihanga de la province Bubanza. Assise devant ce qui reste de sa maison, Scolastique Bagayuwitunze ne décolère pas. Larmes aux yeux, elle se demande « comment la justice peut se tromper à ce point et envoyer mon mari et mon fils en prison. »

Dès le départ, soutiennent les sources sur place, cette affaire aurait dû être jugée en faveur de Pierre Buranzize car le tribunal de résidence de Gihanga a jugé un conflit foncier sur base de faux documents et a laissé la situation s’empirer.

L’histoire remonte à 1971. Pierre Buranzize (73 ans), originaire de la commune Kiremba en province Ngozi, fait partie des familles implantées dans la plaine de l’Imbo en provenance de différentes provinces du pays. Lui et sa femme, grâce au projet gouvernemental de la Société Rizicole de Développement de l’Imbo (SRDI) pour la culture du riz, reçoit trois terrains : un espace pour la culture du riz de 200 sur 50 mètres, une parcelle de 60 sur 40 mètres, non loin du champ pour ériger une maison, et un champ pour les cultures vivrières d’une superficie de 100 sur 15 mètres.

Outre que la SRD Imbo s’occupe de toute la chaîne, de la production à la commercialisation du riz, elle se charge de l’encadrement des riziculteurs, de la collecte du paddy, de l’usinage et de la commercialisation. Du coup, chaque bénéficiaire reçoit les semences et intrants à rembourser après récolte. Pour faciliter la tâche, un registre de la société est disponibilisé dans lequel sont mentionnés le nom du bénéficiaire, son numéro d’immatriculation qui correspond à son champ de riz, la quantité et les types des produits à rembourser, etc. « Le numéro d’immatriculation de Pierre Buranzize était le 3145 », affirme un des fils de Pierre Buranzize.

Le désenchantement

En 1993, lorsque le Président Melchior Ndadaye est assassiné, la famille s’installe au camp de réfugiés de Rukore 1 en Tanzanie. Les six enfants de Pierre Buranzize rentrent au pays le 15 août 2006. Arrivés à Gihanga, ils trouvent les trois terrains occupés par la succession d’un certain René Ndikumagenge qui explique avoir tout acheté. « Ils nous ont dit qu’ils avaient tout acheté à notre père en 1990. Nous leur avons demandé le contrat de vente, les bordereaux de paiement à la SRD Imbo et les témoins, mais ils ont dit que tous les papiers avaient brûlé et que les témoins étaient tous morts.»

Pour en avoir le cœur net, un des fils se rend en Tanzanie et rapatrie son père et sa mère. Arrivés sur place, les parents nient la vente et portent plainte au tribunal de résidence de Gihanga. Ils présentent des voisins comme témoins et des documents attestant que les trois propriétés leur appartenaient depuis 1971. « La succession Ndikumagenge n’a jamais comparu mais, à notre grand étonnement, le juge a tranché en leur faveur. » Malgré les recours au Tribunal de Grande Instance de Bubanza et même à la Cour Suprême, les décisions n’ont pas changé. Ils étaient chaque fois déboutés.
Pourtant, comme ils le font remarquer, toute cette affaire est basée sur un faux document car la succession Ndikumagenge a toujours dit que leur père avait acheté un terrain dont l’immatriculation est 3146, ce qui ne correspond pas au terrain de Pierre Buranzize.

Des recours en vain

En 2014, le procureur de Bubanza est allé mettre en exécution le jugement. Il a ordonné la destruction des maisonnettes que la famille de Pierre Buranzize avait érigées, à leur retour de l’exil, pour s’abriter et leur a ordonné de vider les lieux, en vain. Le 3 juillet 2017, Pierre Buranzize et son fils Thierry Kimararungu ont écopé de trois ans d’emprisonnement pour rébellion et d’une amende de 1 million BIF.

Peu de temps avant leur emprisonnement, la famille avait écrit au ministre de la Justice pour demander une révision de cette affaire car la parcelle n°3146 est une autre que celle que la succession Ndikumagenge affirme avoir achetée en 1990. La ministre leur a rétorqué le 11 mars 2016 que les arguments qu’ils présentaient ne peuvent pas conduire à la réouverture de cette affaire.

En outre, la famille a porté l’affaire à la CNTB en 2016, mais cette commission a jugé le dossier irrecevable le 14 juin de la même année, la renvoyant à la Cour spéciale Terres et autres Biens.
Scolastique Bagayuwitunze soutient que ce qui se passe est une parodie de justice : « Tous les documents montrent que nous exploitions ce champ de riz et que nous habitions ici jusqu’en 1993. S’ils l’ont réellement acheté, où sont les contrats de vente, les témoins. Et pourquoi parlent-ils du n°3146 alors que le nôtre est le n°3145 depuis 1971 ? » Et de demander que son fils et son mari soient libérés sans conditions et leurs terrains restitués.

Iwacu a contacté à maintes reprises la succession de René Ndikumagenge, sans succès.

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