Le Président Ndayishimiye a donné 15 jours au ministre du Commerce pour stabiliser les prix. L’annonce a suscité beaucoup de réactions étonnées. Iwacu a interrogé Jean Ndenzako, professeur d’universités et ancien économiste à la Banque mondiale, à la Banque Africaine de Développement notamment. Pour ce spécialiste l’annonce est irréaliste. Pour lui, toute politique anti-inflationniste efficace nécessite un diagnostic approfondi des causes de l’inflation.
Par Antoine Kaburahe
Pourquoi l’injonction faite au ministre du Commerce choque les économistes ?
C’est vrai. L’injonction présidentielle ordonnant au ministre du Commerce de stabiliser les prix en quinze jours a provoqué une onde de choc dans la communauté des économistes. Cette réaction s’explique par plusieurs raisons fondamentales qui mettent en lumière la complexité de la gestion macroéconomique.
Premièrement, l’inflation est un phénomène monétaire complexe qui ne peut être maîtrisé par simple décret. Elle résulte de l’interaction de nombreux facteurs macroéconomiques interdépendants. La masse monétaire en circulation, les fluctuations du taux de change du franc burundais, le niveau de la production nationale, la dynamique du commerce international, et les anticipations des agents économiques sont autant de variables qui influencent directement le niveau général des prix. Une approche administrative ignorant ces mécanismes fondamentaux ne peut qu’échouer à résoudre durablement le problème.
Deuxièmement, les prix jouent un rôle crucial dans l’économie de marché : ils constituent des signaux qui orientent les décisions des producteurs et des consommateurs. Lorsque les prix augmentent, ils indiquent généralement une rareté relative ou une hausse des coûts de production qu’il faut traiter à la source. Une intervention administrative brutale sur les prix, sans traiter ces causes sous-jacentes, crée inévitablement des distorsions économiques. L’histoire économique mondiale regorge d’exemples où le contrôle autoritaire des prix a engendré des pénuries, favorisé l’émergence de marchés noirs et aggravé les déséquilibres qu’il prétendait corriger.
Troisièmement, la stabilisation des prix nécessite une action coordonnée entre plusieurs institutions économiques clés. La Banque Centrale du Burundi, en tant que gardienne de la stabilité monétaire, le ministère des Finances, responsable de la politique budgétaire, et le ministère du Commerce doivent agir de concert dans le cadre d’une stratégie cohérente. La focalisation sur le seul ministre du Commerce révèle une méconnaissance des mécanismes institutionnels nécessaires à une lutte efficace contre l’inflation.
Selon vous, en 15 jours, on ne peut pas imprimer une nouvelle stratégie à une politique économique ?
L’idée qu’une nouvelle stratégie économique puisse être conçue et produire des effets en quinze jours relève d’une vision simpliste des politiques économiques. Cette impossibilité s’explique par plusieurs facteurs structurels inhérents à la conduite des politiques macroéconomiques. En premier lieu, toute politique anti-inflationniste efficace nécessite un diagnostic approfondi des causes de l’inflation.
Ce diagnostic implique une analyse minutieuse des données économiques, l’identification précise des canaux de transmission de l’inflation, et une compréhension fine des spécificités structurelles de l’économie burundaise. Ce travail d’analyse, indispensable à la formulation de réponses appropriées, requiert du temps et ne peut être bâclé sans risquer de graves erreurs de politique économique.
Par ailleurs, la mise en œuvre concrète des mesures anti-inflationnistes exige une préparation technique détaillée et une coordination institutionnelle complexe. Les différents services de l’État concernés doivent élaborer des procédures, mettre en place des mécanismes de suivi, et s’assurer de la cohérence de leurs actions. Cette phase opérationnelle nécessite plusieurs semaines, voire plusieurs mois de travail.
Un autre élément crucial est le temps d’adaptation nécessaire aux agents économiques. Les ménages, les entreprises et les institutions financières ont besoin de temps pour comprendre les nouvelles mesures, ajuster leurs comportements et réviser leurs anticipations. La précipitation dans ce domaine peut créer de la confusion et susciter des réactions contre-productives.
Enfin, il faut prendre en compte les délais de transmission des politiques économiques. Les effets des mesures monétaires et budgétaires ne se manifestent généralement qu’après plusieurs mois. Par exemple, une hausse des taux d’intérêt peut prendre 6 à 18 mois pour produire pleinement ses effets sur l’inflation.
Mais on peut comprendre que le chef de l’Etat souhaite un changement visible et rapide. D’après vous, quelles seraient les trois actions prioritaires à mener ?
Certaines actions prioritaires peuvent être envisagées pour obtenir des résultats à relativement court terme. Voici une analyse détaillée de ces mesures :
1° une intervention stratégique sur le marché des changes
La première action prioritaire consiste en une intervention musclée de la Banque Centrale sur le marché des changes. Dans une économie fortement dépendante des importations comme celle du Burundi, la dépréciation de la monnaie nationale est un facteur majeur d’inflation. Une stabilisation du taux de change peut produire des effets relativement rapides sur les prix des produits importés, avec des résultats visibles en un à deux mois.
Cependant, cette intervention doit être soigneusement calibrée. Elle nécessite des réserves de change suffisantes pour être crédible et durable. La Banque Centrale devrait également mettre en place un mécanisme de surveillance pour éviter la spéculation sur le franc burundais. Cette action devrait s’accompagner d’une communication claire sur la stratégie de change pour rassurer les marchés.
2° une politique monétaire restrictive ciblée
La deuxième action prioritaire relève de la politique monétaire. Une augmentation significative des taux directeurs de la Banque Centrale peut contribuer à maîtriser l’inflation par plusieurs canaux. Elle renchérit le crédit, ce qui modère la demande globale. Elle renforce également la crédibilité de la politique anti-inflationniste et peut influencer positivement les anticipations des agents économiques. Les effets de cette mesure sur la demande se manifestent généralement en trois à quatre mois. Toutefois, l’impact sur les anticipations d’inflation peut être plus rapide, particulièrement si la mesure s’accompagne d’une communication efficace. Il est crucial de calibrer soigneusement la hausse des taux pour ne pas étouffer excessivement l’activité économique.
3° des mesures ciblées d’approvisionnement
La troisième action prioritaire concerne la gestion de l’offre de produits essentiels. Elle comprend plusieurs volets :
– Le déblocage rapide des stocks stratégiques pour les produits de première nécessité
– La simplification temporaire des procédures d’importation pour certains produits clés
– La mise en place de circuits d’approvisionnement courts pour les produits alimentaires de base
Ces mesures peuvent produire des effets visibles sur certains prix en un à deux mois. Elles doivent être accompagnées d’un système de surveillance pour éviter les comportements spéculatifs et garantir que les baisses de coûts sont effectivement répercutées sur les prix à la consommation.
Enfin, quel est le risque majeur de ce genre d’annonce ?
L’annonce d’une stabilisation des prix en quinze jours comporte plusieurs risques majeurs pour l’économie burundaise et la crédibilité des institutions. La perte de crédibilité institutionnelle constitue le premier risque sérieux. Lorsque les autorités s’engagent sur des objectifs manifestement irréalistes, elles compromettent la confiance des agents économiques. Cette confiance est un capital précieux dans la conduite de la politique économique. Sa détérioration peut compliquer durablement la mise en œuvre de futures politiques économiques, même lorsque celles-ci sont bien conçues. Les investisseurs, tant nationaux qu’internationaux, peuvent interpréter ce type d’annonce comme un signe d’amateurisme économique préjudiciable.
Le deuxième risque majeur concerne l’émergence de comportements spéculatifs. Face à une annonce peu crédible, les agents économiques peuvent anticiper l’échec des mesures et adopter des comportements qui aggravent la situation. On peut ainsi observer :
– Une accélération des achats de précaution
– Une rétention de stocks par les commerçants
– Une dollarisation accrue de l’économie
– Une augmentation préventive des prix par les entreprises
La déstabilisation des marchés représente le troisième risque significatif. L’annonce peut déclencher des mouvements de panique, notamment :
– Des ruées sur certains produits de base
– Des retraits massifs de dépôts bancaires
– Une fuite accélérée vers les devises étrangères
– Un gel des décisions d’investissement
Bref, c’est complètement contre-productif ?
La précipitation dans la mise en œuvre des mesures anti-inflationnistes peut conduire à des erreurs graves de politique économique. Des mesures mal calibrées ou mal séquencées peuvent aggraver les déséquilibres existants et créer de nouveaux problèmes : pénuries, marchés parallèles, perte de recettes fiscales, détérioration du climat des affaires. La restauration de la stabilité des prix exige une approche méthodique, graduelle et coordonnée, incompatible avec l’urgence décrétée.
pour bien stabiliser les prix il faut diminuer le coût du dollar sur le marché noir, avoir du carburant facilement, diminuer le coût des impôts et taxes, faciliter les moyens d’avoir le dollar dans les banques et essayer de diminuer les prix de tous les biens et services car par exemple :on ne peut pas diminuer les prix des biens alimentaire sans diminuer le prix de déplacement
Maintenir un taux de change à la BRB :bif 2800 pour $usd 1 alors que le prix réel est de bif 7200. C’est de la folie, de l’irresponsabilité.
Ayo mahera aronka ibihangange.
le FMI, La Banque mondiale et toute personne sensée barasemereye
Il y a une interview virale du président de l’Assemblée Nationale s’attaquant à la diaspora du Canada.
Plaçons là dans l’optique de l’hyper inflation qui tue le pays
Cher Kibinakanwa
Ce qui est stupéfiant, c’est que ces personnes vivant dans des tours d’Ivoire croient ce qu’ils disent.
Ikibi nuko les courtisans ne lui font jamais écouter ces extraits qui font le tour du monde.
Un certain Bunyoni aurait tenu le même langage 6 mois avant
Bref, les carottes sont cuites! La personne qu’il faillait aller voir c’est le patron de la BRB, pas la pauvre ministre de commerce. Y a t’il un pilote dans l’avion?
Best of luck a tous les Burundais qui ont des BIF!
« La perte de crédibilité institutionnelle constitue le premier risque sérieux » Faudrait t -t-il se poser cette question ?En ont ils!!! Très bonne analyse de l’économiste qui en une page décrit les maux de l’économie burundaise et les remèdes pour y faire face. Le président devrait chercher ces pépites qui ont fait leurs carrières dans les institutions internationales(économistes, agronomes, fiscalistes, médecins…),mercenaires selon « une grande autorité » et les nommer au Conseil Economique et Social, pour profiter de leurs expertises acquises . Sinon 15 jours c’est du pur populisme mais pour convaincre qui? Mpanda(lettre morte..),exploitation minière…..des jérémiades. Merci au journal Iwacu pour toutes ces contributions de haute qualité pour faire avancer le pays, mais comme on dit en kirundi « Uwutosora ifuku yamizako). Mais faudrait-il qu’ils lisent tout cela !!!! Je n’en suis pas certain.
1. Mwanditse muti:« la stabilisation des prix nécessite une action coordonnée entre plusieurs institutions économiques clés… »
2. Ico ndabivuzeko:
a. Muri video (1:06:34 – 1:06:40) y’ikiganiro umukuru w’igihugu yagiraniye n’abanyagihugu, Gabriel Rufyiri arongoye OLUCOME yabajije ati:« Jewe sintahura gushika n’uno munsi, jewe sinzi kweli umuntu atwara Conseil economique et social, sindamutora… ».
Nyakubahwa umukuru w’igihugu yamwishuye ati (1:11:58 – 1:12:14): « Abivuze gutyo, jewe kuva ntanguye amabanga nta raporo ya Conseil economique et social ndabona mugabo ndaziko iriho. Ntayo ndabona. Nibo bambere baba bakwiye kumpanura bati gira uku n’uku… »
https://www.youtube.com/watch?v=4FRWVsq2Jm8&t=4341s
b. Mumezi yahera narigeze kumva ibiganiro vya Dr. David Ndii wo muri Kenya yari Chair of Presidential Council of Economic Advisors.
https://ntvkenya.co.ke/news/david-ndii-appointed-chair-of-presidential-council-of-economic-advisors/
Merci @Stan,
C’est vraiment triste d’entendre un president dire que il n’a jamais lu un rapport de ses conseillés économiques juste après avoir fait une longue discours dans laquelle il se plaint des technocrates qui ne font pas leur travail. J’ai du mal à croire qu’il y a pas des rapports quelques part entrain d’accumuler la poussière. Il se fait passer pour un victime car il n’a pas l’humilité d’écouter ce que disent les spécialistes!
Je ne sais pas comment on peut travailler pour un tel homme avec la mentalité de « Mr Je connais tout ». Par exemple, l’humiliation de la ministre de commerce en lui posant des questions sachant le dossier est complexes pour donner la réponse dans quelques phrases.
Observez comment il décrit cette fiction des gens(les banques, etc,…) qui gardaient l’argents dans leur coffres. En général cela aurait produit une déflation. Ce qui est le contraire de se qui se passe au Burundi chaque année. Du moins si vous acceptez que l’inflation est une grande quantité de monnaie qui pursuit une quantité de biens et services bien limités! Cela montre à quel point il ne méprise pas du tout le sujet. Et d’ailleurs, est ce que ces gens garde illégalement ces billets? Si oui, combien sont en prison? C’est cela qui vraiment frustre quand on l’écoute parler.
Quelle mauvaise pièce de theatre! Mr le président répète les mêmes histoires, tous les jours, toutes les années, etc… mélange la politique à la religion!
Au fait Mr Stan, auriez vous la connection de cette video dont Mr Kibinakanwa ci-haut? Merci de le poster si possible.
Encore une fois, merci.
@stan,
Pas besoin de poster le video. Je suis tombé sur un jeune homme qui fait un bon travail d’analyse de ce discours:
https://www.youtube.com/watch?v=t1BrAffPVNE
Vraiment triste. Tout ce que je peux dire!
Bon, une autre année nous arrive. Je peux que souhaiter une bonne santé à vous tous, à tous les hommes & femmes d’iwacu journal/group, surtout ceux qui se trouve au Burundi. Le reste, aussi longtemps que l’on est en bonne santé, le combat continue! Bonne & heureuse année de 2025!
@Jean Pierre
Iyo video ni « Umukuru w’inama nshingamateka avuze amarushwa abarundi bagorewe muri diaspora| NTA BUKENE MU GIHUGU… »
https://www.youtube.com/watch?v=ze9ianDuCR4
Tant qu’il n’y a pas de bonne gouvernance et combattre les pots de vins,ça continuera…………….pas de solutions