Dimanche 22 décembre 2024

Économie

Econet-Leo, survivra-t-elle ?

Econet-Leo, survivra-t-elle ?
Econet Wireless dans la tourmente -Mardi 31 janvier, les agents Ecocash ont fait un sit-in au siège d’Econet Wireless

Le 24 janvier, l’OBR a signifié à une liste de 17 institutions financières de virer tous les soldes se trouvant sur les comptes de CASSAVA FINTECH/SASAI FINTECH vers les comptes de transit de l’Agence de régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT) ouvert à la BRB.Et depuis, plus d’un redoute la faillite d’Econet-Leo. Mais la grande question : comment les arriérés de cette l’entreprise en sont arrivés là. Une « énigme » qu’Iwacu a essayé de déchiffrer. 

Par Hervé Mugisha, Fabrice Manirakiza et Stanislas Kaburungu

La somme est tellement astronomique qu’à la 1ère lecture de l’avis de l’Office burundais des Recettes (OBR), pour une fois, dans un domaine où l’unanimité n’est jamais de règle, tous les experts en économie et finance digitale, ont semblé parler d’une seule et même voix. « Une somme non recouvrable », ont d’emblée tranché certains d’entre eux.

Le montant de la dette est en effet très lourd : 88.756.006.572 BIF et de 44.344.346 USD.

Et depuis cette annonce de l’OBR, agents et usagers particuliers du service Ecocash ont pris d’assaut le siège d’Econet-Leo.  Le staff de ladite compagnie a beau tranquilliser, en multipliant des messages via les téléphones et leurs plateformes des réseaux sociaux, comme quoi la situation est sous « leur contrôle. »
Une peur panique habite tout le monde. Sur les visages des personnes croisées à l’entrée de la société, attendant de retirer leur argent, c’est l’abattement. Certains égrènent même le chapelet. L’OBR, a tenté de rassurer à travers un communiqué que « la mesure concerne les comptes de fonctionnement et non de transit ».

Mais, rien n’y fait. Pire, cette incertitude du lendemain, petit à petit, commence à gagner une partie du personnel. En effet, les articles 105,106,107,108 et 109 relatifs aux procédures fiscales et non fiscales invoqués sont très clairs. Ils donnent les pleins pouvoirs à l’OBR de se saisir de tous les comptes bancaires même ceux de transit. Et au moment où nous mettons sous presse, des sources proches du dossier confirment des discussions en cours entre les parties prenantes, histoire d’arriver à une solution qui arrange tout le monde. « Malheureusement, un scénario difficile à envisager tant que la partie gouvernementale ne semble rien céder », nous ont -elles coupé l’herbe sous les pieds.

Depuis cette correspondance qui annonce un « recouvrement forcé », l’opinion se demande comment et quand cette société est devenue « incivique » au point de ne plus s’acquitter de ses obligations fiscales. « Une situation difficile d’imaginer si l’on se rappelle que Leo est une entreprise qui fait de la facturation prépayée, et que rien en décembre 2014, elle avait pu réaliser des ventes avoisinant 10 milliards de BIF », glisse F.G, un ancien employé de cette société.

Au regard de la situation, la question est sur toutes les lèvres : « comment en est-on arrivé là ? Quel a été le rôle de l’autorité régulatrice, en l’occurrence, l’ARCT.  N’a-t-elle jamais alerté ? Econet-leo, a-t-elle été surfacturée ? Ou ses autorités ont laissé couler le navire, omettant sciemment de s’acquitter de leurs devoirs ». Une certitude, si l’on en croit les différents témoignages, la fusion d’Econet Wireless avec Leo en juin 2015, a contribué à sceller le sort de cette entreprise. « C’est vrai qu’avant la fusion, les pénalités sur le retard de paiement oscillaient autour de 4 milliards de BIF. Mais personne, n’aurait imaginé qu’en moins de dix ans, les mêmes pénalités puissent avoisiner 90 milliards de BIF », glisse F.N, une autre ancienne employée de Leo.

Une fusion « qui n’augurait rien de bon »

Au moment où le groupe Econet Wireless achète la Compagnie Ucom-Leo (Leo est le nom de marque commerciale), Leo est une entreprise prospère, surtout viable économiquement. « Avec environ 60% de la part du marché, surtout des produits très sollicités en plein boom (exemple de Leo Manoti, promotion liberté), la société aiguise l’appétit de tout le monde ». Seul hic, raconte J.L, ingénieur encore en service, à l’époque, la dette due aux pénalités de retards de paiements des impôts commence à s’accroître. Notre source parle d’un montant avoisinant 60 milliards BIF. « Ce qui nous a le plus surpris, c’est le fait que cette dette n’ait pas entravé cet achat » Et de se demander : « Pourquoi n’y-at-il pas eu un audit approfondi pour déceler toutes les faiblesses ? Ou le nouvel acquéreur avait une carte à jouer ? » Des questions qui sont restées sans réponse. Car, la fusion a fini par avoir lieu entraînant avec elles les séquelles que l’on connaît, notamment celles liées aux licenciements d’une partie du personnel de Leo n’ayant pas été retenu par Econet. « Quelques semaines après cette fusion, l’OBR était déjà à leur trousse. Une course-poursuite qui dure jusqu’à actuellement », indique GR, ancien technicien de l’Econet-Leo, avant de préciser : « Toutefois, il faut reconnaître que la réglementation juridique dans le domaine des télécoms est très dure au Burundi ». A titre d’exemple, il cite les articles 5 et 6 de l’ARCT portant modalités de taxation et de facturation, ainsi que des pénalités y relatives : « En cas de retard de paiement des factures, l’opérateur défaillant se voit appliquer une pénalité de cinq pour cent (5%) du montant total de la facture par semaine de retard. En cas de paiement partiel, les pénalités de retard sont applicables au montant restant dû par rapport au délai de paiement. », stipule par exemple l’article 5.

Parmi les autres causes qui ont fait augmenter la facture des arriérés :  les pénalités liées aux taxes sur les redevances en rapport avec les numéros téléphoniques, ainsi que les fréquences. « Normalement, chaque numéro de téléphone attribué à un client. Idem pour les fréquences, ce canal que tout opérateur de téléphonie mobile utilise pour faire passer un appel, sont des propriétés de l’Etat. A cet effet, cet opérateur doit payer au régulateur des redevances annuelles. Ces dernières peuvent être annuelles ou mensuelles ». A en croire, notre source, pendant des années Leo, ne s’en serait pas acquittée dans les délais. Entre-temps, les pénalités continuaient à s’accroître. « Imaginez par vous-mêmes, ce que devient une dette de 20 milliards de BIF, lorsque chaque semaine une pénalité de 5% y est appliquée, et ce, pendant 8 ans. »

Face à cette situation, notre source déplore qu’au lieu de chercher comment apurer ces dettes, les responsables de la nouvelle société Econet-Leo ont voulu contourner l’OBR, en graissant la pâte à certaines autorités pour retarder les échéances de paiement des arriérés. « Une aberration, car, ils oubliaient qu’en retour, les pénalités ne cessent de croître. Plus que tout qu’il y a continuité de l’Etat. Ceux qui les protègent ne dureront pas éternellement au pouvoir ».

A défaut d’un consensus, notre source indique que les deux parties ont fini par s’affronter devant les juridictions compétentes. Bien que légalement, aucune entreprise ne peut payer les pénalités si elles sont supérieures au montant dû, H.M, ancien agent marketing, fait savoir que la justice a fini par donner gain de cause à l’OBR. Contactée, Econet-Leo n’a pas voulu réagir.

Une taxe de trop ?

Alors que d’habitude les entreprises de téléphonie mobile, comme toute société commerciale appliquent une taxe sur valeur ajoutée de 18% sur toute vente, en 2014, feu le président Nkurunziza, à travers un décret-loi fixant le budget  général de l’Etat, opère un virage à 180 degré. « Fini la TVA dans les compagnies de téléphonie mobile, désormais une taxe spécifique de 42 BIF/minute sera appliquée pour tout appel local. Pour les appels internationaux, une redevance téléphonique de 0,16 USD par minute sera aussi appliquée. », raconte cet ancien marketing.  Un coup dur pour ce secteur d’activités. Il confie qu’à cette époque, pratiquement toutes les compagnies, en tête desquelles Ucom-Leo avait développé une politique de promotions, à l’instar des bouquets Liberté (le système débitait de 1000BIF le client, qui, sur le coup, avait un solde crédité de 30 minutes pouvant être utilisé sur le même réseau (on-net). Une révolution.  Notre source se souvient qu’à partir du soir, c’était la congestion totale. « Les lignes étaient saturées. Pour dire que le produit était superbement apprécié ». Et de poursuivre : « Décrétée fin 2014, la mesure entre en vigueur début janvier 2015. Mais entre-temps, Leo n’a pas encore commencé d’appliquer les nouveaux tarifs alors que cela fait des mois que l’ARCT les applique sur la facturation. Le début des tracas. ». Cet agent marketing explique qu’après la fusion Econet-Leo tentera de rectifier le tir en vain. « Le mal était déjà fait. Des pénalités n’avaient cessé de s’accroître, surtout que la facturation des promotions avec le bouquet Liberté avait n’avait pas été revue à temps ». Néanmoins au vu de l’ampleur avec laquelle les pénalités ont augmenté, cet ancien agent marketing se demande si réellement les instances chargées de faire le minutage s’acquittent de leur tâche tel que l’exige la loi. Entretemps, deux mois après la fusion, à travers un décret-loi du 26 août 2015, une licence d’établissement, d’exploitation et de gestion de l’accès unique aux réseaux internationaux de télécommunications au Burundi a été accordée à une société, dénommée International Telecom Services (ITS). Jusqu’à maintenant dont l’utilité et la fonctionnalité, comme le laisse entendre D.H, technicien à Econet-Leo, posent question à tous les opérateurs de téléphonie du moment qu’elle semble s’être substituée à l’ARCT, notamment dans la tarification. « Pourquoi ne pas repenser le système de paiement des pénalités ? Si jamais Econet-Leo vient à fermer les portes, avec la récente fermeture de la société Smart, aucun investisseur ne voudra investir dans le secteur de téléphonie », opine-t-il.

Un avis loin d’être partagé par Samuel Muhizi, directeur général de l’ARCT. « Du moment qu’il y aura respect de la réglementation en vigueur, il n’y aura aucune raison de s’inquiéter », qui poursuit : « Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, l’OBR n’a outrepassé aucune loi. En cas de force majeure, telle que le permet la législation, il peut faire un recouvrement forcé.  Sinon que les usagers du réseau Econet-Leo soient rassuré, les discussions sont avancées pour trouver une solution qui arrange tout le monde ».  Et de conclure : « Mettre la clé sous le paillasson, c’est de loin, une solution à envisager. »


Service Ecocash : Un trompe-l’œil ou agonie vers une mort certaine ?

Graphique : Evolution de la valeur des dépôts, des transferts nationaux et des retraits des clients enregistrés

Les agents qui offrent les services Lumicash-Ecocash ont carrément abandonné les opérations du service Ecocash. Ils n’acceptent même pas l’accueil des clients qui veulent retirer leur argent. D’après eux, l’avenir devient de plus en plus incertain.

Nous sommes au marché communément appelé Cotebu, ce 1 février. Deux agents, une jeune fille et un jeune homme, attendent des clients. Tout autour, d’autres jeunes, portant des gilets jaunes de la société LUMITEL et qui offrent eux aussi les services Lumicash–Ecocash, fourmillent. Ils hèlent les gens en leur proposant leurs services. «Depuis les rumeurs de la fermeture de Econet Leo, nous ne faisons plus de transactions du service Ecocash” .Certains qui possèdent  encore la monnaie  électronique peuvent accepter les dépôts, mais mon ami et moi, nous n’en avons plus », confie la fille, désemparée. « Si tu as des électroniques, les super agents te donnent seulement une somme de 100 mille BIF », ajoute-t-elle. « Avant, on pouvait avoir une commission de 500 BIF par jour, mais maintenant, ce n’est plus le cas », renchérit le jeune homme. « Au début des rumeurs, il y a une semaine, nous pouvions recevoir un message qui vous annonce l’arrivée d’une commission et juste après on recevaits un autre te disant que la commission n’est plus valable parce que le client se trouve à un autre périmètre éloigné du tien. C’est là où on a commencé à comprendre qu’il y a un problème avec cette société »

La ruée vers les guichets d’Ecocash 

Du côté des autres agents, c’est toujours la même chanson. « Les services Ecocash n’existent plus. Peut-être de noms. Aucun agent ne va se risquer dans les transactions de ce service. » Ce mardi 31 janvier, les agents Ecocash ont fait un sit-in au siège d’Econet Wireless. Ils réclamaient leur argent puisqu’ils ne peuvent pas le retirer via leurs téléphones portables. « Nous sommes ici depuis hier pour retirer l’argent, mais ils refusent de nous le donner. Jusqu’à maintenant, nous faisons un sit-in et nous n’avons pas espoir que cela va changer. C’est dur, notre travail est en danger. C’est urgent qu’Econet nous donne notre argent pour subvenir à nos besoins », se lamente D.M, un jeune homme vivant des services Ecocash. « Mon solde électronique est de 1 907 500 BIF. Maintenant, c’est bloqué. Je ne peux plus travailler. C’était presque le temps de toucher nos commissions. Pour ma part, je préfère laisser ma commission et avoir mon argent. Qu’Econet se concerte avec l’OBR pour qu’il retienne au moins nos commissions. »

Graphique : Abonnés à la téléphonie mobile (1993 - 2019)Depuis la correspondance de l’OBR aux Tiers détenteurs, les agents Ecocash constitués pour la plupart des jeunes diplômés des écoles secondaires et universitaires ne savent à quel saint se vouer. « L’avenir est incertain », relève, un sourire désabusé sur les lèvres, un jeune homme œuvrant au centre-ville de la ville de Bujumbura. « Je suis chômeur depuis 3 ans. Comme je n’arrivais pas à trouver du travail, je me suis rabattu sur la vente des unités de recharge et des services Lumicash-Ecocash. Du coup, j’arrive à survivre en attendant d’être embauché », confie Jean Claude, la trentaine, détenteur d’un diplôme en psychologie clinique. « J’ai fait l’économie à l’université, mais trouver du travail est un parcours de combattant. Avec ce travail, j’assure tant bien que mal mes besoins vitaux. Mais avec ces problèmes à l’Econet Leo, l’avenir n’est pas radieux », indique Annette, 25 ans. Pour Jean de Dieu, habitant de Kamesa en zone Musaga et père de 2 enfants, la vie risque de se compliquer. « Avec les deux services à savoir Lumicash et Ecocash, je pouvais subvenir aux besoins de ma famille. Mais, je ne pense pas que je vais y arriver cette fois-ci. »
Actuellement, au Burundi, le marché des services financiers numériques est disponible sur  deux plateformes à savoir : Ecocash d’Econet Wireless depuis le 17 mai 2010 et Lumicash de Viettel Burundi depuis le 20 septembre 2016.

Selon le rapport annuel 2021-2022 de l’ARCT, le taux de croissance du chiffre d’affaires pour la période de 2020 à 2021 était de 11.07% tandis que celle de l’internet fixe est de 0.001%. Les emplois directs offerts par les opérateurs des télécommunications et fournisseurs d’accès
Internet avait connu une augmentation passant de 1187 à 1232, soit un taux de croissance de 3,79%.

Le taux d’utilisation des plateformes pour les services financiers mobiles était de 31% au 31 décembre 2021. A cette même période, le taux de pénétration de l’Internet était de 21.3%, et celui de la téléphonie mobile à 64,27%.

Ces services financiers numériques n’ont cessé de croître. Que ce soient les dépôts, les retraits ou encore les transferts. Du 1er trimestre 2020 au 2e trimestre 2020, selon le rapport du 2ème trimestre 2020 de l’Agence de Régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT), la moyenne mensuelle de la valeur des dépôts effectués est passée de 70 596 354 571 BIF à 88 751 056 005 BIF, soit une augmentation de 26 %. Les retraits par des clients enregistrés sont passés de 63 119 818 397 BIF à 77 464 046 949 BIF, soit une augmentation de 23 % et les transferts effectués de personne à personne sont passés de 59 808 944 304 BIF à 77 433 804 116 BIF, soit une augmentation de 29 %.


Eclairage/Laurent Ndayikeza : « L’autorité politique du pays a intérêt de prendre le dossier en main »

Au regard des difficultés auxquelles est confrontée Econet-Leo, Laurent Ndayikeza, expert en finance digitale, estime qu’une petite marge de manœuvre est encore possible si le gouvernement s’investit comme il se doit. 

Quels sont les scénarii possibles. L’entreprise peut-elle être remise sur pied ?

Dans l’état actuel des choses, je vois  3 scénarii envisageables. Comme 1er scénario : ECONET-LEO peut échouer  à négocier toute possible réduction d’arriérés après un calcul raisonnable du montant dû, mais réussit à négocier et avoir en accord de paiement en tranches de ces arriérés d’impôts, au total équivalent avoisinant 180 milliards de BIF si l’on considère le taux officiel du jour sur le marché parallèle. Ceci reviendrait d’accepter de payer plus de 2,1 milliards de BIF de taxe par mois en plus d’autres taxes légales pendant les 7 ans (soit 84 mois) qui restent pour que sa licence arrive encore à sa fin. Une situation peu envisageable, car elle contraindrait l’entreprise à ne plus fonctionner.

2ème scénario: ECONET LEO réussit à négocier une réduction après un calcul correct et raisonnable (qui évite trop de pénalités) et paye le dû, tout en obtenant que le montant dû soit baissé. A ce niveau, je doute qu’il y ait une autorité fiscale qui aurait la force et le poids technique et politique pour oser promettre clôturer ce dossier par un quelconque accord qui aboutirait à la réduction de cette taxe. Au cas où ce miracle survient, le dossier ressusciterait avec plus de rigueur et de possibles accusations de corruption (fondées ou non) des autorités fiscales de l’Etat. Un scénario donc peu probable vu la nature, la lourdeur du dossier et l’état d’évolution de la procédure de recouvrement.

Comme troisième scénario: chacune des banques et institutions de microfinance ayant reçu l’instruction s’exécute et transfère la totalité du montant domicilié sur le compte de CASAVA FINTECH Ldt sur les comptes de l’ARCT de la BRB, tel que cela est instruit. Dans ce cas de figure, aucune des banques / institutions de microfinances ne pourra oser exécuter tardivement cette instruction. Tout comme,  celle qui ne le ferait pas serait considérée comme débitrice directe, selon la lettre de l’OBR, à moins qu’elles n’aient une instruction contraire de nature juste à retarder l`exécution.  Par ailleurs, aucune de ces institutions ne peut s’interposer entre l’Etat et un opérateur de télécommunication en conflit fiscal. Il faut noter que la lettre de l’autorité fiscale ne précise pas que cela concerne seulement les comptes courants (de fonctionnement) et non les comptes de transit communément appelé « Trust Account ». Pour ce, il est fort probable donc que cela soit fait et sur tous les comptes.

Quels sont les risques qu’encourt le secteur de vente de de la« monnaie  électronique » si jamais  cette instruction vient à être appliquée ?

Les partenaires des affaires sur ECOCASH (agents et super agents) qui sont les meilleurs acteurs du secteur, une fois qu’ils seront au courant de l’information, tous les agents se présenteront en masse pour retirer leur argent. Une peur panique qui gagnera en retour leurs clients finaux. Une situation à redouter au vu des files indiennes au siège de la société. Dans ce cas de figure, ECONET n’aura pas l’argent suffisant pour les rembourser ou cherchera par tous les moyens quitte à rembourser le maximum de demandeurs histoire de sauver la face et garder un peu de confiance avec toutes les conséquences sur sa trésorerie. Dans tous les cas, le scénario 3 est le plus plausible. CASSAVA FINTECH Ltd court donc le risque très élevé de fermer ses portes en fermant la plateforme ECOCASH, au moins temporairement, si le traitement du dossier reste technique.

Comment prévenir cette situation ?

Pour éviter que le pire arrive, étant donné que cela n’arrange ni l’une ni l’autre des deux parties en conflit ni même la population burundaise, les parties doivent négocier pour trouver un compromis gagnant-gagnant. Et par partie Etat, l’autorité politique et pas fiscale.

Quels sont des risques qu’encourt en retour ECONET (Compagnie des Télécom propriétaire de CASSAVA FINTECH Ltd) ?

Il est difficile de différencier le risque qu’encourent  ECONET et CASSAVA FINTECH (Exploitant la marque ECOCASH) dans ce dossier. Les deux sociétés sont en effet intimement liées quoiqu’elles aient deux personnalités juridiques différentes. A ce niveau, je déplore le fait que la gouvernance de ECONET n’a jamais visiblement bien séparé la branche voie (ECONET), et celle Mobile Money (ECOCASH). Un grand problème, car, la pratique, la régulation l’exige. Dans pareille situation, le DG de CASSAVA FINTEC Ltd devrait apparaître, défendre sa cathédrale. Ce qui n’est pas le cas. Et, un grave problème de gouvernance, avec tout ce que cela comporte comme conséquences.

En cas de fermeture, quid des conséquences sur l’économie burundaise ?

Au bout du compte, l’Etat court le risque de ne garder qu’un seul opérateur dans le secteur des télécommunications, presque sans concurrence. Dans pareille situation, la dépendance du pays à un seul opérateur est naturellement mauvaise. Les risques, c’est que ce dernier aura tendance à  dicter  sa loi sur les prix, la qualité et pourquoi pas taxation du secteur. Nous pensons que si le pire arrive, le futur monopoleur du secteur respectera difficilement ou pas du tout les instructions de son régulateur en termes de prix, de qualité de services, de taxation, etc. Que ce soit sur le mobile money ou sur les appels. En effet, le monopole est naturellement mauvais, car il ne favorise pas l’innovation qui est un avantage résultat du jeu de la concurrence.

Une suggestion ?

Je demande à l’autorité politique du pays de prendre le dossier en main et de ne pas considérer cet opérateur comme une entreprise « incivique » qui n’a jamais honoré ses engagements vis-à-vis de l`Etat après tant d’années. Surtout, d’enclencher un dialogue de nature à trouver une solution qui garderait l’opérateur sur le marché, tout en privilégiant une approche gagnant-gagnant. Ce, sur base de la taxe de départ avant les pénalités. Je pense que ceci donnera la chance à la population burundaise et à l’économie toute entière de continuer à jouir des avantages directs et indirects (en termes de revenus et d’emplois) que génère cet opérateur (sa branche CASSAVA FINTECH), et de ceux d’une concurrence bien encadrée. Plus que tout, ceci éviterait aussi bien évidemment de nuire à l`image du pays pour attirer des investisseurs dans tous les secteurs de la vie du pays sur notre marché.

 Tout ceci dans quel but?

L’idée derrière c’est de faire feu de tout bois pour que dans l’avenir la transparence dans le traitement de ce genre de dossiers soit une règle.  Idem pour la transparence fiscale. A cet effet, l’autorité compétente devrait exiger toutes les entreprises de publier (dans les journaux officiels) leurs états financiers comme c’est le cas actuellement dans le secteur bancaire (une très bonne évolution) pour limiter au maximum les risques de pénalisation des entreprises en retard de paiement. Ailleurs, même les salaires des DG des grandes entreprises sont connus du public. Une bonne chose, car, cela permet d’éviter des enrichissements illicites (cas de trafics d’influence ou corruption).

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Kanda

    Et voilà que article et surtout l’expert éclaireur préconise[nt] le paiement de l’impôt de base sans pénalités. En peu de mots et en ma compréhension de personne ordinaire, c’est le remboursement d’un un crédit sans intérêt sur plus de 8 ans [si l’on part de 2014] et encore qu’il sera payé dans le futur [on ne sait pas encore sur combien d’années].
    Je ne suis pas totalement opposé un arrangement à l’amiable, je suis aussi opposé à la fermeture Compagnie, pour tout ce qu’elle représente pour l’économie nationale [mais en réalité elle représente beaucoup plus à ses actionnaires et à ceux qu’elle a engraissés indignement pour se passer de payer à temps ce qu’elle devait au Fisc: encore une fois, ils se sont partagés l’argent du Peuple].
    Cet arrangement est bien injuste pour la simple raison que le consommateur des services Econet, le citoyen burundais quand il prend un crédit de 10 millions de Francs Burundais auprès d’une banque de la place à rembourser sur 7-8 ans, crédit qu’il contracte pour un but non commercial, avec les taux pratiqués par les banques qui sont atour de 17%, au bout de 7-8 ans, il rembourse quasiment le double, soit autour de 20 millions. C’est à ce même citoyen burundais qui a d’ailleurs déjà payé dans les prépayés Econet, que vous demandez de devenir un financier à 0% d’intérêt à une Entreprise commerciale qui réalise des profits sur des années.

    • Stan Siyomana

      @Kanda
      1. Vous ecrivez:« avec les taux pratiqués par les banques qui sont atour de 17%, au bout de 7-8 ans, il rembourse quasiment le double… »
      2. Mon commentaire
      En fait, a ce taux d’interet,il rembourse le double apres seulement 4,25 ans.
      « La règle de 72 est un version simplifiée du calcul des intérêts composés!
      Si un capital est placé avec un taux d’intérêt de t% par période (en général, années), il faut 72/t périodes pour le doubler…
      Cette règle remonte à la Renaissance. 70 serait plus réaliste, mais 72, légèrement pessimiste, favorise le calcul mental… »
      https://www.mieuxinvestir.ca/finances_personnelles/la-regle-de-72-doublez-votre-argent/
      « Answer:
      It will take 4.24 years
      to double your investment
      at 17% annual interest.
      (actual years = 4.41).. »
      https://www.calculatorsoup.com/calculators/financial/rule-of-72-calculator.php

    • Stan Siyomana

      @Kanda
      Il faudrait preciser le remboursement mensuel qui fera que quelqu’un rembourse le double de ce qu’il a emprunte apres ces 7-8 ans.

      • Kanda

        Voilà que vous enfoncez bien le clou dans mon sens et Merci! Je ne tiens pas aux calculs précis. Je veux simplement revenir sur cette injustice: le consommateur s’endette auprès des banques et paie avec des intérêts faramineux, mais une entreprise commerciale qui a ’emprunté’ chez le consommateur [Econet Wireless a gardé -jusqu’à ce jour- les impôts que le Consommateur a déjà payés dans les prépayés sur plus de 8 ans] s’en sortirait sans payer quoi que ce soit [exemption des pénalités que l’éclaireur demande pour elle]; Et la base sera payée dans le futur. Ce qui fera un crédit sans intérêt sur plus de 10-15+ pour une entreprise commerciale.

    • Nihatari

      Dans le cas de Econet vs OBR, on parle de pénalités de 20% PAR MOIS. Cette somme est astronomique.

      A mon humble avis, les négociations devraient se pencher vers un taux de pénalité annuel raisonnable

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