Céder à une force supérieure ou une haute autorité est le sens que confère bon nombre de chrétiens burundais au verbe soumettre de cette célébrissime citation de Saint Paul dans son Epitre aux Ephésiens 5:22 : « Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur.»
L’égalité de genre ne deviendra pas une caractéristique fondamentale de la couche de la société burundaise la plus occidentalisée, aussi longtemps que le facteur religieux prégnant sera escamoté. Toute tentative de raisonnement tombe en mode off lorsqu’il se heurte aux croyances religieuses d’une personne, lesquelles édictent en l’occurrence cette « règle divine du mariage ». Ainsi prévaut la lecture fondamentaliste de la Bible, chère aux forces conservatrices.
Comment faire prévaloir une lecture historiciste de la Bible en phase avec notre modernité ? Ceux qui ne sont pas du côté obscur de la force doivent « donner un sens plus pur aux mots de la tribu » à l’instar du poète Stéphane Mallarmé pour que l’argument religieux – obstacle rédhibitoire pour l’heure – se transforme en allié stratégique. La soumission devrait être comprise comme la forme de respect la plus élevée ou la forme d’amour la plus poussée, laquelle peut atteindre l’ultime sacrifice. Pour tout chrétien, l’exemple de Jésus Christ deviendrait alors la forme la plus sublime de soumission. Il a sacrifié sa vie pour sauver l’humanité, en soumission à son amour des enfants de Dieu. Ce verbe n’impliquerait plus une force supérieure ou une haute autorité, mais consisterait en d’énormes compromis à double sens, en soumission à l’amour qui unit les conjoints.
Tant que le facteur religieux sera l’angle mort du débat sur l’égalité de genre ou en lévitation intellectuelle, tenter d’instiller cette notion dans la relation de couple relèvera de la poursuite du vent. Et cette explication lénifiante pour clore le débat aura toujours cours : «En réalité, lorsqu’une femme est soumise à son mari, c’est en fait à Dieu qu’elle se soumet. Parfois, son mari ne sera pas digne de cette soumission du point de vue humain, mais divin, Dieu a établi l’homme comme chef, et la femme peut avoir confiance en la justesse de la décision divine.»