Samedi 15 février 2025

Politique

Elections 2025 / Attribution des numéros d’identification : du deux poids, deux mesures

Elections 2025 / Attribution des numéros d’identification : du deux poids, deux mesures
Les numéros d’identification des candidats ne sont pas uniformes partout

À quelques mois des législatives et communales, certains candidats retenus fustigent l’approche utilisée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans l’attribution des numéros d’identification. Ils dénoncent le double standard ayant présidé à cette attribution tout en exigeant un réaménagement. Prosper Ntahorwamiye, président de la Ceni dit qu’il n’y a pas matière à débattre car la Commission a été claire et transparente.

Par Pascal Ntakirutimana, Rénovat Ndabashinze, Félix Haburiyakira et Devis Gateretse

Au Burundi, le train conduisant aux élections de 2025 est déjà en marche. Dans cette perspective, la Ceni a rencontré, le lundi 10 février 2025, les représentants des partis politiques retenus, les candidats indépendants et la coalition pour leur présenter les maquettes des bulletins de vote et des formulaires F2 destinés aux élections législatives et communales de juin 2025. Lors de cette réunion, certains candidats retenus aux élections ont critiqué la manière dont les numéros d’identification ont été attribués.

Francis Rohero est le président du parti Fraternité des Patriotes-Ineza (FPI). Il a pointé du doigt une incohérence ayant entouré l’attribution des numéros d’identification tout en exigeant un réaménagement.

« On nous avait expliqué que le numéro sur la maquette est un identifiant et non un numéro d’ordre. Nous avions ainsi compris que le numéro d’identification serait uniforme et propre à un parti politique. Mais d’après ce que nous voyons, cela n’a pas été respecté », a-t-il soulevé.

En commune Bururi par exemple, a tenu à préciser le président du parti FPI, le CNL a le numéro 2 alors que c’est celui du parti de l’Unité pour le progrès national (Uprona). « Même mon parti, au niveau des législatives, a le numéro 6 au moment où à Cankuzo, par exemple, il a le numéro 4 pour les communales. Je suppose pourtant que les élections à Bujumbura ne diffèrent pas de celles de Buhumuza ».

Francis Rohero réclame une uniformisation des numéros d’identification pour un parti politique quitte à être valable sur l’ensemble du territoire. Sinon, considère-t-il, cela serait techniquement une « faute électorale ». Et de glisser : « seul un parti politique a pu conserver le même numéro d’identification ». C’est le parti au pouvoir, le CNDD-FDD qui garde partout le « numéro 1 ».

Patrick Nkurunziza, président du parti Sahwanya-Frodebu et en même temps président de la coalition ‘’Burundi Bwa Bose’’, a abondé dans le même sens. « Dans certaines circonscriptions, nous avons soit 15 ou 12 comme numéros d’identification. Cela risque de semer la confusion et d’entrainer le désordre lors des élections alors que nous voulons des élections transparentes et inclusives. Nous exigeons donc que chaque parti ou candidat ait son propre numéro d’identification », a-t-il martelé. Comme la Coalition a le numéro 20, Patrick Nkurunziza a demandé à la Ceni de l’uniformiser sur l’ensemble du territoire.

Même son de cloche du côté d’Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona : « Il n’y a aucun avantage à classer les candidats de cette manière ». Il a estimé que les numéros d’identification pour les candidats en présence jouent un rôle crucial dans la mobilisation électorale : « Certaines personnes ont du mal à mémoriser les signes des partis mais retiennent plus facilement les numéros ».

« La Ceni a été plutôt trop transparente », dixit Ntahorwamiye

Face à ces contestations, le président de la Ceni a rejeté en bloc ces désidératas des candidats. Il a précisé que l’attribution des numéros suit un critère clair : « Le principe est le taux de couverture nationale, puis l’ordre décroissant. Il n’y a pas de problème tant qu’un même numéro n’apparaît pas pour plusieurs candidats dans une même circonscription électorale ».

Prosper Ntahorwamiye a défendu par ailleurs la transparence du processus électoral en cours tout en tranchant que les numéros d’identification déjà attribués aux candidats sont immuables. « Il n’y a pas matière à débattre. Trop de démocratie tue la démocratie. Nous avons été trop transparents. Les numéros resteront ainsi ».

Au-delà du débat sur l’attribution des numéros d’identification, certains candidats retenus ont exprimé leurs inquiétudes quant à la pénurie persistante du carburant. Pour eux, cela pourrait entraver le bon déroulement de la campagne électorale. Ils ont demandé à la Ceni d’intervenir pour faciliter l’approvisionnement en carburant. Et là encore, Prosper Ntahorwamiye a balayé d’un revers de la main cette requête rappelant que la crise du carburant est un problème structurel. « Nous allons d’abord chercher le nôtre », a-t-il répondu laissant entendre que la Ceni ne jouera aucun rôle dans la résolution de ce défi existentiel.

Pour rappel, lors d’une rencontre entre la Ceni et les partenaires électoraux, le vendredi 17 janvier 2025, certains politiques ont vivement critiqué le manque de flexibilité de la Commission pour les élections des conseillers communaux soulignant une absence de compétition électorale à ce niveau car peu de partis et la coalition ont pu soumettre leurs candidatures.

Signalons également que sur les 21 partis politiques et la coalition en compétition aux législatives de juin 2025 tels que présentés par la Ceni, seulement neuf couvrent tout le territoire national, c’est-à-dire qu’ils sont présents dans les cinq provinces. Au niveau des communales, seul le CNDD-FDD va se présenter dans les 42 communes du pays car dans la commune Gisuru de la nouvelle province de Buhumuza, seul ce parti au pouvoir est maître des communales.


Réactions

Kefa Nibizi : « Il y a une intention de créer une confusion auprès des électeurs »

« Le bulletin de vote tel que préparé et présenté par la Ceni montre une intention de créer une confusion auprès des électeurs », réagit Kefa Nibizi, porte-parole et secrétaire général de la Coalition ‘’Burundi Bwa Bose’’. Il dénonce également un deux poids, deux mesures, un favoritisme en faveur du parti au pouvoir et certains autres formations politiques.

Le porte-parole de la Coalition explique que pour le parti CNDD-FDD et certaines autres formations politiques, on constate le même numéro d’identification dans toutes les provinces. « Tandis que pour la coalition Burundi Bwa Bose et certains autres partis, on a attribué aux logos des numéros différents selon les provinces. »

D’après lui, cela n’est pas sans conséquence. Si d’une part il entravera la campagne électorale, d’autre part, il sèmera la confusion auprès des électeurs. Ce politique fait savoir que la campagne se fait de plusieurs manières : « Elle peut se faire par la voie des médias ordinaires comme elle peut se faire par la voie des réseaux sociaux. Alors, quand il faut communiquer par ces canaux-là, il faudra indiquer le numéro du parti selon les provinces. »

Ce qui peut créer, selon lui, la confusion chez les auditeurs et l’électorat. « Quelqu’un peut se trouver par exemple suivre la campagne étant à Bujumbura mais au moment du vote, il se rend dans sa province natale, peut-être Gitega ou autre. Et lorsque les numéros d’identification ne sont pas les mêmes à Bujumbura et dans son lieu de vote, vous comprendrez qu’il pourra se perdre facilement. Et vous savez que nous avons beaucoup de gens analphabètes qui éprouvent beaucoup de difficultés à faire toutes ces nuances-là ».

Sur ce, M.Nibizi se dit très étonné par l’entêtement de la Ceni ces derniers jours. « Quand la Ceni prend une décision, elle vient pour nous informer. Nous lui proposons des solutions possibles, elle refuse de s’en approprier alors qu’en réalité, elle ne perd rien. Je le répète, on n’est pas obligé d’avoir une chronologie de numérotations parce que cela ne nous aide en rien, y compris la Ceni. »

Il estime que ce qui est très important c’est qu’un parti politique garde le même numéro partout non seulement pour faciliter le vote mais aussi pour faciliter la communication lors de la campagne électorale.

Et de hausser le ton : « Cet entêtement nous pousse à penser finalement qu’il s’agit d’une volonté de semer la confusion dans les partis politiques de l’opposition et favoriser le parti au pouvoir qui, lui, garde le même numéro partout. Nous demandons à la Ceni d’être flexible, de faciliter la tâche aux électeurs et aux compétiteurs. »

Gaspard Kobako : « La Ceni a encore du temps pour rectifier le tir »

« La Ceni n’a pas respecté les propositions et consignes telles que formulées par les partis politiques, c’est-à-dire attribuer à chaque parti politique un seul numéro pour tous les bulletins de vote et dans toutes les circonscriptions », déplore Gaspard Kobako, président du parti Alliance nationale pour la démocratie AND/Intadohoka.

Par ailleurs, ajoute-t-il, les insignes ont été mal présentés pour certains partis politiques où la couleur ne correspond pas à celle qui avait été présentée.

L’autre grief, fait savoir M. Kobako, est que certains symboles des partis politiques ont été présentés tantôt en portrait, tantôt en paysage en faisant fi des recommandations formulées par lesdites formations politiques. « On s’est convenu d’ailleurs que toutes les représentations seront faites en portait pourvu qu’on respecte les dimensions et les orientations des compétiteurs », tient-il à préciser.

Pour le président de l’AND/Intadohoka, cette situation risque de dérouter les électeurs surtout pour ceux qui sont analphabètes. « Lorsqu’un électeur analphabète va chercher par exemple le 14e numéro dans Burunga et le 15e numéro dans Bujumbura, il peut y avoir une confusion en comparant le chiffre et l’insigne c’est-à-dire l’image proprement dite. Bref, on peut faire une ambiguïté entre le choix d’un chiffre et d’un symbole », prévient-il.

A son avis, il faut un seul numéro pour chaque parti politique et ceci pour toutes les circonscriptions et tous les bulletins de vote tout en rejetant les explications données par la Ceni qui, selon lui, ne sont pas convaincantes. « La Ceni a encore du temps pour rectifier le tir en respectant les propositions des partis politiques. Le respect de l’ordre protocolaire selon la date de dépôt des dossiers est un argument qui ne tient pas debout et cela n’empêche pas d’attribuer à chaque parti son propre et seul numéro », martèle-t-il.

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