La deuxième force politique du pays n’a pas attendu la fin du triple scrutin pour brandir le carton rouge, dénonçant des élections « entachées de plusieurs irrégularités ».
A Gitega, les électeurs ont été matinaux. A 6h, de longues files d’attente devant les bureaux de vote. Des hommes en uniforme pour la sécurité. Des arrestations d’opposants sont signalées.
Sur la colline Musama, zone Kabanga, commune Giheta, province Gitega, à l’Ecofo Bubu, de longues files d’hommes et de femmes. Dans trois bureaux de vote, 1109 électeurs sont attendus.
En ces temps de pandémie du coronavirus, des kits de lavage des mains sont installés. Un robinet se trouve à cette école.
6 h du matin, de longues files déjà formées. Sur place, des cartes d’électeur sont distribuées en même temps que des cartes nationales d’identité. C’est sur appel que chacun reçoit sa carte. Les distributeurs sont des jeunes.
Entretemps, les agents des trois bureaux de vote s’activent. Ils installent le matériel : urnes, isoloirs, les bulletins de vote, l’encre indélébile, des bancs-pupitres pour les mandataires et les observateurs.
Tous les agents portent des masques de protection contre le Covid-19.
Avec un léger retard, le président de ce centre de vote procède au lancement de l’opération de vote. Devant les électeurs présents, tous les agents des trois bureaux de vote prêtent serment. Il montre que les urnes sont vides avant de les refermer.
Quelques observateurs, tels le Collectif Avenir Sans Frontières (KASAF) et la Commission Episcopale Justice&Paix, sont présents. Par la suite, viendra MAC. Des mandataires du Cndd-Fdd et Cnl sont sur place.
Sur ce centre, beaucoup d’hommes en uniforme sont présents. Plusieurs journalistes sont aussi sur place. C’est là que le candidat du parti au pouvoir va voter.
A 9h, les effectifs des hommes en uniforme gonflent. Entre-temps, un drone s’aperçoit. Ce qui provoque la curiosité des électeurs à majorité ruraux. « C’est la première que je vois ce petit avion. Il voit sans doute tout ce que nous faisons », murmurent-ils. Et un jeune homme de renchérir : « Impossible de se cacher.»
Trois ambassadeurs arrivent sur place : celui du Kenya, Tanzanie et Nigéria. Ils sont là comme des observateurs.
C’est à 9 h 30, qu’Evariste Ndayishimiye, accompagné de son épouse, est arrivé sur place. Sa sécurité est renforcée. Beaucoup de ses hommes portent des gilets pare-balle. Quelques électeurs l’applaudissent. Il va passer quelques minutes sur la ligne d’attente avant d’entrer dans le bureau de vote n°2. C’est là que se trouvent les trois ambassadeurs et d’autres observateurs nationaux.
« Après avoir voté, il faut aller vaquer aux autres activités et attendre à la maison les résultats annoncés par les agents de la Ceni après le comptage », a-t-il déclaré à la presse. Avant de demander à la population d’accepter les résultats tels qu’ils seront proclamés. Nous ne sommes pas venus, explique-t-il, dans un tribunal pour trancher des litiges. Le candidat du Cndd-Fdd rappelle que ce sont des Burundais qui votent et pas seulement les responsables des partis politiques. « Si c’est une affaire nationale, celui qui tenterait de perturber subirait lui aussi des pertes».
Vers 9h, l’administrateur communal de Giheta, Alexis Manirakiza, arrive sur place. Il semble chercher quelqu’un. Il est accompagné d’un policier. Après avoir fait le tour des files d’attente, il repart. A son retour, deux jeunes gens seront arrêtés, menottés. Les deux jeunes gens tentent de résister, de s’expliquer. Mais, ils finiront par être embarqués à bord d’un véhicule blanc communément appelé ‘’station’’.
Selon les informations recueillies sur place, ces deux jeunes étaient des mandataires du Cnl. Arrivés sur place en retard, racontent nos sources, l’un sera autorisé à rentrer dans un bureau de vote comme mandataire. Son ami va le relayer en attendant dehors.
Une arrestation qualifiée d’arbitraire par Térence Manirambona, porte-parole du Cnl. Joint par téléphone, il dit ne pas comprendre comment un administrateur arrête des mandataires en présence des représentants de la Ceni sur place. « C’est vraiment déplorable !»
Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la sécurité publique, a signalé que les deux jeunes arrêtés sont Nestor Nizigiyimana et Boris Nduwayo. « Eux aussi étaient en train de faire la propagande sur les files d’attente soi-disant qu’ils sont mandataires alors que c’est faux».
S’adressant à la presse, il en a profité pour faire le bilan sécuritaire jusqu’à 10h : « Pas d’incidents majeurs. Le scrutin se passe dans la paix et la sérénité.» Dans la province, quelques cas d’arrestation. A Nyabisindu, Ecofo Fraternité, à 8h40, M. Nkurikiye parle de Marguerite Ndimaso, attrapée avec un spécimen du bulletin du parti Cnl. Autre cas de Samuel Dusabedushimitse, arrêté à Nyakibingo, à 8h50, dans Gitega dit rural. M. Nkurikiye dit que ce dernier était en train de faire la propagande sur les files d’attente.
A Mutaho, à Rwisabi, il fait état de deux personnes arrêtées. Il s’agit d’Isaac Niyonkuru, attrapé avec une carte d’électeur appartenant à une autre personne, et de Shabani Niyonkuru, un mandataire du parti Cnl. « Il est venu en retard et a voulu créer le désordre pour chasser les électeurs».
Dans la plupart des bureaux de vote, l’heure de fin du scrutin sera respectée. A l’Ecofo Bubu, à 16 h, l’heure est au dépouillement. Au centre de vote du Lycée communal urbain, une prolongation de 30 minutes. A 16 h 30, c’est le début du dépouillement en présence des mandataires politiques. C’est vers 19h que l’opération va prendre fin. Et les mandataires interrogés affirment que le scrutin a été pacifique, transparent. Leurs signatures apposées sur les PV.
Au centre de vote du lycée de la commune, une prolongation d’une heure. Le comptage a commencé à 17h. Et ce, à cause du retard d’une heure pour le début des opérations de vote. Là aussi, différents mandataires confient que les opérations se sont bien passées.
Rénovat Ndabashinze
Malgré une situation relativement calme, le Cnl dénonce des fraudes massives dans plusieurs communes de la province Ngozi. Des procurations signées par des chefs de collines, des personnes qui votent plusieurs fois, des mandataires chassés, des candidats emprisonnés, etc. Pour le Cndd-Fdd, il n’y a pas d’irrégularités.
Il est 5h30 min du matin, ce mercredi 20 mai. C’est le jour du triple scrutin : la présidentielle, la législative et les communales. La ville de Ngozi est paisible. Très peu de gens sont dans la rue. De même que les voitures et les motos. Quelques policiers circulent dans les rues. Tout est normal. Il fait froid. Le brouillard couvre encore les collines.
A quelques kilomètres de la ville de Ngozi, vers Gashikanwa, on commence à observer un mouvement de gens. A un bureau de vote se trouvant sur une école primaire, on observe déjà des lignes de gens qui attendent de voter. Il est 5h45. Pas de présence de militaires et peu de policiers sont visibles. Sur la colline Masasu en commune Kiremba, les gens en grand nombre se précipitent vers les différents bureaux de vote.
Sur la colline Ciri de la même commune Kiremba, quatre longues lignes étaient visibles. Il est 6h20min. Le vote a déjà commencé. Hommes, femmes et même des enfants virevoltaient dans la cour de l’Ecole fondamentale de Ciri. D’autres sont en petits groupes à quelques mètres du centre de vote. «Nous allons voter lorsque notre leader arrivera», disaient-ils. Certains étaient là depuis 4 heures du matin. C’est sur cette colline qu’est né le candidat à la présidentielle du Cnl, Agathon Rwasa.
A Ciri, on remarquait plusieurs policiers. Des militaires étaient aussi présents. Ils se faisaient discrets. Un fait nouveau pour les habitants de cette localité. La police avait déployé un drone. Il tourbillonnait au-dessus de leurs têtes. Ils étaient émerveillés. Les gens s’amassent tout autour. Sur ce centre de vote, il existait 4 bureaux de vote. Les présidents de ces bureaux de vote expliquaient aux électeurs la procédure. Les mandataires politiques présentaient leurs lettres d’accréditation. Seuls les partis Cndd-Fdd et Cnl étaient représentés dans les 4 bureaux de vote. Il y avait aussi un seul observateur envoyé par des confessions religieuses. Sur ce centre, 1349 électeurs sont attendus.
Les agents des bureaux de vote avaient des masques de protection contre le Covid-19. Aucun dispositif de lavage de mains en vue pour les électeurs. C’est aux environs de 8h30 min qu’un seul seau a été installé à l’entrée du centre de vote. Les adultes et les enfants en profitaient.
Aux environs de 10h, un brouhaha s’est élevé à Ciri. Les gens couraient dans tous les sens. Ils désertaient les files d’attente. «Il arrive», criait-il. Lui, c’est le candidat du Cnl, Agathon Rwasa. Avec son épouse, il fait la queue pendant quelques minutes. La foule s’amasse autour de lui.
Au moment d’aller voter, la situation se complique. Les journalistes sont interdits d’entrer dans le bureau de vote pour prendre des images. Le président du bureau de vote indique que c’est sur ordre du président de la Ceci. Le candidat Rwasa s’agace : «Je ne comprends pas pourquoi on refuse aux journalistes d’entrer alors qu’ils ont des badges reconnus par le CNC et le ministère de la Communication. Pourquoi on empêche les journalistes de couvrir les évènements à Ciri alors qu’ils ont couvert cet événement dans d’autres localités.» La situation s’enlise. Une vingtaine de minutes après, elle se débloque avec l’intervention du président de la Cepi Ngozi. Les journalistes sont autorisés à prendre des images.
Dans son discours, Agathon Rwasa a déploré une insécurité démesurée dirigée contre les militants du Cnl, avec l’arrestation de centaines de mandataires du Cnl ainsi que l’assassinat, la nuit de mardi, d’un militant du Cnl dans la zone Buruhukiro de la commune Rumonge. Agathon Rwasa s’est aussi insurgé contre la coupure des réseaux sociaux : «C’est un signe qui ne trompe pas que les fraudes ont été planifiées, mais ceci n’empêchera pas que le tournant auquel on fait fasse puisse être une réalité ou le changement qu’on attend ce soir». Le candidat a appelé à la responsabilité de tout un chacun. «Le Burundi a droit à un avenir meilleur et radieux». Et de déclarer que si le Cnl n’est pas satisfait des résultats proclamés par la Ceni, ils vont procéder à des recours auprès des organes autorisés.
Quant au président Nkurunziza, il a voté dans sa commune natale de Mwumba au centre de vote de l’Ecofo Buye. Il est arrivé à 12 h sur un vélo et sous bonne escorte. Dans son discours, il s’est réjoui que la date du 20 mai 2020 soit arrivée «au moment où le Burundi est en paix et en sécurité». Selon lui, ces élections ont un cachet particulier car elles ont été financées entièrement par la population burundaise. «Dans le temps, il y avait toujours une main du donateur qui exigeait ou imposait ce qu’il faut faire». Il a exhorté les Burundais à comprendre qu’ils doivent vivre de leurs moyens et de leurs forces. «Il faut toujours accepter le verdict des urnes et comprendre que les élections ne font pas vivre les gens. Les élections sont une étape pour la consolidation de la paix et le renforcement de la démocratie. Elles nous permettent d’avoir des dirigeants responsables et des programmes consistants porteurs d’un avenir meilleur».
«Ce qui nous a fait vraiment mal, c’est le moment du dépouillement. C’est devenu flagrant que la fraude était préparée d’avance», indique un des responsables du Cnl dans la province. Selon lui, les mandataires et les scrutateurs du Cnl ont été chassés ou écartés au profit de ceux du parti au pouvoir. «A Ciri, les gens ont failli en venir aux mains». Quand est venu le temps de confectionner les PV dans les bureaux de vote, poursuit-il, les présidents des bureaux ont refusé aux mandataires de donner leurs observations alors que la loi les y autorise.
Selon le Cnl, les fraudes se sont manifestées aussi dans les procurations. «Les chefs de colline ont écrit des procurations en violation de la loi. A Masama en commune Nyamurenza, Bosco Ndayishimiye, chef des Imbonerakure au niveau provincial, est venu voter pour une personne se trouvant en Ouganda alors que cela n’était pas autorisé». De plus, selon toujours le Cnl, le vote secret n’a pas été respecté. «Des individus épiaient les électeurs dans l’isoloir». Le Cnl déplore aussi l’emprisonnement de ses militants sous le motif qu’ils enseignaient sur les files d’attente. «En commune Gashikanwa, Désiré Nshimirimana et Sylvestre Ndayishimiye, candidats aux communales, ont été arrêtés le jour du vote. Ils sont incarcérés dans les cachots de la commune Gashikanwa». Selon des sources policières à Gashikanwa, Désiré Nshimirimana a été entendu et on lui aurait exigé de payer 400.000Fbu pour sortir du cachot.
Pour toutes ces irrégularités observées, le président de la Cepi Ngozi est pointé du doigt. «Toutes ces irrégularités se sont faites avec la complicité du président de la Cepi. Quand nous l’avons sollicité, il ne nous écoutait même pas. Nous avons essuyé un rejet catégorique venant de sa part». Iwacu a essayé de joindre le président de la Cepi Ngozi, sans succès.
Quant à Jules Ndatirima, président du Cndd-Fdd en province Ngozi, il assure qu’il n’y a pas eu d’irrégularités observées dans cette province : «Les élections se sont bien passées.» Et de souligner qu’ils vont accepter les résultats des urnes : «Nous allons remercier le Seigneur, si on gagne et si on perd, nous allons le prendre comme tel.»
Fabrice Manirakiza
Dans certains bureaux de vote, les électeurs se sont levés très tôt pour voter. Si ce n’étaient pas les formalités exigées pour déposer les bulletins de vote dans les urnes, nombreux seraient ceux qui seraient déjà rentrés avant 11h du matin. Presque la moitié des électeurs ont déjà voté dans l’avant midi.
De Dutwe à Rangi, passant par le centre-ville Ruyigi, les électeurs étaient nombreux devant les portes des bureaux de vote qui étaient logés dans les classes des écoles primaires et secondaires. Du matériel : urnes, bulletins de vote de tous les candidats des partis politiques, les candidats indépendants, l’encre indélébile, les lampes-torches, les fichiers électoraux étaient au complet dans 18 bureaux visités. Selon les membres du bureau de vote et les électeurs, les élections ont commencé à 6h du matin. « Les urnes étaient vides, nous l’avons vérifié », affirme Marc qui venait de voter son candidat au centre de vote de l’Ecofo Gasanda à 6h 48min. Même constat au centre de vote à l’Ecofo Dutwe, de longues files d’attente devant les bureaux à 7h du matin mais jusqu’à 11h, les files d’attente étaient déjà courtes.
Au fil des heures, les bousculements dans les rangs diminuaient et les agents de la Ceci commençaient à s’ennuyer.
« Nous arrivons presque à moitié des votants inscrits, le seul problème est d’attendre le temps prévu pour commencer le dépouillement », déclare un membre de bureau de vote de Rangi. Vers 19h, le dépouillement était sur le point de terminer. Le décompte se faisait dans une ambiance détendue, tous les mandataires essayaient de cacher leurs sentiments et il était difficile de distinguer qui est du pouvoir ou de l’opposition.
Le jour du scrutin, la vie au chef-lieu de la commune Ruyigi semble arrêtée. Les marchés, les échoppes et les kiosques sont fermés. Selon certaines personnes interviewées, la police et l’administration ne toléraient pas qu’il y’ait d’autres activités pour détourner les électeurs de s’acquitter de leur tâche citoyenne. La police passait dans les quartiers pour faire respecter cette mesure prise. Pour la population du chef-lieu de la commune Ruyigi et ses environs, cette journée des élections marque la fin des tracasseries vécues depuis l’ouverture de la campagne électorale. « Nous étions tous les jours obligés de supporter tous ces bruits des haut- parleurs qui nous cassaient les tympans, écouter leurs programmes et leurs objectifs, qu’on le veuille ou pas. Je crois que c’est la fin de tout ça », indique un habitant de Ruyigi quartier Gasanda. D’après cet habitant de Ruyigi, demain sera meilleur quel que soit le vainqueur. « Nous n’avons pas de problème avec les candidats sauf ceux qui espèrent avoir des postes politiques si leurs candidats sont élus. Le reste n’est que propagande », avoue Diomède. Ces propos des habitants de Ruyigi sont basés sur des conditions dans lesquelles ils ont vécu durant la campagne électorale. Nos clients bougeaient sans arrêt et les autres économisaient pour suivre les leaders de leurs partis politiques», déplore une femme qui tient un restaurant au chef-lieu de la province. Pour le moment, tous les regards se tournent vers l’issue des élections que la Ceni tarde à communiquer, selon beaucoup d’intellectuels du chef-lieu de la commune.
« Ce qui nous inquiète, ce n’est pas le vainqueur mais le temps que prend le décompte des voix. Nous voulons que ça se termine vite et que la vie revienne normale », indique un enseignant.
Notons que la commune Ruyigi compte 99 bureaux de vote et 34 504 électeurs. Une seule question est sur toutes les lèvres : « Qui a gagné ? »
Par Jean Noël Manirakiza
Les électeurs se sont présentés tôt le matin sur les bureaux de vote. Des fraudes ont été signalées dans certains endroits. Des lamentions s’observent du côté des partis de l’opposition. Les organes chargés de l’organisation des élections au niveau local tranquillisent.
L’élection présidentielle, législative et municipale du mercredi 20 mai a été marquée par un engouement de la population de Cibitoke. Comme nous avons pu le remarquer au chef-lieu de la province, presque tous les bureaux ont ouvert à 6 heures du matin. « Je me suis réveillé très tôt le matin pour accomplir mon devoir civique », indique avec fierté un sexagénaire rencontré après avoir glissé son bulletin dans l’urne.
Plus loin à Bukinanyana, à plus d’une centaine de km du chef-lieu de la province, les électeurs étaient encore trop nombreux sur les lignes. Un des membres du bureau de vote a fait savoir que la vérification des électeurs sur la liste prend du temps, ce qui cause un certain retard. Dans la commune de Murwi, d’après une source administrative, certains électeurs qui ne savent ni lire ni écrire ont eu du mal à accomplir leur devoir civique.
Dans presque toutes les 6 communes que compte la province de Cibitoke, des campagnes de propagande imputables aux membres du Cndd-Fdd ont été signalées alors que les électeurs étaient en attente de voter. Dans les communes de Rugombo et Murwi, 6 militants du parti au pouvoir ont été surpris en flagrant délit en train de distribuer des bulletins de vote pour gonfler les effectifs des électeurs. D’après un responsable du parti Cnl, la police a essayé d’interpeller les tricheurs. Ils ont été incarcérés pour être relâchés quelques minutes après. Des intimidations ont été observées surtout dans les communes de Buganda et Mugina où les mandataires du Cnl ont été sommés de quitter de force les bureaux de vote avant la clôture du scrutin. A Murwi, 4 d’entre eux sont toujours détenus au cachot du chef-lieu de cette commune, au moment où nous mettons sous presse. La même situation s’observe à Rugombo où un représentant des jeunes du parti Cnl a été interpellé et conduit manu militari au commissariat de police à Cibitoke. Le représentant provincial de ce parti pointe du doigt l’administration, la police et les démembrements de la Ceni qui encouragent la fraude au lieu de se montrer neutres. Du côté de la Cepi, celle-ci fait savoir que le scrutin s’est globalement tenu dans de bonnes condition avant d’indiquer que des incidents mineurs observés ne peuvent pas entacher la régularité des élections.
Par Jackson Bahati
Dans les zones Gihosha et Kamenge, les électeurs se sont mobilisés pour exercer leur droit de vote. Dans l’ensemble, les scrutins se sont déroulés dans le calme.
Mercredi 20 mai, très tôt le matin, les rues grouillent de monde dans la zone urbaine de Gihosha. Il est 6h, nous sommes au centre de vote de l’Ecole fondamentale (Ecofo) de Gasenyi II, quartier Taba, zone Gihosha, en commune Ntahangwa. De longues files d’attente s’observent devant les bureaux de vote. Les électeurs ont soif de voter. Plus de 4000 votants sont inscrits sur les listes électorales.
Le vote commence avec un léger retard. La préparation du matériel de vote et l’installation des isoloirs ont pris du temps. Les opérations de vote démarrent vers 6h 30. Des dispositifs de lavage des mains pour se protéger contre le Covid-19 se trouvent à l’entrée de chaque bureau de vote. Les agents de la Ceni portent des masques, mais les mandataires n’en ont pas.
Ledit centre compte 11 bureaux. Seuls les partis Cnl, Cndd-Fdd et l’Uprona ont des mandataires dans tous les bureaux de vote. Mais aucun observateur n’est présent.
A l’Ecofo Gasenyi I, les opérations de vote ont commencé à 7h. Le centre compte six bureaux de vote. Des files d’attente s’y observent également. La population a été matinale. Certains votants interrogés indiquent qu’ils ont voté trop tôt pour vaquer à leurs activités. L’on notera la présence d’un seul observateur au bureau de vote N°1. Il s’agit de l’Association pour une jeunesse africaine progressiste (Ajap). Un bémol, les mesures d’hygiène ne sont pas observées. Pas d’eau à l’entrée des bureaux de vote pour se protéger contre le Covid-19.
Au centre de vote du lycée municipal de Gasenyi, il y a 11 bureaux de vote. Plus de 4000 votants sont attendus. Vers 10 h, un tiers avait déjà voté. Les partis Cnl, Cndd-Fdd et l’Uprona ont des mandataires dans tous les bureaux de vote.
Un seul seau remplit d’eau est installé dans la cour du lycée et chaque votant se lave les mains avant de faire la queue. Les observateurs, comme Fontaine Isoko et Ministère africain de compassion (Mac), sont présents dans un seul bureau de vote. Le vote se déroule dans le calme.
Au Lycée Municipal Gihosha et l’Ecofo Gihosha, le même engouement des électeurs s’observe. Ils sont répartis dans 21 bureaux de vote. Des observateurs sont présents dans un seul bureau de vote à l’Ecofo Gihosha. Il s’agit de l’Association pour la consolidation de la paix (Acopa), la Conférence des églises catholiques du Burundi (Cecab), et de la Fontaine Isoko. Les mesures préventives contre le Covid-19 sont négligées. Les votants s’agglutinent. Pas d’eau à l’entrée des bureaux de vote.
L’on verra des étudiants et des élèves qui sont venus voter à ces centres alors qu’ils se sont fait inscrire en province. Ils se sont vus refuser l’accès aux bureaux de vote.
Dans la zone Kamenge, le vote a commencé à 6h du matin. A l’Ecofo Kamenge, l’on compte 9 bureaux de vote. Chaque bureau a plus de 390 votants. Le centre du lycée municipal de Kamenge compte 14 bureaux de vote. Vers 11 h, il n’y avait plus de file d’attente. Le responsable de ces centres signale que les électeurs ont été très matinaux et ont répondu massivement au rendez-vous. Aucun incident n’a été signalé, selon les observateurs de la Fontaine Isoko et de la Cecab rencontrés sur place.
Dans tous les centres de vote visités, la sécurité est assurée par les militaires et les policiers. Ils sont visibles à l’intérieur comme à l’extérieur des centres de vote.
Ils se tiennent à l’écart des votants, mais surveillent de près le déroulement du vote. Ils disent aux gens de ne pas former des attroupements près des bureaux de vote. Les gens se tiennent à l’écart mais forment des groupuscules. Ils se parlent. Ils attendent impatiemment le verdict des urnes.
Signalons que tous les bureaux de vote ont fermé à 16h. Le dépouillement a immédiatement suivi.
Félix Haburiyakira
Des électeurs votant plusieurs fois, des présidents des bureaux de vote accompagnant les électeurs dans l’isoloir, etc. Une mandataire du parti Cnl dénonce les magouilles dont elle a été témoin dans un centre de vote à Gahahe, commune Mutimbuzi.
Jeanne (pseudonyme) est une mandataire du parti Cnl, qui observe les élections à l’école « Horizon », un centre de vote situé dans le quartier Gahahe, commune Mutimbuzi, dans la province Bujumbura. Dépassée par ce qu’elle voit dans son bureau de vote, elle n’hésite pas à dénoncer, larmes aux yeux, les magouilles faites par le président de ce bureau.
« Quand les mandataires arrivent à ce centre qui compte 10 bureaux de vote, les membres des bureaux de vote nous interdisent d’entrer. Les élections commencent en notre absence. C’est après une heure qu’ils nous ont fait entrer », raconte Jeanne.
D’après elle, le chef de bureau commence à amener des gens et leur donne des cartes d’électeur. Les membres de ce bureau de vote ne vérifient même pas s’ils sont inscrits. Ils sont directement conduits dans l’isoloir. « Quand je fais la remarque à ce responsable, il me dit qu’il suffit d’avoir une carte d’électeur pour voter là où on veut. C’est archifaux ! », déplore cette mandataire.
Des personnes âgées entrent dans le bureau de vote. Le président du bureau les conduit lui-même dans l’isoloir et leur montre ce qu’elles doivent faire. « Quand je lui demande pourquoi il fait ce qui est contraire à la loi, il rétorque que la loi lui permet de faire cela».
« C’est déplorable. Nous n’avons pas le droit de dénoncer. Nous regardons ces magouilles, dans l’impuissance de faire quoi que ce soit. Je suis dépassée », se lamente cette mandataire, les larmes aux yeux. « Ce n’était pas la peine de venir observer ces élections. Il aurait mieux valu que nous restions à la maison », lance la mandataire, pleurant de plus belle.
Ces magouilles sont confirmées par un observateur d’une confession religieuse qui était sur place.
Ces témoins affirment que ces magouilles sont signalées sur d’autres centres de vote, notamment de Gahahe et Gasenyi, d’après les mandataires du Cnl sur place.
Clarisse Shaka
Certains électeurs non-inscrits, d’autres qui n’ont pas de carte d’électeur… Les irrégularités ont été nombreuses sur certains centres de vote du nord de la capitale.
Quartier Carama, il est 9h à l’école « Source du savoir », un centre de vote qui attend environ 5.000 électeurs. Près de 1.500 personnes ont déjà voté à cette heure-là.
Un grand mouvement règne autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Une forte présence militaire s’observe. Un dispositif de lavage des mains est installé à la cour intérieure. Cette dernière est bondée d’électeurs qui forment de longues files devant 12 bureaux de vote que compte ce centre. Les membres des bureaux de vote portent des masques qui ne jouent plus leur rôle protecteur, la plupart les ont descendus jusqu’au menton.
Une jeune femme à l’écart des files se plaint. Elle est là depuis 7h du matin, mais on lui a refusé de voter. Elle a la carte du référendum de 2018. « Pourtant, hier, j’ai entendu le président de la Ceni l’autoriser », se plaint cette jeune femme.
Ces cas sont nombreux sur ce centre de vote. Tantôt ceux qui ne se sont pas inscrits sur ce centre, tantôt ceux qui possèdent l’ancienne carte d’électeur ou la carte d’identité seulement. Les membres des bureaux de vote sont désemparés, devant ces cas. Ils ne savent pas encore quoi faire. Ils mettent de côté ces cas en attendant la décision.
Finalement, tous ceux qui se retrouvent sur les listes d’inscription peuvent voter, qu’ils aient la carte ou pas.
Des mandataires s’aperçoivent dans les bureaux de vote. Ils viennent des partis Cndd-Fdd, Cnl, Uprona, candidat indépendant… Une observatrice d’une confession religieuse est présente. Elle déplore une très faible présence d’observateurs sur les centres de vote. Elle affirme qu’ils n’ont pas eu de moyens. « Chacun couvre les centres de vote qui se trouvent dans son quartier. Or, nous étions censés couvrir tout le pays».
Centre d’enseignement des métiers (CEM) de Kinama, 9 bureaux de vote attendent plus de 3.500 électeurs. A 11h, 978 personnes ont voté. Le mouvement est faible sur ce centre de vote. Les électeurs doivent se séparer de leurs téléphones avant d’entrer dans le bureau de vote.
Trois jeunes sont assis par terre devant un bureau de vote. Ils se disent des mandataires à qui l’on a refusé le droit d’entrer. « Ceux qui sont à l’intérieur sont suffisants », rétorque le président de ce bureau de vote.
Ce centre reçoit les mêmes irrégularités : certains électeurs se présentent avec la carte d’identité seulement ou la carte d’électeur de 2018. D’autres ne se sont pas inscrits sur ce centre. La plupart sont des élèves et des étudiants de province. Mais tout le monde a le droit de voter sur ce centre. Même ceux qui ne sont pas sur les listes d’inscription. Une autre liste leur est réservée, d’après un membre d’un bureau de vote.
La plupart des électeurs qui viennent de voter ont tendance à enlever l’encre au robinet, comme sur tous les autres centres. Mais les policiers présents près du robinet les en empêchent.
Centre de vote Ave Maria, zone Kinama, des militaires sont à l’entrée de ce centre qui comporte 8 bureaux de vote et attend autour de 5.000 électeurs. Ils vérifient que chaque personne qui entre possède la carte d’électeur et n’a pas d’encre sur les doigts. A midi, presque la moitié des électeurs attendus a déjà voté.
Une mésentente, cependant : les membres d’un bureau de vote et les mandataires ne s’entendent pas sur les procurations que présentent certains électeurs. « Rien ne prouve les liens de parenté », indique un mandataire.
Un observateur de la société civile « Fontaine Isoko » est sur place. Il se refuse à tout commentaire : « L’on nous a interdit de parler. Nous allons juste rédiger les rapports. »
La plupart des électeurs sur ce centre de vote ne maîtrisent pas la manière de plier le bulletin ni dans quelle urne il faut l’introduire. Trois bulletins et trois urnes sont réservés à la présidentielle, les députés et les conseillers communaux. Ce sont les membres des bureaux qui plient les bulletins avant de les donner aux électeurs.
Clarisse Shaka
Avec un retard d’une heure et demie, le centre de vote du Lycée Kanyosha, quartier Kinanira II de la zone Musaga, a ouvert ses 13 bureaux de vote. A l’entrée, aucun dispositif de lavage des mains et des files d’attente s’observaient à 8h30. Un des centres avait 450 électeurs inscrits avec préservation de 50 personnes additionnelles. Le vote se déroulait tranquillement. Le président du centre devait d’abord vérifier que l’électeur a sa carte d’électeur et sa carte d’identité.
Des particularités n’ont pas manqué. Sans carte d’électeur, le vote s’est fait avec la carte d’identité une fois inscrit dans ce bureau de vote. Selon un président d’un bureau de vote, faute d’espace, ils ont dû ériger des tentes qui ont servi de bureaux de vote.
A l’Ecole fondamentale de Kinanira II, les seaux étaient à sec. Les électeurs ne pouvaient pas se laver les mains. Devant les 15 bureaux de vote que comptait ce centre, les files d’attente étaient courtes à 10h. Les électeurs trouvés sur place ont fait savoir qu’ils se sont réveillés très tôt pour accomplir leur devoir civique.
Les mandataires de deux bureaux de vote n’ont pas été autorisés à voter. « Ce sont des gens qui se sont fait inscrire dans des centres de vote de la commune Muha, qu’ils fassent un saut et regagnent leurs postes. C’est pour préserver les 50 places additionnelles aux militaires, policiers, journalistes ou procurations », a indiqué un agent de la Ceci de Muha.
Dans l’après-midi, au centre de vote de l’Ecofo Kinanira III, zone Musaga, les bureaux n’étaient occupés que par les agents de la Ceni, les mandataires et les observateurs. Ils attendaient que l’heure du décompte sonne.
Passée 12h, au centre de vote de l’Ecofo Kinindo, zone Kinindo, les électeurs venaient au compte-gouttes. « Tout va bien, malgré un retard d’une heure», raconte un président du bureau de vote. Même réponse de la part des mandataires interrogés.
A quelques mètres du centre, une militante du parti Cnl a annoncé qu’un mandataire de son parti est tombé malade, mais le président du bureau de vote a refusé son remplacement. « C’était une question de permutation. Nous allions en prendre dans un bureau qui a deux mandataires du Cnl. Nous avons soumis la question à la Ceci en vain », a-t-elle expliqué.
Dorine Niyungeko
Dans certains centres de vote de la commune Mukaza, des irrégularités s’observent. Certains électeurs n’ont pas voté. En outre, les mesures contre la Covid-19 ne sont pas respectées.
Commune Mukaza en marie de Bujumbura. Au centre de vote de l’école EPJP Nyakabiga, les électeurs font la queue devant les bureaux de vote. Faute d’espace à l’intérieur de l’école, plusieurs centaines d’électeurs font deux longues files d’attente sur la route séparant l’Université du Burundi et la zone Nyakabiga.
A l’entrée, plusieurs policiers et militaires montent la garde. D’autres circulent entre les deux longues files d’attente pour identifier les personnes âgées, en situation d’handicap et les femmes enceintes pour qu’elles ne fassent pas la queue.
Des irrégularités ne manquent pas. Kaze, un des policiers sur place, n’a pas été autorisé de voter. Ce dernier ne cache pas son indignation : « On m’a affecté ici. Je ne peux pas quitter mon poste pour aller voter au centre de vote de Stella Matutina où je me suis fait enregistrer.»
En outre, ce policier n’a pas sur lui la nouvelle carte d’électeur récemment distribuée par le Ceni. Il affirme que ladite carte a été distribuée lorsqu’il était en province pour une mission du travail. Pour le moment, il ne sait à quel saint se vouer : « La Ceni a autorisé aux corps de défense de sécurité de voter là où ils seront. Mais ces agents me refusent d’accéder aux urnes.»
A l’intérieur de ce centre de vote, ceux qui ne savent pas lire ont du mal à trouver le numéro de leur bureau de vote. Ce centre de vote compte 9 bureaux de vote. Les mesures de lutte contre la propagation du Covid-19 ne sont pas respectées. Des points de nettoyage des mains sont installés à l’entrée de ce centre, en vain et pas de distanciation sociale.
Il est 8h 45. Nous sommes au centre de vote du Lycée municipal de Nyakabiga. A l’entrée, les électeurs sont prudents. Ils sont dirigés vers des points de nettoyage. Et mauvaise surprise, aucune goutte ne tombe. Déçus, ils font la queue devant les bureaux de vote. Le représentant de la Ceni fait savoir que le problème d’eau ne le concerne pas. Et de signaler que ce centre devrait accueillir 357 électeurs. A ce moment, plus d’une douzaine de militaires lourdement armés en provenance de l’avenue de l’Imprimerie empruntent l’avenue Muyinga. Les électeurs visiblement inquiets ne disent rien.
Même constat au centre de vote l’école fondamentale du Bassin et l’école fondamentale de Buyenzi : les mesures de lutte contre la Covid-19 ne sont pas respectées.
Au centre de vote l’école fondamentale du Bassin, l’un des électeurs est remonté. Les agents de la Ceni lui ont refusé de voter parce que son nom ne figure pas sur la liste électorale. Ce dernier n’a pas baissé les bras, il a présente un récépissé et sa carte d’électeur. Les agents de la Ceni lui ont dit d’attendre l’autorisation en provenance de la Ceni ou de la Cepi.
D’autres électeurs déplorent la perte de temps. Jeanne, commerçante, confie qu’elle est venue très tôt, espérant, par la suite, aller faire son commerce. Elle vient de passer une heure sur la file d’attente. Elle déplore que l’électeur passe beaucoup de temps dans l’isoloir : « Normalement, ces élections devraient se faire en deux ou en trois journées.»
Les observateurs indépendants du centre d’encadrement et de développement des anciens combattants (Cedac) dénoncent certaines irrégularités. Ils citent notamment les élèves enregistrés en province, chez eux, mais qui n’ont pas le droit de voter parce qu’ils ne se retrouvent pas sur les listes des électeurs. Idem pour les travailleurs domestiques. Pour ces observateurs, ces derniers devraient pouvoir voter là où ils résident.
Pierre Claver Banyankiye
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