Transférés tardivement dans des hôpitaux spécialisés, deux prisonniers séropositifs, respectivement de la prison de Rumonge et Mpimba ont succombé à leur maladie. Les activistes luttant pour les droits des prisonniers lancent un cri d’alarme.
Muco (pseudo) n’a plus la force de se lever de son matelas. Depuis, son incarcération à Mpimba en 2015, c’est la 2 ème fois qu’il fait une rechute de sa tuberculose.
La cause : il est porteur du VIH/Sida. Dans l’autre cellule, Kana, un de ses amis, son état s’est quelque peu amélioré. Bien qu’usé par une toux permanente, il a une mine gaie. «Le traitement commence à répondre », lance un infirmier dans le couloir. Il confie qu’après le dépistage, Kana n’a pas tardé à prendre les médicaments.
Ce jour-là, les deux prisonniers sont programmés pour une batterie d’examens médicaux approfondis à l’Hôpital Prince Régent Charles.
Une chance que n’a pas eue Dio. Ce prisonnier est décédé le mois dernier. Foudroyé par un paludisme pernicieux. Sans régime alimentaire spécial, trois jours ont suffi pour qu’il tombe presque dans un état comateux. « Il avait une inappétence aiguë. Dans pareils cas, lorsqu’on est séropositif, l’on est la cible de toute sorte de maladies opportunistes », raconte l’infirmier. Il fait savoir que ces fonctions rénales se sont altérées. « La décision de le transférer est intervenue alors qu’il ne lui restait plus que quelques minutes à vivre.»
Quant au vieux Arcade, détenu à la prison de Murembwe en province Rumonge, il est mort après avoir passé deux semaines à l’Hôpital de Rumonge. « Là aussi, son transfert a pris du temps », indique notre source.
Les détenus sous trithérapie (molécule contre le VIH/Sida) assurent qu’ils ne reçoivent plus de suppléments alimentaires. D’après eux, cela explique pourquoi ils tombent tout le temps malades. «Compte tenu de notre statut sérologique, nous avons droit à 100 grammes de haricot et 100 grammes de farine de manioc comme supplément ».
Depuis une année, affirment-ils, nous avons à peine de quoi mettre sous la dent. Une situation intenable, car, avant de prendre le traitement, ils doivent bien manger au risque de subir ses effets secondaires, tels que les brûlures d’estomac. Plus que tout, ils demandent une permission de faire entrer le sucre. «Il est capital pour notre survie en ce milieu».
Délaisser pour autant ?
Pour Tidian Ishimwe, conseiller social au sein de la Direction générale des affaires pénitentiaires(DGAP) n ce sont « des plaintes infondées ». Il indique qu’actuellement des conventions entre le ministère en charge de la Justice et celui de la Santé publique ont déjà été signées. « Le but est que chaque détenu en cas de besoin soit hospitalisé, quand bien même il n’a pas de caution. ». Quant au refus des produits sucrés dans les milieux carcéraux, la réponse est claire : « Après des enquêtes, nous avons découvert que ces derniers sont utilisés dans la fabrication des boissons prohibées, telles que l’Ikibarbe, Umunanasi, etc.» ( des alcools fabriqués à base de sucre)
Toutefois, il relativise : « Pour les mères qui allaitent et les nourrissons, ils ont une dérogation spéciale. » A propos des transferts tardifs, il précise que chaque transfert d’un détenu malade doit se faire dans le strict respect de la loi. « Normalement, chaque prison est dotée d’une infirmerie il revient à son personnel médical de constater le cas avant que ne soit décidée son transfert dans une autre structure sanitaire adaptée».
Mais, parfois, il avoue que, faute de gardes prisonniers de confiance, le transfert peut prendre du temps. « Tout cela, c’est pour éviter les évasions».
Le droit aux soins de santé, un droit inaliénable
« Auteurs de graves délits ou pas, les prisonniers, mis de côté la liberté dont ils ne jouissent plus ont droit aux soins de santé de qualité », martèle Jean Nayabagabo, coordinateur de la région Nord au sein l’Association des volontaires pour les droits des prévenus(AVDP).
Et quand un prisonnier est malade, souligne-t-il, sa vie est entre les mains de l’administration pénitentiaire.l’article 33 de la loi portant régime pénitentiaire le garantit. «C’est à l’administration pénitentiaire de pourvoir aux soins de santé des détenus.» Et d’ajouter : « Si besoin il y a, elle doit le transférer dans une structure de santé spécialisée.»
En outre, il précise que ce privilège est garanti par l’article 19 de la Constitution. Ce dernier stipule qu’en tant que signataire de traités, conventions internationales et autres chartes relatifs aux droits de l’homme, le Burundi se doit de procurer les soins de santé de base aux détenus.
En ce qui concerne ces transferts tardifs des détenus à l’hôpital, il demande que des enquêtes soient ouvertes. «A leur tour, les responsables doivent répondre de leurs actes, parce qu’au-delà de tout, ce sont des êtres humains qui sont morts, peu importe leur statut juridique».