Le code du travail burundais de novembre 2020, prévoit la régulation du travail domestique. Néanmoins, jusqu’à ce jour, son texte d’application n’est pas encore prêt. Les travailleurs domestiques s’impatientent. Certains leaders de ces groupes de travailleurs épinglent beaucoup d’obstacles à son application.
« Nous avions apprécié son adoption. Mais, on n’a jamais vu son application », a déploré Claude Nshimirimana, un travailleur domestique rencontré jeudi 27 avril en zone Rohero de la mairie de Bujumbura. Il était à la recherche d’un nouvel emploi chez « Umwizigirwa services », une association qui encadre les travailleurs domestiques.
Pour lui, le code n’est pas encore respecté ni par les employeurs ni par les travailleurs domestiques. « Des fois, je travaille des heures et des heures par jour sans repos », a-t-il témoigné. Celui qui fait un travail de cuisinier indique que les travailleurs domestiques peuvent travailler jusqu’à 23 h, minuit, voire 1h du matin.
Il espérait que cela allait être banni par le nouveau code en vigueur. Les raisons de ce manque de repos, explique notre source, c’est qu’un cuisinier par exemple peut se retrouver en train de faire d’autres travaux domestiques : entretenir les jardins, nettoyer les voitures ou jouer le rôle de gardien, etc.
Fabienne Iradukunda, une gardienne d’enfants rencontrée également en zone Rohero, s’impatiente aussi de la mise en application du code de travail de 2020 qui valorise le travail domestique.
D’après elle, la régulation des relations entre les travailleurs domestiques et leurs employeurs est très nécessaire. « Certains employeurs maltraitent leurs travailleurs, en les rabaissant par exemple, ou en les privant de la nourriture », explique cette jeune gardienne d’enfants.
Elle indique en outre que les travailleurs domestiques ne sont pas aussi tous des enfants de cœur, car ils peuvent causer des ennuis à leurs patrons. Elle demande une application totale du code du travail. Car, pense-t-elle, les maltraitances diminueraient.
« Une application difficile »
Alexandre Niyongabo, président de l’association « Umwizigirwa services » estime que le code du travail qui donne une considération au travail domestique est une bonne chose.
Néanmoins, il trouve aussi que le gouvernement n’a pas encore décidé de son application. « Peut-être, il va montrer comment il sera mis en application », espère M. Niyongabo. Il juge pourtant qu’une application à 100 % de ce code est très difficile.
Il avance que les travaux domestiques sont faits par des personnes illettrées qui ne pourront pas réclamer leurs droits. Il insiste sur le fait qu’il faut d’abord leur donner des formations pour qu’ils puissent valoriser leurs métiers : « La plupart ne les considère pas comme un métier. »
Celui qui a déjà encadré plus de 7 000 travailleurs depuis 2012 fait savoir que la plupart ne travaillent pas correctement. Ils pensent à d’autres métiers et font les travaux domestiques par ce qu’ils manquent autre chose à faire. Et de préciser qu’ils ne sont pas intéressés par des contrats sérieux qui durent dans le temps.
Il informe que dans les 7 000 travailleurs qui ont été encadrés par son association depuis 2012, il ne peut pas trouver 2500, qui continuent leurs métiers. « Leur mouvement est vraiment difficile à contrôler ».
Evariste Nzeyimana, lui, est président de l’association « Iterambere mu rwaruka services » qui accompagne des gens à la recherche de petits métiers domestiques. Depuis juin 2021, son association a déjà trouvé du travail pour plus de 1450 personnes. Il estime que le code est respecté dans certains cas où un domestique et son futur employeur négocient sur les travaux à effectuer. « S’ils se mettent d’accord cela est mis dans le contrat ».
Mais, il indique qu’il sera difficile que le code soit respecté par les travailleurs domestiques. « Difficile par exemple de respecter les heures de travail », souligne-t-il.
Toutefois, fait-il remarquer, il y a une certaine amélioration dans le respect des droits des travailleurs domestiques.
« Maintenant, peu d’employeurs peuvent oser malmener leurs travailleurs domestiques », indique notre source.
Un handicap de changer trop souvent d’employeur
Evariste Nzeyimana juge qu’il très difficile que le code puisse garantir aux travailleurs domestiques les droits qu’il attribue à d’autres travailleurs. Il se demande comment un employeur pourrait cotiser pour la sécurité sociale pour un travailleur qui n’est pas stable : « Certains travailleurs domestiques passent au plus, deux mois dans un ménage. C’est très difficile. »
Le fait que la plupart de ces derniers n’ont pas été sur le banc de l’école, fait-il observer, constitue un obstacle majeur. « Notre expérience nous montre que ceux qui ont été à l’école prennent au sérieux leur travail, et ne migrent pas souvent d’un employé à l’autre », affirme Evariste Nzeyimana.
Pour lui, seuls les travailleurs domestiques lettrés et qui respectent leurs métiers peuvent faciliter le gouvernement à mettre en application le nouveau code qui régit aussi les relations entre les travailleurs et les employeurs de maison et le secteur informel.
Rappelons que le code du travail révisé a été promulgué en novembre 2020. Parmi les innovations phares, figurait justement la prise en charge des employés de maison. Mais jusqu’ici, l’innovation reste inappliquée.
Contacté, le porte-parole du ministère de la Fonction publique, du travail et de l’emploi, a indiqué qu’il manque encore un texte d’application dudit code : « Il est en train d’être préparé au niveau du ministère. »