Lundi 15 juillet 2024

Société

Eaux thermales de Mugara, le « Bethesda » burundais

14/07/2024 0
Eaux thermales de Mugara, le « Bethesda » burundais
La principale piscine des eaux thermales de Mugara

Relaxation, « guérison » de certaines maladies, … les eaux thermales de Mugara en commune Rumonge, attirent du monde. Des locaux, des étrangers fréquentent cet endroit. Des témoignages sur place affirment que ces eaux ont toute une variété de vertus.

Nous sommes en zone Gatete, colline Mugara, province de Rumonge. Une région où dominent des plantations de palmier à huile et très verdoyante. C’est là que se trouvent les eaux thermales de Mugara. Pour y arriver, il faut bien retrousser les manches. A partir du chef-lieu provincial de Rumonge, on prend la route Rumonge – Nyanza-Lac, vers le sud du pays. Sur le tronçon, malgré son mauvais état et ses nids de poule, la route est goudronnée et praticable. Après avoir traversé la rivière Buzimba, on arrive sur la colline du même nom. Nous sommes à 12 km du chef-lieu provincial.

On bifurque alors vers la droite. Une route en terre battue, caillouteuse et poussiéreuse pendant la saison sèche. Elle est difficilement praticable pour les voitures. Manifestement, cette route avait été réhabilitée mais au fil du temps, les canalisations se sont bouchées. Le constat malheureux est qu’aujourd’hui, elle est en mauvais état malgré qu’elle mène vers un endroit très prisé. Six km de calvaire. Le chauffeur doit être prudent pour ne pas cogner des pierres pointues qui peuvent faire casser le radiateur ou crever les pneus de sa voiture.

A l’entrée de ces eaux thermales, des tarifs sont affichés. Les nationaux paient 2 000 BIF (de lundi à vendredi) et 3 000 BIF les week-ends. Pour les Africains, le prix d’entrée est de 20 000 BIF tandis que d’autres étrangers doivent débourser 10 dollars américains pour y accéder. Les locaux sont exonérés le matin et le soir après le départ des visiteurs venus d’autres coins.

A cet endroit, une grande piscine avec des carreaux a été aménagée. De petites piscines pour quatre à six personnes existent aussi. Un espace pour le massage a également été aménagé. Il existe aussi un autre endroit aménagé réservé exclusivement aux dames, aux veilles mamans de la localité et aux fillettes. Et c’est loin des regards masculins. Un investisseur privé y a déjà construit un hôtel.

Un lieu de guérison ?

« Quand nous sommes arrivés ici, mon père ne pouvait pas marcher. Il ne pouvait pas bouger ses bras. Mais, aujourd’hui, il peut s’asseoir, se peigner les cheveux, etc. Vraiment, cette eau lui a été d’une grande utilité », témoigne I.O, le fils d’un homme rencontré là en train de subir des traitements.

 

Préférant s’exprimer sous anonymat, ce natif de Ngozi affirme qu’il avait perdu tout espoir : « Mais, aujourd’hui, je me sens un peu mieux. J’ai de l’espoir qu’un jour je rentrerai guéri. »
Il fait savoir que son infirmité a progressé petit à petit « Au début, j’ai commencé par sentir des sortes de crampes au niveau du pied. Par après, il m’a été très difficile de marcher. Ce qui a plus tard affecté presque tous mes membres que ça soit les bras ou les jambes. J’ai consulté les médecins. J’ai pris des médicaments et subi des séances de rééducation physique », précise-t-il.

Il ajoute qu’après un certain temps, il s’est senti mieux et il est rentré chez lui. Mais, le phénomène a repris de plus belle. « C’est ainsi que des amis m’ont conseillé de venir ici et ça donne des résultats positifs. »

Il n’est pas le seul à se retrouver à cet endroit. Le prénommé Boris est par exemple là depuis un certain temps. Il est avec son petit frère qui est en train de subir un traitement. « Je vois qu’avec les massages qu’on lui fait après une baignade dans ces eaux, il peut aujourd’hui faire bouger ses bras et s’habiller. Cela me donne de l’espoir qu’il va encore une fois marcher comme avant. »

Des vertus qui sont reconnues

D’après lui, avant, son petit frère était normal. Il avait même commencé l’école. « Mais, au fur et à mesure, ses jambes ont commencé à perdre de la force, ses bras aussi. On est parti chez les médecins. Il a subi beaucoup de séances de kiné. Il est arrivé même qu’on lui achète des béquilles. Mais, à un certain moment, il a été incapable de les utiliser. Finalement, mon père a décidé de l’amener ici. », témoigne-t-il.

Boris ne doute plus que ces eaux thermales ont des vertus médicinales. Ce qui est confirmé par Alexis Ndayisaba, alias Bonne Idée, chef des masseurs à ce site touristique. Il affirme qu’ Oscar Nduwimana et cet enfant sont arrivés-là dans un état critique. « Mais, aujourd’hui, le constat est que leur état de santé évolue positivement. » Il ajoute par ailleurs qu’ils ne sont pas les seuls. « Il y a plusieurs personnes qui sont passées par ici. Des gens incapables de marcher, de conduire leurs véhicules à leur arrivée, mais qui, après des semaines de baignade, de massage, ils rentrent guéris. J’ai vu même des Tanzaniens et des Congo- lais venir ici et partir guéris. »

Pour rappel, dans une interview accordée à Iwacu, en 2021, Dr Pascal Nkurunziza, hydrogéologue avait affirmé que les eaux thermales ont des vertus médicinales. « Il y a beaucoup de sources d’eaux thermales en Europe et ailleurs qui sont exploitées pour des fins curatives. Il y a des traitements notamment de rhumatisme pour lesquels on peut effectivement utiliser ces sources. Ces eaux contiennent des éléments minéraux en concentration et même des oligoéléments dont le corps a besoin et qui, par osmose, peuvent pénétrer dans le corps humain. Ainsi, si on a des carences, on peut les combler à partir de ces eaux thermales. », avait-il souligné en effet.

Des locaux confirment

« Cette eau est vraiment très importante pour nous. Elle a un effet relaxant et rafraichissant. Après une journée de travail très chargée, quand tu t’y baignes le soir, tu dors bien. Tu ne te sens plus fatigué », confie N.A, une maman rencontrée sur place. Il en est de même quand vous vous y baignez le matin. Là, cette maman, la cinquantaine, indique que cette eau a, cette fois-ci, un effet énergisant. « Tu te sens en forme et tu deviens appliqué au travail.»

Interrogée sur ses qualités curatives, elle affirme qu’elle a déjà vu plusieurs personnes amenées sur vélos ou à bord de véhicules dans un état où elles sont presque paralysées. « Au début, le constat est qu’il leur est même difficile de bouger sans être aidées par quelqu’un. Même pour se baigner, on les transporte. Mais, après s’y être baignées pendant une semaine ou deux, nous constatons qu’elles commencent à marcher, à parler et à arti- culer. »

Elle fait savoir qu’on leur fait des massages chaque fois qu’elles sortent de la piscine. Et de préciser que pour les habitants de Mugara, l’accès est gratuit le matin et le soir.

« Un don de Dieu pas seulement pour les gens de Mugara mais aussi pour ceux de Rumonge et pour le pays », qualifie, pour sa part, Egide Ndikumana, natif de Mugara. Il affirme avoir vu plusieurs gens entrés dans ces eaux étant malades qui sont rentrés guéris. Il s’agit surtout des gens qui ont des problèmes des nerfs et de rhumatisme. « Cette eau a des qualités positives pour notre santé. », insiste-t-il. « Moi, j’ai déjà plus de six personnes. Une était presque paralysée. Pour se déplacer, on devait la mettre sur une chaise. Elle ne pouvait pas bouger et se tenir debout. Ses membres, que ce soit les bras ou les jambes, étaient tétanisés. Elle s’est baignée dans cette eau pendant trois semaines, et elle a commencé à bouger. »

Il évoque un autre cas où un visiteur ne parlait même pas. « On disait qu’il avait un problème des nerfs au niveau de la tête. Mais, après quelques jours, sa langue s’est déliée, il a commencé à parler. »

Il signale que c’est aussi une source de revenus pour la commune et la province de Rumonge. « L’entrée est payante pour les touristes. Les étrangers paient même en devises. » Même les hôteliers et les commerçants en profitent. En effet, explique-t-il, ceux qui viennent de loin pour le loyer ou pour des soins curatifs ont besoin des chambres pour leurs séjours.

Des insolites aussi

A Mugara, la croyance populaire évoque d’autres vertus qu’aurait cette eau. « On raconte depuis longtemps que cette eau efface le mauvais sort. Par exemple, les filles qui n’ont pas trouvé de fiancés viennent se laver avec cette eau et ainsi elles se purifient des mauvais sorts », témoigne M.Ndikumana.

Une affirmation difficile à vérifier mais qui est très répandue dans cette localité. « C’est vrai. Cette eau efface les mauvais sorts », soutient un autre habitant de la localité qui évoque aussi des histoires d’augmenter la libido chez les femmes. Cependant, sur place, des femmes et des jeunes filles interrogées semblent hésitantes à répondre à cette question : « On ne sait pas. Il faut demander aux hommes. Seulement, je viens au moins quatre fois par semaine m’y baigner le soir avant de dormir », confie une jeune femme de la localité, la trentaine.

Elle affirme néanmoins que cette eau aide beaucoup les femmes qui viennent de mettre au monde. « Après l’accouchement, presque toutes les femmes viennent se baigner ici. C’est un massage naturel.»

Des choses à améliorer à cet endroit

« Il faut vraiment qu’il y ait une route goudronnée qui mène à cet endroit. En effet, je sais qu’il y a beaucoup de gens qui aimeraient venir ici mais quand ils apprennent l’état de la route, ils changent d’avis. Quand tu quittes la route goudronnée, c’est vraiment un vrai calvaire pour les voitures. Seuls les Jeeps et les voitures de type Hilux peuvent s’y aventurer », plaide Egide Ndikumana. Il trouve qu’il faut aussi construire beaucoup d’hôtels. « Ici, il y a déjà deux petits hôtels. Mais, à voir le nombre de visiteurs, ce n’est pas encore suffisant. Leur multiplicité ferait que les prix soient abordables. », estime-t-il.

Pour rendre plus vivable cet endroit, il trouve qu’on devrait aussi avoir un bar-restaurant au vrai sens du terme. Car, explique-t-il, il y a des gens qui viennent ici mais qui manquent de quoi manger ou boire. « Or, à la sortie de cette eau, tu dois être affamé et avoir soif. Mais, on trouve qu’il n’y a ni de Fanta, ni de boissons ni de la bonne nourriture. »
Et pourtant, à l’entrée du site, des pancartes montrant différents plats servis y sont affichées.

Il souligne que des médecins sont aussi nécessaires. En effet, motive-t-il, trois ou quatre personnes sont déjà mortes dans ces eaux. D’après lui, c’est parce que les gens n’ont pas quelqu’un sur place pour leur dire comment s’y prendre. « Normalement, avant de s’y jeter, un médecin devait t’examiner et voir si tu n’as pas de maladies comme l’hypertension, le diabète ou un autre problème cardiaque, etc. »
Selon lui, un seul médecin ne suffit pas. Car, justifie-t-il, il arrive des jours où on accueille environ cinquante personnes voire plus.

Côté accoutrement, il trouve qu’il faut une certaine règlementation pour ne pas indisposer les gens. « En fait, Mugara n’est pas une ville. Il y a vraiment des hommes et des femmes qui viennent ici avec une tenue indécente. Cela indispose les gens. Ce n’est pas approprié à la culture burundaise.», déplore-t-il.

Une réclamation fondée selon un touriste venu de Bujumbura croisé sur place. Ce touriste réclame en outre plus de proprété : « Il y a vraiment des locaux qui y viennent avec des habits très sales. Sans doute que certains souffrent des maladies de la peau ou qu’ils ont des poux sur leurs corps. Oui, pour y entrer, on nous demande de payer. Il faut qu’ils soient alors conséquents avec la propriété. Il faut qu’on régule cela. »

Vers la modernisation

D’après Léonard Niyonsaba, gouverneur de la province de Rumonge, les eaux thermales de Mugara sont très importantes pour sa province et pour le pays. « Elles font entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. A titre individuel, ces eaux sont aussi d’une grande utilité. C’est déjà démontré qu’elles soignent beaucoup de maladies. »

Il informe que la province est en train de chercher des partenaires pour que cet endroit soit bien aménagé. « Il faut que les visiteurs aient à manger sur place, qu’il y ait de bons hôtels, etc. Nous voulons aussi qu’il y ait des médecins sur place pour qu’avant qu’un visiteur ne se jette dans cette eau, ils lui donnent des conseils sur comment le faire. »

D’après lui, les gens doivent normalement connaître leur état de santé avant d’y entrer. « Nous voulons que l’exploitation de ces eaux soit professionnelle. »

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