Il y a quelques jours le Burundi recevait une aide du Japon constituée de riz. Il s’agit de plus de 5 mille tonnes et demie d’une valeur de 450 millions de yens soit l’équivalent de 450 mille dollars américains.
Enthousiaste et rayonnant, le ministre burundais de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage, arbore son plus beau sourire de même que l’ambassadeur nippon, Takayuki Miyashita.
Ils n’étaient pas les seuls à se réjouir de ce geste, combien louable. Dieu seul sait combien ce riz est une bouffée d’oxygène. A Kirundo au nord du Burundi, des centaines de familles crient famine.
Par désespoir, des hommes, en premier, abandonnent leur ménage pour tenter leur vie ailleurs avec l’espoir de revenir avec un peu de vivres. L’espoir fait vivre.
D’autres préfèrent carrément partir avec toute la famille laissant derrière eux leurs lopins de terre desséchés du Bugesera, la désolation quand la pluie se fait rare.
Craignant le pire comme dans les années passées avec les images de ces enfants faméliques aux cheveux et sourcils décolorés, le ventre ballonné dans des centres nutritionnels, la solidarité nationale s’est vite mise à l’œuvre. Des appels à l’aide pressants ont été suivis de quelques collectes.
Et ce n’est pas tout comme bouches à nourrir. Il y a ces milliers d’écoliers qui préfèrent quitter l’école, ne pouvant pas étudier le ventre vide. Les quelques cantines scolaires instaurées pour juguler ou pallier le phénomène d’abandons scolaires ne tournent pas à plein régime ou n’ont plus de subsides. Le rythme d’abondons scolaires est alarmant.
Cette petite collation faite de riz et de haricot, le seul repas pour toute la journée pour certains, avait plus ou moins pu stabiliser la situation et attirer les écoliers issus de familles vulnérables.
Dans sa magnanimité, Tokyo a entendu les cris des milliers de Burundais en proie à la disette et de ces écoliers obligés de faire l’école buissonnière. Mais à peine réceptionnés, ces milliers de sacs de riz alimentent d’autres appétits, d’autres priorités : le barrage de Kajeke pour l’irrigation des champs sur une superficie de 3 mille hectares. Un projet en panne après avoir coûté une bagatelle de 13 milliards de nos francs.
Une nouvelle tombe comme un couperet : c’est décidé et c’est officiel, ce riz japonais n’est pas destiné aux affamés de Kirundo encore moins aux cantines scolaires qui manquent de vivres.
Les milliers de sacs vus seront vendus sous l’œil vigilant du ministère des Finances. L’argent servira à dépanner ce barrage mal barré. Osons espérer que ces sacs ne sont pas estampillés : «Not for sale» comme ces fournitures humanitaires qui se retrouvent dans les rayons de nos boutiques.