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Politique

Droits de l’Homme/ Muyinga : Les opposants de Gasorwe dans l’angoisse

28/09/2018 Commentaires fermés sur Droits de l’Homme/ Muyinga : Les opposants de Gasorwe dans l’angoisse
Droits de l’Homme/ Muyinga : Les opposants de Gasorwe dans l’angoisse
Gasorwe, où certains habitants disent vivre dans la peur pour avoir dénoncé les exactions des Imbonerakure

Certains membres de la coalition Amizero y’Abarundi de la commune Gasorwe vivent la peur au ventre depuis fin août pour avoir dénoncé leurs agresseurs affiliés au parti au pouvoir. L’administration parle d’un conflit apolitique.

Joseph Kangoye (52 ans), cultivateur et marié n’y va pas par quatre chemins. Il affirme que lui et ses amis craignent pour leur intégrité physique depuis qu’ils ont été passés à tabac par des jeunes affiliés au parti Cndd-fdd : « Mes amis et moi-même avons dénoncé ce passage à tabac et depuis nos agresseurs jurent de nous traquer et de nous faire du mal. »

D’après lui, ceux qui sont visés, à part lui, sont Melchiade Sindayigaya, Fabien Karimunda, un certain Miburo et Ruhara, tous de simples paysans. Ils habitent tous sur la colline Jani de la zone Bwasare en commune Gasorwe (Nord-est du Burundi).

L’affaire remonte au 30 août 2018. Joseph Kangoye affirme avoir été battu à mort en pleine journée : « Je rentrais du champ vers 10 heures lorsque je suis tombé sur une connaissance qui m’a révélé qu’il y avait un plan pour tabasser tous les opposants de la colline Jani. »

Arrivé à la maison, poursuit notre source, un certain Buduru se présente et commence à lui causer de tout et de rien. Il ne se doute de rien : « Je savais qu’il est parmi ceux contre qui ma connaissance m’avait mis en garde, mais vu l’heure, je ne croyais pas que quelque chose pouvait m’arriver. »

Quelques minutes après l‘arrivée de Buduru, Iddy Niyonzima, responsable du parti Cndd-fdd sur cette colline, Vincent Ndikumasabo, chef des Imbonerakure sur place, un certain Ndayizeye et cinq autres jeunes gens qu’il ne connaît pas font irruption chez lui : « Ils m’ont ligoté sans aucune autre forme de procès et m’ont dit de les suivre. Je pensais qu’ils allaient me tuer. »

L’agression

Aucune réponse : « Je leur ai demandé s’ils avaient un mandat pour m’arrêter. Ils ont rétorqué que ce mandat me sera montré une fois arrivé à destination. J’avais de plus en plus peur. »

Malgré les cris de secours, personne n’intervient et le groupe l’embarque. Toutefois, confie Joseph Kangoye, son épouse et sa belle-sœur suivent le mouvement à distance. Arrivés à trois mètres de son domicile, les jeunes Imbonerakure ordonnent aux deux femmes de retourner à la maison. Celles-ci refusent et rétorquent qu’elles veulent savoir où ils comptent l’amener : « Ils lui ont sauté dessus et l’ont battu. Après ils se sont mis à me tabasser sérieusement et m’ont laissé pour mort, puis ils sont partis. »Après le départ des Imbonerakure, les voisins décident de transporter la victime au dispensaire de la zone Bwasare.

Entretemps, le même groupe d’Imbonerakure se rend sur la sous-colline Kabamba. Il attrape Fabien Karimunda chez lui. Un certain Ruhara est appréhendé dans un bistrot à Jani. Les deux hommes sont conduits dans un boisement appelé Mukabingo où ils sont sérieusement tabassés. « Ils n’ont arrêté que lorsque Fabien Karimunda a crié que son bras droit venait d’être cassé », confie l’intéressé.

Dans la foulée, les victimes portent plainte auprès de l’Opj (officier de police judiciaire) de Gasorwe : « Il a appelé Joseph Ndayizeye, chef collinaire de Jani et lui a intimé l’ordre de conduire ces Imbonerakure au poste de police, mais ils ne sont jamais venus. »

La plainte

Une semaine après les faits, les victimes se rendent au commissariat de police de Muyinga : « Après avoir écouté notre mésaventure, Jérôme Ntibibogora, commissaire provincial de la police nous a conseillé d’aller directement au parquet. »

Jean Claude Barutwanayo: « Il s’agit des problèmes de voisinage liés à l’ivresse comme il y en a partout dans le monde. »

A son tour, Vincent Uwitonze, procureur de Muyinga les écoute attentivement et délivre des mandats d’arrêt contre leurs agresseurs : « Nous avons présenté ces mandats à l’Opj et à Jean Claude Barutwanayo, l’administrateur communal de Gasorwe, mais rien n’a été fait et nos bourreaux circulent librement. »

Le 8 septembre dernier, font savoir nos sources, Jean Claude Barutwanayo les convoque finalement : « Il nous a dit qu’il voulait écouter notre version des faits. Nous y sommes allés. Il nous a écoutés puis nous a dit de rentrer. »

Deux jours après, l’administrateur communal reconvoque les victimes. Il leur explique qu’il ne peut rien pour eux s’ils n’adhérent pas au parti Cndd-fdd : « Il nous a expliqué que la seule manière pour que justice nous soit rendue est de devenir membre du parti au pouvoir. » Après, cet entretien affirme nos sources, l’administrateur a donné 20 mille Fbu à Fabien Karimunda pour qu’il aille faire soigner son bras cassé.

Actuellement, les victimes ont décidé de porter l’affaire à la commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH). Elles indiquent qu’un des responsables provinciaux de cette commission leur a donné un document sous plis fermés à remettre à l’administrateur communal et à l’Opj : « Comme nous ne savons pas lire, nous ignorons ce qu’il y a dedans, mais nous attendons la suite. »

Le démenti

En attendant, ils disent craindre pour leur vie : « Nos bourreaux disent partout que toutes ces plaintes n’aboutiront à rien et jurent de nous faire la peau au vu et au su de tout le monde. » Du coup, certains ne passent plus la nuit chez eux de peur d’être appréhendés par ce groupe d’Imbonerakure. Et pour cause, un certain Ramadhan Barigenza de Kabamba, parenté de Fabien Karimunda, a été tabassé chez lui par le même groupe sans que personne ne lève le petit doigt. Et de conclure qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer.

Contacté, Jean Claude Barutwanayo, administrateur de la commune Gasorwe s’étonne des propos de ceux qui se disent persécutés. Il reconnait certes les agressions dont ont été victimes certains habitants, mais rejette le caractère politique derrière. « Ces gens sont venus me voir et j’ai transmis leurs doléances à l’Opj, mais à mon grand étonnement, ils se sont rendus au parquet deux jours après sans que l’Opj ait fait quoi que ce soit. Je pensais que l’affaire était close.»

L’administrateur de la commune a tenu une réunion de sensibilisation à Jani dans la foulée des évènements : « Je l’ai fait pour calmer les esprits et je me suis rendu compte qu’il s’agissait des problèmes de voisinage liés à l’ivresse et à des malentendus comme il y en a partout dans le monde. » Sinon, martèle-t-il, la population vit en harmonie à Gasorwe et personne n’est persécuté contrairement à certaines affirmations.

A la question de savoir la suite réservée aux mandats délivrés par le parquet de Muyinga et la correspondance du bureau de la CNIDH, Jean Claude Barutwanayo, affirme n’avoir vu ni mandats ni correspondance : « Je n’ai rien reçu de tel. »

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