Vendredi 22 novembre 2024

Politique

Elie Ngomirakiza reste introuvable

19/07/2021 11
Elie Ngomirakiza reste introuvable
Elie Ngomirakiza demeure introuvable depuis vendredi dernier

Le responsable du principal parti d’opposition, le Cnl, dans la commune de Mutimbuzi, est introuvable depuis vendredi 9 juillet 2021. Des soldats sous le commandement d’un haut gradé de l’armée sont cités dans ce qui semble être un enlèvement. L’armée nie toute implication.

Tout commence le vendredi 9 juillet aux environs de 16 heures. Elie Ngomirakiza embarque ses briques dans un camion benne avec trois autres personnes à bord. Le chauffeur et deux convoyeurs. Il doit se déplacer de Mutimbuzi vers la zone de Kanyosha, au sud de la capitale économique Bujumbura. Jusque-là tout va bien, il doit juste se dépêcher. Un client l’attend.

Arrivé tout près du lieu dit « Chanic » sur la route Bujumbura-Gatumba, le camion est pris en filature par une moto et un 4X4. La moto s’arrête devant le camion le forçant à s’arrêter. Les témoins identifient le 4X4. Il est immatriculé A 031. Ce dernier arrive. Des hommes en uniforme militaire sont à bord du véhicule. Certains témoins reconnaissent un responsable administratif local. Ces personnes sortent du véhicule. Ils semblent rechercher quelqu’un : Elie Ngomirakiza.

« Il a été vite reconnu par ceux qui étaient à sa recherche parce qu’il a tout de suite été embarqué. Ses compagnons ont repris la route sous le choc, » raconte un témoin.

Après cette  « arrestation », le parti Cnl s’active. L’alerte est lancée. « L’administration, des responsables militaires, policiers et la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme sont alertés, sans succès, » a indiqué Simon Bizimungu, secrétaire général du parti Cnl.

Depuis, aucune trace d’Elie Ngomirakiza

Sa femme est sous le choc. Gloriose Nsabimana a du mal à réaliser ce qui s’est passé. Elle espérait que c’était une arrestation. Depuis, les mots ‘’enlèvement’’,‘’assassinat’’ reviennent dans son entourage. Habitant à Maramvya, en commune de Mutimbuzi, cette mère de huit enfants imagine déjà le pire : que son mari ne reviendra plus.

« Elie était un habitué des cachots de la police. Une fois il fait la prison de Bubanza avant d’être transféré à Mpimba à Bujumbura. Toujours des mobiles politiques. Lorsque vendredi on m’a dit qu’il avait encore été arrêté, j’ai cru que j’allais le revoir dans un cachot. Maintenant, je désespère».

Gloriose Nsabimana a peur. Peur pour sa sécurité et celle de ses enfants. « Qu’est-ce qui nous dit que nous n’allons pas subir le même sort que celui de mon mari ? ». Cette mère panique aussi à l’idée de se retrouver veuve. Elle est mère au foyer. Seul le « porté-disparu » travaillait pour assurer la survie de la famille.

Elie Ngomirakiza vient grossir les chiffres des membres du parti Cnl portés « disparus » au cours des trois dernières semaines. Ce parti en rapporte sept autres et une arrestation d’au moins une trentaine de ses militants.

Un officier de l’armée impliqué ?

C’est du moins la piste soulevée par Agathon Rwasa, le leader de la première formation politique de l’opposition. Selon lui, l’enquête devrait débuter par le propriétaire du véhicule qui a servi à l’enlèvement. Il s’est produit en pleine journée devant plusieurs témoins.

« Le véhicule appartient au lieutenant-colonel, Aaron Ndayishimiye, commandant du 212e bataillon opérant à Rukoko, natif de Kabumba en zone de Kanyosha, ex Fnl. Pour ceux qui veulent débuter l’enquête ils doivent commencer par l’interroger», estime Agathon Rwasa. Il perd tout espoir de retrouver vivant Elie Ngomirakiza. Les informations en possession du CNL indiquent qu’il serait mort et enterré à la réserve de la Rukoko.

Interrogé, le porte-parole de la Force de Défense Nationale dit avoir eu vent de cette affaire, mais dément toute implication de l’armée. Pour plus de détails sur l’affaire, Floribert Biyereke renvoie Iwacu à la police ou à l’administration.

La Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme elle aussi est très laconique. Le président de la CNIDH Sixte Vigny Nimuraba dit être au courant de la disparition : « Nous continuons le suivi.»

Le parquet général de la République a été saisi de l’affaire.

Qui est Elie Ngomirakiza ?

Né en décembre 1974, Elie Ngomirakiza, père de 10 enfants (dont deux hors mariage) qui n’a pas fait de grandes études. Il s’occupait entre autres de l’agriculture et de la vente de briques cuites qu’il fabriquait. Sa femme parle d’un bon mari et d’un bon père qui s’occupait de sa famille. Elie Ngomirakiza est le président du parti Cnl en commune de Mutimbuzi, en province de Bujumbura depuis la création du parti Cnl, il y a deux ans et demi.


Trois questions à Agathon Rwasa

Quelle est votre réaction par rapport à la disparition d’Elie Ngomirakiza ?

C’est une honte pour le pays que des personnes soient arrêtées pour des raisons politiques et qu’on ne les traduit pas devant la justice, mais qu’ils soient assassinés à la place. La peine de mort a pourtant été abolie. Si la Constitution du Burundi reconnaît le multipartisme et si le Cnl est un parti agréé, pourquoi nos militants devraient être traités de la sorte. Des auteurs de ces assassinats et disparitions courent toujours alors qu’ils ont été identifiés. Et la justice n’intervient pas pour diligenter les enquêtes. Nous demandons que les enquêtes commencent par le propriétaire du4X4, à savoir le lieutenant-colonel Aaron Ndayishimiye, le commandant du 212e bataillon opérant à Rukoko.

Comment expliquez-vous cette nouvelle vague d’arrestations et d’enlèvements des membres de votre parti?

Après les attaques de Muramvya, Bujumbura et Rutegama, les malfaiteurs opèrent et se volatilisent comme s’il n’y avait pas de présence d’éléments de sécurité où les forfaits sont commis. Ce qui est navrant c’est que chaque fois il y a des boucs émissaires prédéfinis à savoir les ex-FAB et les membres du parti Cnl. Mais en réalité qui sont ces criminels ? S’il advenait qu’ils soient des éléments en dehors du système Cndd-Fdd, on les repèrerait rapidement où ils se cachent et on les démantèlerait facilement. Le fait qu’ils disparaissent dans des régions quadrillées par la police de proximité et les jeunes du parti au pouvoir (les Imbonerakure) suscite des questionnements. Nous avons perdu une dizaine de nos membres dans les attentats de Muramvya et Rutegama. Mais on accuse les membres du Cnl d’être à l’origine de ces attaques. Le parti Cnl n’est impliqué ni de près ni de loin dans ses attaques dont bizarrement on ne connait jamais l’aboutissement de l’enquête. C’est l’omerta comme de la mafia.

Vous ne craignez pas d’être le prochain sur la liste des arrestations  issues de ces attaques?

Je suis un habitué des montages. En démocratie, en politique c’est la guerre des idées et des projets de société qui priment. Le pouvoir ne doit pas avoir peur de l’opposition. Il lui doit le respect. Les membres de l’opposition ont des devoirs, mais également des droits. Ce que le pouvoir oublie souvent.

Propos recueillis par Agnès Ndirubusa

CNL

Forum des lecteurs d'Iwacu

11 réactions
  1. roger crettol

    En tant que Blanc qui ne conaît rien à rien, je prends seulement note de la déclaration du président Évariste Ndayishimiye qu’ au Burundi [ lu dans un article du 19 juillet sur arib.info ].

    Ce qui fait que, quand des personnes disparaissent, ce qui se produit malheureusement trop souvent, il ne peut s’agir que de disparitions accidentelles [ l’accident pouvant entraîner la mort du disparu, ce qui est très regrettable ]. ou de disparutions consenties [ mais quels choix un « disparaissant » a-t-il, face à un personne armée, et pas selement de bonnes intensions ? ].

    Et puis, il y a cette vaste classe de disparus volontaires, réfugiés hors des frontières du Burundi, pour échapper aux disparutions accidentelles ou consenties.

    Tout cela fait que le Burundi est le pays idéal pour passer des vacances , muni d’une carte de soutien au CNDD-FDD, et accompagné d’enfants qui ont postulé pour une adhésion aux Jeunesses du Parti.

    JerryCan ne va pas tarder à entreprendre les démarches nécessaires.

    • roger crettol

      …. le président a affirmé « il n’y a pas de disparition forcée au Burundi » . Cette citation a disparu dans le message ci-dessus. Désolé également pour les quelques fautes d’inattenion qui ennoblissent mon texte 😉

  2. John

    J’ai récemment entendu quelqu’un et pas n’importe qui affirmer que tous ceux qui sont dits disparus se cachent au Rwanda!
    Donc, il n’y a pas de problèmes car il s’agit des gens qui se cachent et non pas disparus 🙄

    Le ridicule ne tue plus dans le pays du Prince Rwagasore 🤐

  3. Bundes

    Les Burundais doivent apprendre se à sécourir les uns des autres! Si l’on veut arrêter de cette façon crier fort; résister , baricader les lieux si c’est possible

  4. Mbabarira

    Mana rugira vyose reka reka ! Ni amayobera ! Umengo ntituzi iyo twavuye tugaca twibagira iyo tuja !!! Ibigizwe izuba riva bibonwa na benshi. Bizoshika aho amazi arenga inkombe dusubire mwihumbi hagire abahava bafata ibigwanisho nka kumwe vyagenda bavuga ko ari ugukingira abanyagihugu ko leta itakibakingira. Yemwe yemwe tuze turibukanya ivyaduteye ivyago kubera intwaro mbi. None tuzoza turasubira mwihumbi ?

    • Kagabo

      Niyumvira ko abarundi tugomba kuvavanura n’imvugo mbi yo kuvuga nabi igihugu kubera imvo za politique, n’ahandi hose niko bimeze, tugomba kumenyera kubaha amategeko yose y’igihugu mes frères? sinon, twitwaza ngo umunyapolitique ndarekuriwe no gutsoza igihugu kumvo za politique tugomba kubihagarika tukareka kwiha isura mbi mu makungu. N’uko mbona ibintu njewe murantunge. Abanyapolitiki n’ibakore politiki iciye mu muco. Murakoze

      • O.K.

        @ Kagabo.
        Ntawuhisha umwotsi inzu iriko irasha. Akabi karavugwa nk’uko akeza kavugwa. Sinon, dans la culture du silence, où on interdit de s’exprimer, réfléchir devient difficile , comme disait Paolo Freire; et on se complaît dans l’innomable comme ces disparitions forcées…
        Mu kirundi bavuga ngo *uwushaka gukira ingwara arayirata*.

  5. Kamegaeto

    Un pays qui a connu des atrocités de toute sorte où les gens disparaissaient parce que hutu ou tutsi, et qui se réclamme démocratique devrait en finir avec de telles disparitions. Très triste de voir un papa actif pour la survie de sa famille de dix enfants, disparaître à cause de son appartenance politique. L’ppostion dans une démocratie est là pour aider à construire.

  6. Benit

    Je ne suis pas membre du CNL, je n’epouse meme pas les idees politiques , ni le projet politique de ce parti, mais comme tout burundais je suis choque par la dispaition d’un burundais,c’est vraiment choquant d’entendre un acte pareil dans un pays de droit,comme on l’a fait pour suspendre le directeur de l’Otraco en pleine journee, j’espere qu’on le fera pour arreter ce commandant du 212 eme region militaire, je reste toujours optimiste en la personne du president de la republique, tel que je le connait, je pense qu’il ne va pas tolerer des tels desordres, nul n’est au decus de la loi.

  7. Vumiliya

    Pourquoi un camion se fait arrêté par une moto ou une simple vitare ?? Il faut cogner tout simplement!!

    • yan

      Et si la moto est accompagnée par des mitraillettes ?

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