Le thème du débat du jeudi 30 janvier 2020 était intitulé : «Mwezi Gisabo, le roi contesté : les failles dans le système d’accès à la royauté». Les jeunes ont débattu sur la guerre de succession entre Mwezi Gisabo et Twarereye, le conflit Batare-Bezi, les différentes rébellions qui ont caractérisé le règne de Mwezi Gisabo, etc.
«Est-ce que le mode d’accès au trône qui stipulait que le prince héritier devait naître avec des semences était unanimement accepté par tous. Il n’y avait pas des contestations ? » Telles étaient les questions posées aux jeunes. «Après la mort de Ntare Rugamba, son successeur devait être Twarereye. Mais, il y a eu des magouilles à la cour royale. C’est Bijoga, qui a pris par après le nom de Mwezi Gisabo, qui a été intronisé. Twarereye et ses soutiens ont contesté et un conflit a éclaté», explique Gilbert Nkurunziza, étudiant en Histoire. «Pendant ce conflit, Mwezi Gisabo, qui était très jeune, a été aidé par son frère-aîné, le prince Ndivyariye. Les troupes de Twarereye ont été vaincues à Nkondo et Twarereye a été tué», ajoute Eric Bizimana, étudiant en Histoire.
Pour Blaise Izerimana, cette guerre de succession ne pouvait pas manquer de conséquences. «Cette guerre a provoqué un conflit entre les Batare et les Bezi. Un conflit opposant deux lignées de la famille royale». Fidèle Bavumiragiye, étudiant en Sciences de l’éducation, n’est pas du tout d’accord. «Etant très jeune, Mwezi Gisabo ne pouvait pas régner. C’est le prince Ndivyariye qui a assuré la régence. Devenu adulte, le roi Mwezi Gisabo s’est inquiété de la puissance de son frère-aîné. Il a réussi à se débarrasser de lui. C’est à ce moment que le conflit Batare-Bezi est né».
Des rébellions tous azimuts
Le roi Mwezi Gisabo a fait face à plusieurs mouvements rebelles : Twarereye, Maconco, Kirima, etc. «Ntare Rugamba avait eu un autre fils avec une femme du groupe des Bashi. Il s’appelait Gihanamusango. Ce dernier voulait lui aussi le trône de son père. Il a été battu par les troupes de Mwezi Gisabo. Par après, son fils Kirima est revenu pour réclamer le trône», indique Ernest Murwaneza, étudiant en Histoire. «Le mythe de naître avec les semences avait été brisé avec le conflit Mwezi Gisabo-Twarereye. Du coup, n’importe qui pensait pouvoir être roi», fait savoir Samuel Mbonimpa.
«A voir comment Mwezi Gisabo est monté sur le trône, il n’avait pas une légitimité totale. Il était considéré comme un usurpateur. C’est pourquoi Kirima et Maconco se sont rangés du côté des colonisateurs allemands pour combattre le roi Mwezi Gisabo», ajoute Gilbert Nkurunziza.
Quid des conséquences de ces conflits sur la population ?
D’après ces jeunes, ces conflits ont eu des conséquences néfastes sur la population du royaume. «Ces conflits ont eu un impact sur la culture burundaise. La croyance en Imana et en Kiranga a perdu sa valeur. La cohésion sociale des Burundais a pris un grand coup», relève Emelyne Hakizimana, étudiante en Droit international. «Après la dislocation du mythe de naître avec des semences, la population a constaté qu’elle a été dupée», renchérit Richard Nkurunziza.
Pour Zabulon Nshimirimana, licencié en Sociologie, ces conflits ont affaibli le pouvoir du roi. «Le système qui était verrouillé est devenu faible. Pour moi, les dissensions entre les Burundais proviennent de ces conflits. Les colonisateurs ont trouvé un terrain déjà déblayé pour diviser les Burundais».
Et les histoires de Hutu et Tutsi?
Nombre de ces jeunes pensent que le conflit Batare-Bezi est à l’origine de l’introduction des ethnies au Burundi. «Dans leur politique de diviser pour régner, les Allemands voulaient affermir leur pouvoir en s’appuyant sur les détracteurs du roi. Ce conflit Batare-Bezi est à l’origine de l’introduction des ethnies par les colonisateurs», lance Providence Niyogusabwa. «Dans le temps, un homme riche était appelé un Tutsi tandis qu’un homme au service d’un autre était un Hutu. En arrivant, les Allemands ont trouvé un peuple divisé. Pour nous diviser encore plus, ils ont introduit ces histoires de Hutu et Tutsi», fait savoir Lin Niyukuri.
Darcy Itangiteka, étudiant en Sciences politiques, ne trouve pas une corrélation entre le conflit Batare-Bezi et les ethnies. «Ces dernières ont été créés dans les années 1930. C’est l’œuvre des colonisateurs».
Plusieurs jeunes ont constaté qu’ils ont des informations différentes sur l’histoire du Burundi. «Il faut une étude approfondie afin que les jeunes aient une même lecture de notre passé. Il subsiste un flou autour des évènements du passé. Des écrits manquent. Je constate que les jeunes ont la soif de connaître notre histoire», relève Emelyne Hakizimana.