Le ministre de l’Intérieur a lancé une compétition entre les communes dans la collecte des contributions pour les élections de 2020. Non seulement cette collecte est illégale, estiment les politiques et activistes de la société civile, mais aussi cette course à la performance poussera les administratifs à recourir à la force.
«Parmi les stratégies suggérées visant à collecter le maximum possible des contributions de la population aux élections de 2020 figurent notamment l’instauration d’un système de compétition intercommunale», écrivait aux gouverneurs et au maire de la ville de Bujumbura, le 1 mars 2019, le ministre de l’Intérieur, Pascal Barandagiye. Le ministre indique que cette décision fait suite à une correspondance émanant du cabinet civil du président de la République.
«Il s’agirait d’un exercice d’évaluation des communes sous le seul critère de maximiser le plus possible les contributions de la population». La cerise sur le gâteau, la cérémonie de publication des résultats se déroulera dans la commune qui se sera classée première «sous le haut patronage du président de la République».
Une décision qui ne fait pas l’unanimité
Pour Tatien Sibomana de la Coalition Amizero y’Abarundi, cette compétition va pousser les administrateurs à collecter cet argent par force pour gagner la 1ère place. «Les administratifs vont le faire sans respecter aucune loi ». Pour ce politique, le financement des élections est l’affaire de l’Etat et c’est prévu dans le budget général de l’Etat. «Comme le gouvernement a tourné le dos à ses partenaires, il doit se débrouiller pour trouver ces fonds. Demander à la population de contribuer est normal, mais sans forcer un citoyen qui ne le veut pas ou qui en est incapable».
Kefa Nibizi, président du parti Sahwanya Frodebu Nyakuri, trouve que le fait de contribuer aux élections est une bonne chose. «Cela doit se faire volontairement, comme annoncé par les autorités». Il exhorte les administratifs à expliquer cette décision à leurs administrés et à ne pas utiliser la force.
«Le pouvoir s’est lancé dans une aventure sans réfléchir à sa faisabilité», relève Aimé Magera, porte-parole du Congrès national pour la liberté (CNL). D’après lui, le pouvoir en place confond la souveraineté et la complémentarité. «Ce qui est plus grave encore, c’est que le pouvoir ignore la pauvreté extrême que vit la population ».
Au début, poursuit Aimé Magera, on nous parlait d’une contribution volontaire, mais tout le monde connaît la suite. «Sur le salaire d’un fonctionnaire, on ponctionne un pourcentage à la source. Dans les ménages, ce même fonctionnaire doit contribuer pour lui, pour son conjoint et pour ses enfants. Sans parler d’autres contributions dont il doit s’acquitter. On nous parle de compétition communale, demain ça sera quoi?» Il exhorte Bujumbura à satisfaire les desiderata des bailleurs de fonds : «Le respect des droits de l’Homme et de la démocratie. C’est dans cette optique que le recours à ces magouilles et extorsions de la population pourra être évité».
Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, qualifie ces contributions d’illégales : «C’est un racket pur et simple des gens et, de surcroît, pauvres.» En se basant sur l’article 70 alinéa 4 de la Constitution, M. Rufyiri souligne que l’Etat peut proclamer la solidarité de tous devant les charges qui résultent des calamités naturelles. «Est-ce que les élections sont devenues une calamité naturelle ? Pas du tout ! En instaurant cette compétition, le gouvernement a ouvert la boîte de pandore. Ceux ne vont pas payer auront des problèmes».