Opinion* Par Jean-Marie Ninziza, Vice-Président du Parti CDP
Comme il s’y était engagé alors que ses leaders vivaient encore en exil, le Parti CDP fait partie du processus électoral 2020 en cours au Burundi.
Nous rappelons aux uns et apprenons aux autres que, pour la présidentielle, la course du Parti CDP avait pris fin avec le verdict de la Cour constitutionnelle qui ne permettait pas à notre formation de briguer ce mandat.
Certes, c’était une bataille perdue, mais pas la fin de notre combat. Nous voilà toujours debout, sereins, plus que jamais déterminés à continuer la course électorale.
En même temps que nous poursuivions nos préparatifs pour les autres scrutins, nos militants n’avaient cessé de nous demander qui des 8 candidats à la présidentielle, encore en lice, méritait nos voix. Car les voix, nous en avons à suffisance et il fallait les reporter à un candidat.
Il nous fallait donc prendre position. Or, qui dit prendre position suppose des critères de choix.
Trois critères ont guidé notre choix :
- Le fondement même de donner nos voix à un candidat;
- La cohérence idéologique ;
- La personnalité du candidat.
- Etait-il fondé de reporter nos voix ?
Sans hésiter ni compromission, la réponse est affirmative ! En effet, la candidature du Parti CDP ayant été retoqué, la discussion sur la nécessité de donner nos voix ou pas n’était plus de saison. La vraie question consistait, désormais, à savoir à qui les reporter.
Et là, on ne le dira jamais assez, notre acte a été tout sauf une offre de condescendance ; nous avons répondu à une demande exprimée.
En effet, jusqu’au jour du lancement de la campagne, des 8 candidats à la présidentielle encore en lice, un seul nous avait explicitement demandé nos voix. Le choix était clair : il y avait au moins un candidat qui avait exprimé le besoin !
- Une question de cohérence idéologique
Du point de vue idéologique, le Parti CDP revendique sa place sur la trajectoire de la dynamique révolutionnaire. En fait, jusqu’ aujourd’hui, cette dynamique a déjà connu trois grandes vagues :
La 1ère vague est l’ indépendance de notre pays, l’œuvre du Parti Uprona.
La 2ème deuxième a été l’entrée du Burundi dans le système de vote « un homme une voix », l’entrée en démocratie, s’il faut considérer le suffrage universel comme l’un des instruments de jaugeage de l’effectivité de la démocratie. Cette vague, nous la devons au Parti Frodebu.
Le Frodebu n’ayant pas pu stopper l’hémorragie du Burundi dans toutes les acceptions du terme, il a fallu une 3ème vague de la dynamique révolutionnaire : la refonte de l’armée jusqu’alors mono-ethnique et mono-régionale pour la rendre véritablement nationale. Ce sera l’œuvre du CNDD-FDD.
15 ans après l’entrée du Burundi dans cette vague, d’aucuns constatent que la restructuration de l’armée n’était pas appelée à devenir un début et une fin en soi ; elle ne pouvait en aucun cas constituer la fin de l’histoire.
Ainsi, une 4ème vague venait de soi. Tout simplement, après la restructuration des forces de défense et de sécurité, plusieurs défis nous ont permis d’embrayer pour négocier une autre vitesse.
« Caracanzwe » oui ; l’armée a été « mélangée », pour employer le terme cher au système en place. Mais les Burundais se trouvent en exil, en prison, d’autres se font enlever, ou même assassiner, et tout cela pour des mobiles politiques, et pourtant, cette fois-ci toutes ethnies confondues ! « Caracanzwe » oui, mais les Burundais ont trop faim ! « Caracanzwe » oui, mais le Burundi tangue, depuis plus d’une décennie, entre la dernière et l’avant-dernière place au classement mondial en termes de développement, du niveau de vie de la population et du bien-être social.
Bref, le Burundi a besoin d’une autre vitesse ! C’est ce que nous appelons « Ingunga ya 4 », ou la 4ème vague de la dynamique révolutionnaire.
Le CDP revendique cette vague. En fin de compte, des 8 candidats, opter pour l’un ou l’autre qui devait mériter notre choix revenait à nous positionner sur l’une ou l’autre des 4 vagues.
Autrement dit, nous avions à souscrire à l’une ou l’autre des trois options : rester sur place ; retourner en arrière ou avancer. Et comme la CENI avait bloqué notre avancée, cette troisième option a été battue en brèche. Et là, le choix s’imposait de soi : quand, pendant une course, on est stoppé alors qu’on a toujours envie d’avancer, entre reculer en arrière et s’arrêter un moment, quitte à pouvoir reprendre la course dès que possible, le choix est claire : nous avons choisi de nous « garer » . Nous avons opté pour le candidat le plus proche de notre position, disons même de notre génération politique.
- De la personne du candidat de notre choix
Notre choix est allé à « Neva ». Et alors ? Et puis quoi ? Vous voulez quoi ? De lui, certains diront tout ce qu’ils voudront, mais nous défions quiconque de nous donner un seul cas où le Général Major Ndayishimiye est cité dans les différents crimes qu’on impute au régime du CNDD-FDD. Et le discours qu’il a tenu depuis qu’il est candidat et même peu avant n’est pas de nature à nous contrarier ! C’est un discours qui apaise, qui rassure, qui préfigure un début de fin de la guerre sous toutes ces formes.
C’est un discours qui peut nous servir de tremplin pour sauter pieds joints dans la 4è vague de la dynamique révolutionnaire.
L’histoire récente de notre pays reste ce qu’elle est : une histoire des confrontations aux effets dévastateurs. Nul n’est saint sur cette terre et seuls les imbéciles ne changent pas. En tout état de cause, il n’est pas responsable de tourner le dos à un homme qui prône la rupture d’avec les horreurs du passé.
On voit venir les prophètes de l’apocalypse qui ne manqueront pas pour de nous rappeler que les discours électoralistes sont toujours les meilleurs. Mais comme le disait Bob Rugurika le célébrissime homme de presse burundais en exil, « Nti tumutege imisi » (ne le jugeons pas avant les actes) ; donnons le temps au temps. De toute façon, l’homme qui vient avec une parole rassurante vaut toujours mieux que celui qui s’annonce avec des discours vengeurs, haineux, apocalyptiques. C’est la langue qui bénit, c’est la langue qui maudit ; c’est la parole qui guérit, c’est la parole qui tue ; c’est la parole qui construit, c’est la parole qui détruit !
La décision d’endosser la candidature de « Never » a donc été prise par le Bureau Politique du CDP, après mures réflexions et longues analyses. Contrairement aux dires de certains détracteurs, la décision de soutenir « Never » a été prise de façon concertée par les instances habilitées. Elle est pleinement assumée par les instances dirigeantes du Parti.
Je m’en voudrais de terminer ces propos sans dire un mot sur le statut qui va régir notre parti.
Oui ; nous venons de donner nos voix au candidat du CNDD.FDD, et c’est un choix que nous assumons pleinement, que nous trouvons le seul fondé, réaliste, rassurant, patriotique.
Mais que les gens ne se leurrent pas ! Le CDP est tout sauf un liquide que l’on peut transvaser dans un récipient pour qu’il prenne la couleur de ce dernier ! Nous donnons les voix, et le jeu s’arrête-là !
Le Parti CDP revendique plus que jamais sa position de parti de l’opposition, mais alors une opposition républicaine ; une opposition de la construction et non de la destruction ; une opposition de la concertation et non de la confrontation. A ceux qui pensent que nous allons nous pelotonner « sous les ailes de l’aigle », vous allez attendre, une longue attente, longue comme l’éternité !
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