Une journée après la proclamation des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la Conférence des évêques catholiques du Burundi (CECAB) livre une version aux antipodes de celle de cette commission électorale.
Souvent critiquée pour sa réserve et sa lenteur légendaire, cette fois, l’Eglise catholique du Burundi a été rapide. Une réaction au lendemain de la proclamation des résultats provisoires. Même si la CECAB reconnaît que les élections se sont passées en général dans le calme, la charge est sévère.
Selon les évêques catholiques du Burundi, le triple scrutin du 20 mai est dépourvu des « éléments devant aussi caractériser des élections vraiment démocratiques ». Dans le communiqué de la Conférence des évêques catholiques du Burundi (CECAB) de ce mardi 26 mai, les prélats énumèrent « des injustices » ayant caractérisé les élections.
«Nous déplorons beaucoup d’irrégularités quant à la liberté, et à la transparence du processus électoral ainsi qu’à l’équité dans le traitement des candidats et des électeurs », a fait savoir, la voix grave mais posée, Mgr Joachim Ntahondereye, président de la CECAB.
Entre autres irrégularités relevées par les successeurs de Saint-Pierre, les contraintes exercées sur certains mandataires à signer d’avance les procès-verbaux du dépouillement du contenu des urnes, le bourrage de certaines urnes, le vote à la place des défunts et des réfugiés et des procurations multiples et donc invalides.
Ce n’est pas tout. Les évêques catholiques regrettent aussi qu’il y ait eu, dans certains bureaux de vote, des électeurs qui ont voté plus d’une fois. Ils condamnent l’exclusion des mandataires et des observateurs des lieux de dépouillement du scrutin, les intimidations et contraintes exercées sur des électeurs par certains administratifs qui les accompagnaient jusque dans les isoloirs. Ce triple scrutin a été également caractérisé par l’intrusion des personnes non autorisées dans les lieux de comptage des voix et la confiscation des accréditations et des téléphones de certains observateurs. Très grave, « le secret du scrutin n’était pas garanti partout ».
Appel à la tolérance
Un terrible réquisitoire. Les évêques s’interrogent même. Face à toutes ces irrégularités, « nous nous demandons si elles ne portent pas préjudice aux résultats à proclamer », a souligné Mgr Joachim Ntahondereye au nom de ses confrères.
Les évêques catholiques appellent au calme et recommandent à tous ceux qui se sentent lésés dans leurs droits, de privilégier des voies autorisées pour être rétablis dans leurs droits. « Quoi qu’il en soit autant nous condamnons toutes les injustices autant nous refusons tout recours à la voie de la violence ».
Aussi, les évêques catholiques s’étonnent que des gens soient « persécutés » pour des raisons politiques et appellent les pouvoirs publics à y mettre fin. «Nous recommandons aux pouvoirs publics de sanctionner, tous ceux qui après le vote persécutent leurs voisins et de décourager tous ceux qui seraient tentés de les tourmenter pour avoir manifesté des tendances politiques différentes des leurs ». Ils rappellent que le multipartisme est reconnu au Burundi : «A partir du moment où la loi avait autorisé à plusieurs candidats de battre campagne, chaque citoyen avait le droit de manifester sa préférence pour le candidat de son choix ».
Les évêques catholiques soulignent qu’ils avaient délégué 2716 observateurs et que «bien que leur nombre se soit avéré inférieur au nombre des bureaux de vote », ils affirment qu’ils ont pu arriver dans toutes les communes où ils se sont déployés dans des bureaux ciblés.
L’Eglise catholique a donc choisi très vite de prendre position et jouer son rôle d’autorité morale. Pour rappel, environs 63 % de Burundais se reconnaissent dans l’Eglise catholique romaine selon le Recensement général de la population de 2008.