Quand les gens sont privés de la liberté de parole, ils accumulent des frustrations dont les conséquences sont fâcheuses. Hélène Mpawenimana, professeur et chef de département de journalisme et communication à l’Université du Burundi, nous éclaire.
La limitation de la liberté d’expression peut-elle provoquer des messages de haine ?
Dans certaines situations, la limitation de la liberté d’expression ou le fait de ne pas donner ses opinions peut mener à des messages de haine. Quand des membres d’un groupe de gens n’ont pas eu le droit d’exprimer librement leurs opinions, ils le font en cachette d’une manière exagérée, intensifiant la force des messages de haine menant au conflit.
Qu’est-ce qui peut pousser une personne à refuser de s’exprimer librement ?
Dans certaines situations, il arrive que certaines personnes se privent du droit d’exprimer leurs avis en public. Il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Certains sont empêchés de s’exprimer, d’autres ont peur pour leur sécurité. Sans oublier ceux qui veulent protéger leurs propres intérêts ou ceux de leur groupe d’appartenance, surtout quand il s’agit des événements malheureux du passé. Pour toutes ces causes, elles jugent bon de se taire. Mais les conséquences sont fâcheuses.
Pouvez-vous donner des exemples ?
Les conflits qu’a connus notre pays sont basés sur des appartenances ethniques. Il y a eu des clivages entre les Hutu et les Tutsi. Ils s’accusent mutuellement. C’est comme si, d’une part, tous les Tutsi ont commis le meurtre et, d’une autre part, tous les Hutu sont des tueurs. Mais tous les groupes ethniques ont été touchés. Ce crime a été commis par un petit groupe de personnes pour protéger ses intérêts. En substance, ce ne sont pas tous les Hutu ou les Tutsi qui sont coupables. Ceux qui connaissent la vérité s’abstiennent de témoigner pour la faire éclater au grand jour.
Quelles conséquences en cas de limitation d’expression des idées ?
Les conséquences sont nombreuses et néfastes. Un groupe peut penser que l’autre prépare un mauvais coup pour lui faire du mal, alors que ce ne sont que des idées conçues sans rapport avec la réalité. Et ainsi des conflits naissent. C’est une source de soupçons pouvant peut-être mener à la destruction des infrastructures, aux violences, aux tueries qui provoquent l’afflux des déplacés, des réfugiés. C’est une situation qui impacte négativement le développement d’un pays.
Est-il nécessaire de laisser les gens qui ont des idées divergentes s’exprimer librement ?
Je dirais qu’il est indispensable de laisser les gens exprimer librement leurs opinions. Mais il faut certaines conditions pour éviter des dérapages dans certains cas.
La libéralisation de la parole donne lieu à un consensus sur des points qui, au départ, opposaient des groupes en conflit ou des communautés en conflit. Les parties en conflit ou qui croyaient l’être se réconcilient. Chacun donne son opinion sur une thématique ou un problème donné. C’est une base du développement durable et inclusif fondé sur l’entente mutuelle.