Déplorable, inimaginable, surprenant… Les réactions ont inondé la toile après l’aveu du Premier ministre sur l’achat et la conservation du maïs par l’ANAGESSA, ainsi que les magouilles dans l’importation des produits phytosanitaires (pesticides) et d’autres médicaments. Gervais Ndirakobuca a réaffirmé qu’il ne cesserait pas de dénoncer ceux qui « raflent » le trésor public. Un aveu qui a soulevé un tollé.
Par Pascal Ntakirutimana et Fabrice Manirakiza
« N’est-ce pas que le Premier ministre est investi de la puissance publique ? » C’est l’une des questions qui a défrayé la chronique ces derniers jours. Cela, après que Gervais Ndirakobuca, Premier ministre burundais, a tenu des propos cinglants sur les dysfonctionnements au sein de l’Agence nationale de gestion des stocks de sécurité alimentaire (ANAGESSA). C’était lors d’une réunion avec tous les intervenants du secteur agricole, le 5 juin 2024, à Ngozi, sur la préparation de la saison culturale 2024C et l’évaluation de la collecte et de l’achat de la récolte de maïs par cette agence.
Parmi ces dysfonctionnements figuraient, entre autres, le manque criant de produits phytosanitaires généralement appelés pesticides pour éviter la pourriture des graines de maïs, des magouilles dans l’octroi de permis d’importation de ces produits et le truquage de la balance lors de l’achat des graines de maïs. « Les médicaments que nous utilisions ne sont plus introuvables nulle part dans la région », a indiqué un cadre du ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage.
« Je vais le dénoncer, même si je dois partir »
« C’est vous qui achetez les graines de maïs. C’est vous qui délivrez les permis d’importation de ces produits phytosanitaires. Et vous nous dites que ces derniers ne sont pas encore disponibles. Vous savez, cette histoire de maïs peut vous causer des ennuis », a réagi immédiatement Gervais Ndirakobuca. Le Premier ministre a laissé entendre que tout cela était lié à l’« exclusivité » donnée par le même ministère aux personnes qui importent ces pesticides. « Laissez-moi dire des choses à votre place : il y a des magouilles dans votre ministère concernant l’octroi de l’autorisation d’importation de ces produits. C’est cela qui se cache derrière ce manque.
Si quelqu’un demande une dérogation spéciale au sein de votre ministère, ce n’est pas vous qui la donnez. C’est plutôt celui qui a l’exclusivité du marché. On lui demande d’abord : peut-on octroyer cette dérogation ? Si celui-ci constate qu’il peut risquer de perdre le marché, il verrouille le processus.
Ndirakobuca a insisté qu’il ne cesserait de dénoncer ces pratiques, aussitôt qu’il en tiendrait une information sûre et vérifiée. « Je vais le dénoncer, même si je dois partir. Je ne peux pas porter cette croix. Le problème serait que je parle de failles. Mais quand je sais que c’est la vérité, je n’hésiterai pas à le dénoncer. » Si cela ne change pas, a-t-il prévenu, le pays ne va nulle part. Par ailleurs, il s’est interrogé : pourquoi donner une exclusivité (monopole) à des gens alors qu’ils ne sont pas en mesure de rendre disponibles ces produits phytosanitaires ? Il faut, a-t-il chargé, donner le marché aux autres qui peuvent être à la hauteur.
« J’évite de les citer nommément, mais je les connais très bien »
Lors de cette réunion, le Premier ministre a avoué que ceux qui importent les médicaments au Burundi sont tous connus. « Il y a, par exemple, une autre société qui importe ces médicaments jusqu’à sa région natale. On vous dit que si tu ne passes pas par celui-là, les choses ne marchent pas. Mais si tu le côtoies, la livraison se fait facilement. » Et d’annoncer qu’il connaît très bien tous ces gens. « J’évite de les citer nommément, mais je les connais très bien. »
D’après le chef du gouvernement, il y a des propriétaires de sociétés qui commercialisent les médicaments mais qui sont devenus des commissionnaires pour une personne. Ces sociétés, a-t-il poursuivi, sont connues pour avoir un agrément dans la livraison des médicaments, mais elles s’approvisionnent quelque part chez cette personne. Pour Gervais Ndirakobuca, cette dernière personne s’approprie simplement l’argent parce qu’elle est celle qui a l’autorisation d’importer les médicaments. « Même si tu te rends à la maison mère pour t’approvisionner, on te dit niet, tu dois passer par quelqu’un. C’est dommage ! », a-t-il regretté.
Il n’a pas manqué de manifester une forme de crainte d’une nouvelle pourriture des graines de maïs au cas où rien ne serait fait. « N’achetons pas la récolte de maïs pour qu’elle finisse par pourrir dans les hangars alors qu’il y a toute une population qui a faim. Je demande au ministère de l’Agriculture de faire une auto-évaluation par rapport à ces gens à qui vous avez octroyé le marché d’importer des produits phytosanitaires. »
Pour rappel, l’ANAGESSA a été mise en place par le décret n°100/047 du 5 mai 2018 afin d’éviter une gestion disparate des stocks publics mais surtout de contribuer à la sécurité alimentaire. Rappelons également qu’en 2022, les graines de maïs collectées par l’ANAGESSA ont pourri dans les stocks. L’histoire de la mise en place d’une société (agence) de stockage et de commercialisation des produits vivriers ne date pas d’hier. Le gouvernement Bagaza avait tenté le même pari. Mais il avait échoué.
L’échec de la réglementation des prix
Sous la IIème République, le gouvernement avait créé une société paraétatique nommée Société de Stockage et de Commercialisation des Produits Vivriers au Burundi (SOBECOV). Elle entra en fonction le 5 mai 1978. Dans un livre intitulé Commerce et développement : quelle politique pour l’État par rapport au secteur commercial ?, publié dans la revue universitaire Cahiers du CURDES en juin 1983, Bernard Taillefer indique que la SOBECOV avait pour objectifs : approvisionner les régions déficitaires en produits agricoles et régler les prix des produits agricoles.La SOBECOV n’a pas réussi à atteindre ses objectifs en raison de sa faiblesse financière et d’une mauvaise politique d’investissement. Selon Taillefer, les activités de la société étaient limitées à la commercialisation de quatre produits agricoles en faibles quantités. Cette limitation résultait de l’insuffisance de fonds, de difficultés à obtenir des crédits bancaires et de l’absence de capacité de stockage.Mathias Sinamenye, économiste et ancien vice-président de la République, souligne dans un article publié en juin 1982 dans la même revue, La politique des prix agricoles au Burundi, que la SOBECOV a fixé des prix agricoles abusivement bas, ce qui a favorisé la consommation mais a été boudé par les producteurs. Cette politique a conduit à une pénurie et à de la spéculation, ce qui a forcé le gouvernement à suspendre la réglementation des produits vivriers le 25 octobre 1978.Sinamenye conclut que cette tentative de réglementation était condamnée d’avance à cause de la faible production réelle dans le pays, de la contradiction avec la politique de promotion rurale et de la difficulté de contrôler l’application des mesures de régulation des prix.
Réactions
Faustin Ndikumana : « Les deux maux à la base de tout sont la corruption et une crise du leadership. »
Faustin Ndikumana, directeur exécutif de Parcem, constate que le Premier ministre passe aux aveux d’une situation qui s’est détériorée depuis longtemps. « Il fait beaucoup de mea culpa sur plusieurs cas liés à la mauvaise gouvernance de l’administration publique. C’est une avancée, certes, mais ses aveux viennent de plus en plus tard. L’essentiel est que le gouvernement prenne des mesures pour rectifier le tir. »
Ndikumana souligne qu’ils ont déjà crié haut et fort que l’ANAGESSA, en ignorant les lois économiques les plus élémentaires de l’offre et de la demande, n’a pas sa raison d’être. Il appelle à la suppression de l’ANAGESSA qui fausse les fonctionnements des règles économiques universellement reconnues.
« On continue actuellement de traiter les symptômes d’un problème au lieu de chercher les causes profondes. Les deux maux à la base de tout sont la corruption qui gangrène tous les secteurs de l’administration et une crise du leadership qui a perdu son sens de l’État. » Selon lui, sans s’attaquer sérieusement à la corruption et à cette crise du leadership, le Burundi continuera de se dégrader.
Gabriel Rufyiri : « C’est très grave ce que nous constatons ces jours-ci. »
Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, note que le Premier ministre a un franc-parler et prend des décisions, mais il insiste sur la nécessité de mesures concrètes. « Nous voyons une tendance à accepter les dénonciations comme normales, notamment par les hautes autorités de l’État. Il est crucial que des décisions claires soient prises pour protéger la chose publique. »
Selon lui, l’ANAGESSA et d’autres personnes impliquées manquent de technicité et de procédures adéquates pour gérer les achats et la conservation du maïs. Il appelle à une meilleure organisation et à la prise de mesures concrètes pour corriger ces dysfonctionnements.
Hamza Venant Burikukiye : « Attendons voir »
Le représentant légal de l’Association Capes+, Hamza Venant Burikukiye, considère que les propos du Premier ministre sonnent comme une mise en garde et un engagement exceptionnel à dénoncer une situation de débordement. Il espère que des actions imminentes suivront ces dénonciations.
Kefa Nibizi : « Les propos du chef du gouvernement montrent un certain blocage. »
Kefa Nibizi, président du parti Codebu, estime que les propos du Premier ministre reflètent un certain malaise et un blocage contre lui. Il s’interroge sur les raisons de ce blocage et appelle à des actions concrètes pour redresser la situation.
Il critique la création de l’ANAGESSA, soupçonnant des intérêts cachés de certaines personnalités et soulignant l’inefficacité de l’agence à bien conserver le maïs. Il recommande la dissolution de l’ANAGESSA et la libéralisation du commerce du maïs.
Aloys Baricako : « C’est à la population de se lamenter et de dénoncer, et c’est à l’autorité de prendre des mesures. »
Aloys Baricako, président du parti Ranac, trouve déplorables les dénonciations sans sanctions du Premier ministre. Il insiste sur la nécessité d’une action judiciaire et d’une utilisation de la puissance publique pour résoudre ces dysfonctionnements.
Il remet en doute l’existence de l’ANAGESSA et appelle l’État à se retirer du commerce du maïs pour se concentrer sur des secteurs plus stratégiques comme le café, le coton et le thé.
Patrick Nkurunziza : « C’est inacceptable »
Patrick Nkurunziza, président du parti Frodebu, trouve que les propos du Premier ministre montrent une incohérence et une incapacité à sanctionner les criminels économiques. Il appelle à des actions concrètes contre les intervenants fautifs et à la dissolution de l’ANAGESSA pour repenser cette politique en consultation avec la population et les parties prenantes.
Gabriel Banzawitonde : « Il faut que le gouvernement agisse »
Gabriel Banzawitonde, président du parti APDR, constate la gravité de la situation économique du Burundi et appelle le gouvernement à agir conformément à la loi pour résoudre ces défis. Il insiste sur la nécessité de trouver des solutions et de communiquer l’état d’avancement des mesures prises.
Il invite le gouvernement à organiser des réunions d’urgence avec toutes les catégories sociales pour trouver une issue et appelle les électeurs à voter sur la base des programmes en 2025-2027.
Au Burundi actuel, dans l’exécutif ou plutôt au sommet de l’exécutif, plus fort que le Premier Ministre, il n’y a qu’un, c’est sérieux… Il y a Problème d’Homme’ et ou l’Homme pose Problème.
Vous achetez du maïs produit à la sueur du front s’un paysan d’une république bananière la plus pauvre du monde.
Une entreprise étatique gérée pas des incapable fait pourrir ce maïs.
Ou sommes nous?
Haïti ou Somalie?
Pauvre Burundi
A ce jour, le Burundi a un problème, la tête, elle est pourrie et ceux qui pourraient/voudraient bien agir ont les mains et pieds liés au nom du ‘Système’. Mr je connais tout, je m’en charge personnellement est une (…) censuré car le mot peut-être considéré comme une insulte
pour la Nation. Il ne fait que s’enrichir et ignore beaucoup, il est très loin de la gestion de la Nation pour le bien du Peuple.
Qui est cette fauve qui est entrain de faire gâter le pays que meme le Premier Ministre Burundais, qu’on croyait plus puissant que Jésus-Christ, ne peut pas denoncer?
Qu’attend le gouvernement pour dissoudre l’Anagessa?
Vous admettez que le ministère en charge est incapable de le faire fonctionner.
Dissolvez le.
Full Stop.
Comme vous êtes incapable de sanctionner les mauvais gestionnaires, arrêtez au moins l’hémorragie
Est ce que le premier ministre mesure la gravité de ce qu il dit
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J’évite de les citer nommément, mais je les connais très bien »
Lors de cette réunion, le Premier ministre a avoué que ceux qui importent les médicaments au Burundi sont tous connus. « Il y a, par exemple, une autre société qui importe ces médicaments jusqu’à sa région natale. On vous dit que si tu ne passes pas par celui-là, les choses ne marchent pas. Mais si tu le côtoies, la livraison se fait facilement. » Et d’annoncer qu’il connaît très bien tous ces gens. « J’évite de les citer nommément, mais je les connais très bien. »
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Que font dans ce cas, le president et le premier ministre (Dans un pays normal)
Le ministre et tous les directeurs generaux qui gerent la SOBUCOV (Pardon ANAGESSA) doivent etre virés et on arrete cette honte puisqu on est inxcapable de gerer cela. Basta
Je pense qu’Il sait bel et bien ce qu’il dit. Je pense qu’Il n’est pas trop dans le business d’enrichissement illicite mais avec sa position, qu’il est dans la position de savoir qui fait quoi. Le système est à l’heure de la vérité, ceux qui travaillent pour l’enrichissement personnel illicite au lieu de travailler pour le bien du Peuple sont plus forts et sont très liés au haut sommet de l’Etat. L’aveu du PM veut dire qu’il se sent incapable d’agir parce qu’empêché par ce haut sommet et ses faucons.
1. « le truquage de la balance lors de l’achat des graines de maïs… »
2. Jewe kera nkiri nko mumwaka wa 4 canke 5 wa primaire dawe twarajanye kw’isoko kugira ngo ndamurabire ko abadandaza ba Association des commercants burundais (ACB) (bazana ama camion kugasoko gashasha kari kumusozi uri imbere y’uwiwacu) batamuhenda, batamwiba kw’ikawa yiwe yahashoreye. Namubwiye ko vyose ari sawa, ko bamupimiye neza, kandi ntarinzi n’ingene iminzani y’abo badandaza yakora n’ingene bashobora kuyizirika. Niyumvira ko mubuzima bwanje ari ico gihe kimwe nahenze uwo muvyeyi wanje, kandi n’ubu ndacavyicuza. Iyo aba akiriho nomubwiza ukuri kandi nkamusaba ikigongwe.
Haheze hafi y’imyaka 60 ivyo bishitse, birababaje kumva ko n’ubu umunyagihugu bakimwiba kutuntu yashoboye kwimbura akadushora kw’isoko.
@Stan, la manipulation de la balance etait une pratique courante chez les commercants greco arabes pdt la saison cafe. Tu n,as pas menti a ton pere puisque le » Kuzirika umunzani » etait une astuce cachee( un cote arayizirika pour ne pas pencher en equilibre, rimwe na rimwe akagozi akagafatisha amano y,ibirenge ntubibone)d,autant plus que les vendeurs etaient analphabetes. Adolescent, en 5e primaire , ntiwashobora kubibona.
@John
Wewe sha mbona ivy’iminzani ubizi neza nkeka waradandaje (ukiri muto?).
None nk’ubu Reta vyayinaniye kugura umwimbu w’abanyagihugu (kandi yari ikwiye kugira experience y’umwaka uheze) none izokwitwaza iki mukubuza abadandaza ko aribo bagura umwimbu w’abanyagihugu?
Reta yatanguye ivuga ngo iriko iragira stock strategique, mugabo iyo Reta nyene irafise uruhara mugukena kw’ivyokurya kuko ivyo bigori vyaboreye muri bigega vya Reta.
Mbega iyo abakozi ba Anagesa bapimiye nabi umunyagihugu, mbega quantite bivye baca bayitahana muhira canke banotora/baca biba amahera angana n’ivyo bivye umunyagihugu.
Mumezi aheze narabonye fraude ya essence kumupaka wa Venezuela na Colombie aho ubona ko abanyagihugu bategerezwa kuja muri fraude kuko Reta vyayinaniye gutunganiriza abanyagihugu ijejwe (la fraude me semble etre justifiee dans un cas pareil).
None uwo muntu/abo bantu Premier Ministre avuga ko azi ariko agatinya kudomako urutoki ni nde/ba nde ga yemwe ???? Soit ni umwe bita « en haut » tutazi izina kugeza ubu ou alors ni uwo babana canke bakorana 🙂 ! Ivyo ari vyo vyose asumvya inguvu Premier Ministre turavye ukuntu atinya kumuvuga.
Nariko nirenganira!