Au moment où les élections législatives et des conseillers communaux sont prévues pour le 5 juin, les sénatoriales au 23 juillet et celles des conseillers collinaires et de quartiers au 25 août, les états-majors de certains partis politiques et des candidats indépendants se disent inquiets : la crise persistante du carburant risque de saboter la campagne électorale si ce n’est pas déjà fait.
Ce vendredi 11 avril, lors d’une rencontre entre la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et les partenaires électoraux, cette question a dominé les échanges.
Le pays traverse une crise économique depuis plus de deux ans, et la pénurie de carburant, qui perdure depuis plusieurs années, menace sérieusement le bon déroulement de la campagne électorale.
Dans les rangs de l’opposition, l’inquiétude est palpable. Même si cela ne relève pas directement de votre domaine, a fait remarquer Léopold Hakizimana, secrétaire du parti Congrès national pour la liberté (CNL), il est important de plaider cette cause. « Il faut veiller à ce que, pendant la campagne électorale, il n’y ait pas de pénurie de carburant ».
Hier, a-t-il rappelé, dans le rapport du Premier ministre devant le parlement, certaines réalisations prévues au niveau des ministères n’ont pas été menées à bon port, principalement à cause du manque de carburant et de devises. « Je souhaite attirer votre attention sur ce point, afin que dans le rapport que vous présenterez après les résultats, il soit bien précisé que certaines activités n’ont pas été réalisées en raison de ces difficultés », a-t-il averti. Un message clair à la Ceni sur les conséquences possibles de cette crise du carburant sur le processus électoral.
Les candidats indépendants ne sont pas en reste. Chadrac Sabiyumva, candidat aux élections législatives dans la province de Bujumbura, a exprimé son désarroi face au manque de carburant. « Comment allons-nous rencontrer la population sans le carburant ? Donne-nous une seule station-service au moins pour nous approvisionner », a-t-il lancé, visiblement exaspéré.
« Sans carburant, pas de campagne électorale »
Comme lui, d’autres aspirants à la députation se demandent comment ils pourront sillonner les collines et les communes pour présenter leurs projets politiques à une population souvent dispersée dans des zones difficiles d’accès.
Interpellé sur cette préoccupation légitime, le président de la CENI, Prosper Ntahorwamiye, a indiqué que la question relève principalement des prérogatives de l’État. « C’est une question à poser à l’État. Il y aura des mesures de l’État. Je ne peux pas en dire autant. Il y a la Présidence, l’administration en général. Quoi qu’il en soit, il y aura des élections, il faut faire l’effort », a-t-il déclaré.
Il a tout de même laissé entendre qu’un dialogue pourrait être envisagé avec d’autres institutions pour trouver une solution. « La Société pétrolière du Burundi (SOPEBU) est là, le ministère de l’Intérieur est là. Il faut peut-être passer par le forum des partis politiques pour voir ce qui peut être fait », a-t-il suggéré.
Le gouvernement, par la voix de Théophile Ndarufatiye, secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur, a reconnu l’existence du problème tout en se voulant rassurant. « Nous sommes prêts pour que les élections se déroulent bien. La question du carburant est connue au niveau national. On va travailler ensemble pour résoudre ce problème, pour voir ce qu’on peut faire, et on va partager le peu qu’on a pour que les activités se déroulent bien », a-t-il affirmé.
Mais ces déclarations peinent à convaincre certains acteurs politiques et membres de la société civile, étant donné que les promesses des autorités annonçant l’arrivée imminente du carburant n’ont jamais été tenues.
Lors d’une récente conférence de presse organisée le 3 avril, la coalition politique ’’Burundi Bwa Bose’’ a estimé que dans les conditions actuelles, la tenue des élections serait tout simplement impossible.
Cette coalition a justifié sa position par l’incapacité des candidats à atteindre leurs militants faute de carburant. Elle propose d’ores et déjà « d’envisager d’autres modalités de mise en place des institutions si la situation persiste ».
Même au sein du Parlement, la préoccupation est partagée. Ce jeudi 10 avril, les députés ont saisi l’occasion de la présentation, par le Premier ministre Gervais Ndirakobuca, du rapport de mise en œuvre du Plan de travail et budget annuel (PTBA) du gouvernement pour le premier semestre 2024-2025, pour l’interpeller sur la crise du carburant.
Le chef du gouvernement lui-même n’a pas dissimulé son inquiétude. Dans son rapport, il a reconnu que « le carburant est l’une des causes qui a empêché l’exécution et la réalisation totale de ses projets ». Il a précisé qu’en moyenne, le taux de réalisation physique s’élève à 70,53 %, tandis que celui d’exécution budgétaire est de 67,93 %.
Puisque l’on connaît déjà le vainqueur, pourquoi tant d’inquiétude? Dans leur célèbre chanson « iyo mihimbiri irasara », ils annonçaient 500 ans , encore 490 d’attente pour les candidats à la succession!