Jeudi 21 novembre 2024

Société

Édition spéciale sur le manque d’eau/Pénurie d’eau : Des ménages souvent dans le désarroi

22/10/2024 4
Édition spéciale sur le manque d’eau/Pénurie d’eau : Des ménages souvent dans le désarroi
Certains habitants se rabattent sur l’eau des caniveaux comme à Kinama

Dans plusieurs quartiers de la ville de Bujumbura, trouver de l’eau potable est devenu un casse-tête. Ils passent plusieurs jours sans voir une seule goutte d’eau dans les robinets. Des gens sont obligés de se rabattre sur des eaux des rivières avec tous les risques que cela représente. La Regideso annonce un projet de captage d’eau dans le lac Tanganyika pour assurer la suffisance en eau potable jusqu’en 2065 avec un coût 106 millions.

Dossier Réalisé par Iwacu et Jimbere

Dans le quartier Muyaga de la zone urbaine de Gihosha, les habitants peuvent passer une ou deux semaines sans une seule goutte d’eau. Un habitant de ce quartier indique qu’il vit la peur au ventre à cause des cas de la variole du singe sur le territoire burundais. « Parmi les mesures de prévention, figure le lavage des mains. Alors, à part que nous n’avons pas d’eau pour nous préparer à manger où allons-nous trouver celle pour l’hygiène ? », se demande-t-il.

Il fait savoir que pour assurer certaines tâches comme la cuisson, ils sont obligés de dépenser beaucoup d’argent. « Avant, un bidon de 20 l coûtait 500 BIF, mais, maintenant ça a monté jusqu’à 1 000 BIF. En plus de cela, nous craignons que les gens qui font ce travail risquent d’aller nous la puiser dans la rivière Nyabagere. Personne n’ignore ce qui s’y déverse », témoigne-t-il.

Pour cet habitant, seule l’eau minérale est la plus sûre pour la cuisson. Mais, son prix n’est pas accessible et à la portée de tout le monde. Il appelle la Regideso à revoir sa politique d’approvisionnement de la capitale économique en eau potable.

Dans le quartier Winterekwa, les habitants peuvent passer deux ou trois semaines sans eau potable. « Nous sommes malheureux et la situation est grave. On peut passer une semaine ou plus. Nous craignons les maladies des mains sales dans cette localité. Nous demandons à la Regideso de se souvenir de nous avant que l’irréparable n’arrive », se lamente une mère de famille.

La situation s’est dégradée alors qu’Isidore Ngendakuriyo, chef de quartier Winterekwa avait commencé le projet de captage d’eau dans localité de Ruvubu, colline Gishingano, zone Nyambuye de la commune Isare.

Cette initiative avait allégé les problèmes des habitants du quartier quand il y avait l’épidémie de choléra. « Depuis 2019, la Regideso s’est appropriée de cet ouvrage. Ils nous ont convoqués pour nous dire que les localités de Nyabagere et Winterekwa doivent être alimentées par la Regideso. Nous avons dû céder. Nous avons engagé un dialogue pour que la Regideso alimente ces localités mais elle ne l’a pas fait », déplore-t-il.

Bien plus, les familles dépensent beaucoup d’argent pour acheter l’eau alors que la vie devient de plus en plus chère. Les habitants de la ville de Bujumbura rencontrés demandent à l’Etat et à la Regideso de faire une étude approfondie sur les stratégies pouvant permettre une distribution d’eau suffisante dans toutes les localités pour faciliter les activités quotidiennes.

Le constat est que la situation est intenable pour les élèves des établissements à régime d’internat. Au lieu de réviser les cours, ils vont puiser de l’eau. Ce qui les perturbe énormément. Ainsi, cette pénurie d’eau quasi permanente n’avantage surtout pas les femmes et filles en rapport avec la propreté.

L’exemple donné est celui de l’école technique secondaire, ETS Kamenge. On peut constater des mouvements des écoliers qui sillonnent les quartiers afin de trouver de l’eau pour se laver et faire la lessive. Le malheur ne vient jamais seul. Dans les quartiers périphériques de cette école, les habitants font face au même problème.

Dans le quartier Carama, un quartier réputé riche au regard des maisons y érigées, il y a aussi pénurie d’eau. Un gérant d’un hôtel explique les pertes subies. « Nous travaillons à perte chaque jour. Nous payons les salaires et des dépenses de plus d’un million par mois. Un bidon coûte 1 000 FBu. On achète 30 bidons par jour».

Un membre d’une famille ne comprend pas qu’un tel quartier où habitent des dignitaires et les gens riches peut manquer d’eau pendant des jours. « Chaque jour, nous utilisons 25 bidons. Cela depuis 2 ans », précise-t-il.

A Kinama, certains habitants se rabattent sur des eaux qui coulent dans des caniveaux. Tous ces habitants demandent aux autorités compétentes de résoudre la question de l’eau dans les brefs délais. A défaut de le faire, il sera difficile d’arriver à la vision Burundi pays Emergeant en 2040 et pays développé en 2060.

Musaga des bousculades et des injures

Dans la zone urbaine de Musaga, les habitants disent qu’ils ont beau crié depuis longtemps, mais personne n’a daigné s’occuper de la question pour les alimenter en eau potable. Les quelques gouttes d’eau que se partagent plusieurs ménages viennent de deux robinets publics situés à la 1ère avenue.

La prénommée Diane qui habite à la 2e avenue fait savoir qu’elle passe souvent des heures et des heures à attendre que son tour arrive pour pouvoir puiser de l’eau. Les bousculades, les injures accompagnées de plusieurs jurons sont les maîtres mots sur les lieux où se trouvent les robinets publics. « Je ne peux pas venir ici avec un enfant. Les gros mots qui fusent de partout font honte. Ceux qui y envoient les enfants sont ceux qui n’ont pas d’autres choix », déclare-t-elle.

En ce qui concerne les mesures d’hygiène, cette dame dit que le jour où cette variole du singe prendra réellement place, ce ne sera pas seulement les habitants de sa localité qui seront décimés mais toute la capitale. « Les risques sont grands. Mais, on n’a pas de choix. Bien plus, nous ne sommes pas les seuls parce que partout dans la capitale économique, les coupures d’eau s’observent. Aussi, les gens de Musaga vont en ville et croisent les personnes d’autres localités. Ils se frottent contre les autres en faisant la queue au centre-ville pour les bus. Si alors des gens de Musaga venaient à être contaminés, ils pourront ainsi contaminer les autres. Raison pour laquelle il faut de l’eau propre à Musaga », insiste-t-elle.

Elle dit plutôt que la Regideso devrait revoir sa politique. Elle ne comprend plus l’utilité des robinets installés par cette société dans les ménages.

Dans la zone urbaine frontalière de Kanyosha, c’est le même drame. Mais, ce qui différencie les deux localités, ce sont les robinets publics. Les habitants paient des gens qui ne font que ce boulot avec des vélos. Dans le quartier Busoro de Kanyosha, les habitants dépensent beaucoup pour avoir de l’eau. Deux bidons de 20 l chacun ont monté jusqu’à 1 000 BIF.

Or, chaque ménage doit avoir un minimum de cinq bidons par jour pour satisfaire les besoins élémentaires.
« Nous dépensons beaucoup plus que nous devrions payer la facture de la Regideso. Les dépenses en eau par jour couvrent à elles seules ce que nous devrions payer à la Regideso par mois », déplore un habitant de cette localité.

Une habitante de Nkenga-Busoro se dit être dans le désarroi. Elle comme d’autres ménages ont déjà abandonné leurs toilettes. « C’est impossible de continuer à utiliser des toilettes à siège sans eau. Nous sommes dans une situation insupportable. Nous craignons des maladies de main sales au moment où des épidémies font rage ».

D’autres habitants se lamentent que leurs robinets sont comme des objets d’ornement. Depuis le mois d’avril 2024, des robinets sont à sec. « A cette époque, on pouvait avoir de l’eau deux fois par semaine. Nous utilisons de l’eau achetée aujourd’hui. Un seul bidon est à 1 500 FBu. Je peux utiliser 15 bidons par jour. Vous vous rendez compte de cette situation ? C’est très cher ».

Situation intenable à Gatumba

A Gatumba, les habitants achètent un bidon de 20l à 1 000 BIF chez un commerçant qui sillonne les collines avec des citernes d’eau

Un malheur ne vient jamais seul. A côté des inondations, certaines localités de la zone Gatumba en commune Mutimbuzi manquent cruellement d’eau potable. Durant la période des inondations, seule une colline sur les neuf que compte cette zone a de l’eau. « La zone Gatumba vient de passer plus de quatre mois sans eau potable. C’est insupportable. Depuis les crues de la rivière Rusizi et le débordement du lac Tanganyika, nous vivons une pénurie d’eau de la Regideso. Nous avons partout l’eau, sauf dans nos robinets », se lamente un habitant.

Nous sommes sur la colline Kinyinya II. Il est 11 h. Des femmes sont avec des enfants sur le dos et des bidons sur leur tête. Interrogées, elles disent qu’elles viennent de Kajaga, de la zone de Kinyinya. « Nous avons puisé cette eau à Kajaga. Ici, dans notre zone, nous n’avons pas d’eau dans les robinets. Nous sommes fatiguées. Parfois, nous nous demandons la faute que nous avons commise pour mériter cette vie. Ne nous demande plus autre chose. Nous sommes fatiguées de répéter toujours la même chose », répond une parmi les femmes trouvées sur le terrain.

Les habitants de la zone Gatumba disent également que la Regideso envoie l’eau dans un robinet de la localité de Muyange pendant la nuit. Et la présidente Adidja, habitante de cette localité, témoigne que la Regideso envoie cette eau dans un seul robinet de tout le quartier. « Imaginez-vous un seul robinet qui a de l’eau pour toute la colline. Ça ne peut pas suffire. Aussi, cette eau vient pendant la nuit. J’imagine que venir des collines Kinyinya I ou II pendant la nuit est impossible avec les risques de croiser des crocodiles ou des hippopotames qui circulent la nuit. Cela peut même mettre la vie des gens en danger ».

Plusieurs habitants de la zone Gatumba utilisent une eau puisée dans des puits dits « Amariba » et d’autres utilisent l’eau de forage pompée dans le sous-sol à l’aide d’une machine installée, « Amajorgik». « J’utilise cette eau pompée dans le sous-sol pour cuire, laver les habits et me laver avec toute ma famille. L’eau potable est chère. On préfère acheter un seul bidon pour avoir de l’eau à boire et ce bidon peut durer deux semaines », témoigne Marie Rose, habitante de Kinyinya I.

Certains ont trouvé un business pour gagner de l’argent. Trois camions remplis de citernes d’eau sillonnent les collines de la zone Gatumba. Le prix d’un bidon de 20 l est de 1 000 BIF. La population de Gatumba salue cette initiative, mais dit que parfois ils n’ont pas cette somme, car la vie est devenue très chère avec les inondations qui ont détruit leurs ménages.
« C’est une bonne chose parce que maintenant, on peut trouver un bidon pour survivre. La somme de 1.000 BIF est exorbitante. Les autorités et les responsables de la Regideso devaient agir parce qu’il y a la pauvreté dans notre communauté. Ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre d’acheter un bidon à 1 000 BIF. »

D’après Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona, le gouvernement doit faire recours aux investisseurs privés pour faire face au problème lié au manque d’eau au Burundi. « Avec des investissements privés, le problème d’eau potable sera résolu. Même dans d’autres pays membres de l’EAC, le problème lié au manque d’eau a été résolu grâce aux investisseurs privés », a précisé le député au parlement de l’EAC.

Des promesses

Selon Jean Albert Manigomba, directeur général de la Regideso, 95% de la quantité d’eau consommée en mairie de Bujumbura provient du lac Tanganyika. Ce projet a commencé en 1985. « Sur la planification de l’époque, on était sûr que cette eau sera suffisante pour alimenter les habitants de la ville de Bujumbura jusqu’en 2005. Par après, il n’y a pas eu d’autres projets. A voir la densité de la population en mairie de Bujumbura, vous constatez que l’eau n’est plus suffisante. C’est-à- dire que cette eau insuffisante est répartie dans tous les nouveaux quartiers ».

Le directeur général de la Regideso fait savoir que depuis 2020, il y a eu des initiatives pour augmenter l’eau. Il a parlé de l’eau provenant des montagnes surplombant la ville de Bujumbura et d’autres communes notamment Mutambu et Rugazi. Il a ajouté qu’au niveau de la Regideso, des initiatives pour trouver des solutions d’urgence à Matyazo et Sagara dans la commune Isare sont en cours. Les travaux, dit-il, sont en phase terminale.

Jean Albert Manigomba a indiqué qu’en mairie de Bujumbura, un projet important est en cours. Il s’agit d’un projet de captage de l’eau du lac Tanganyika qui n’a pas été exécuté en 2015. « Ce projet devrait résoudre définitivement les pénuries d’eau. C’est un projet soutenu par la Banque mondiale. Il demande beaucoup d’argent. Selon les études, c’est un budget de 106 millions de dollars. Même la parcelle est disponible à Nyabugete, phase 4 ».

Il affirme que toute la population de la ville de Bujumbura sera servie jusqu’en 2065 sans pénurie si le projet est exécuté. La ville de Gitega n’est pas en reste. Les prévisions vont jusqu’en 1965. Jusqu’ici, précise-t-il, la grande partie de l’eau utilisée provient des forages.

Le gouvernement de la république du Burundi a reçu du Groupe de la Banque africaine de Développement (BAD), un financement d’un montant de 13,15 millions de dollars en vue de contribuer au Programme d’appui au secteur de l’eau et au renforcement de la Résilience au changement climatique au Burundi (PASEREC). La zone d’implémentation du programme couvre les provinces de Cibitoke, Bubanza, Ruyigi, Rutana, Cankuzo, Kayanza, Mwaro et Gitega.

Lors du lancement de ce programme par le ministère en charge des finances, en collaboration avec le ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, le jeudi 10 octobre 2024, Nestor Niyonzima, directeur général de l’Agence burundaise de l’hydraulique et de l’assainissement en milieu rural, AHAMR précise que ce programme sera bénéfique. Il sera exécuté en première phase dans les provinces de Bubanza, Cibitoke, Cankuzo, Ruyigi et Rutana. Pour lui, l’alimentation en eau potable sera assurée.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Niyonkuru gilbert

    Manque d’eau potable dans un pays comme le burundi,c’est une mauvaise gestion des ressources,absence d’infrastructures. Les domestiques qui polluent les sources d’eau,irresponsabilité des citoyens et de gouvernement

  2. kabingo dora

    On aurait jamais imaginé que nous tomberions si bas.

  3. Peut être que le Burundi est le pays du lait et du miel. Mais, peut-on trouver du lait et du miel sans eau? Que nenni.
    Un jour je racontais à un vieux que nous avons appris à l’école que le Burundi est l’un des premiers pays qui possèdent de l’eau potable. Il me répondit que c’était du mensonge car les gens meurent encore à cause des maladies liés au manque d’eau potable. Alors si mon vieux dit vrai, les géographes seraient menteurs. Mais, si les géographes nous disent vrai, à qui la faute?

  4. Theo Musabanzira

    C’est devenu fatigant de lire les promesses des autorités Burundaises , nous sommes aujourd’hui dans le sauve qui peut général , on ne fait rien et les devises ne viendront jamais. Libérez l’espace politique , cessez de kidnapper les gens et les choses seront en ordre . Sans cela , rien ne se passera.

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