Des jeunes filles sont embauchées comme employées à domicile dans les villes dont Bujumbura. Mais, à la fin du mois, ce sont les parents qui perçoivent leurs salaires. ‘’Une exploitation’’, dénonce la Fenadeb. Témoignages.
Elles sont nombreuses à vivre silencieusement cette situation. Anitha, originaire de Buganda, province Cibitoke. Elle travaille comme domestique à Kamenge, commune Ntahangwa. Agée de 15 ans, elle est arrivée à Bujumbura, en 2016 : « Je venais de terminer la 8e année. D’un coup, mes parents m’ont dit qu’ils n’ont plus d’argent pour supporter ma scolarité. Mon papa m’a dit qu’il m’a trouvé du travail en ville.» Aucune information ne lui a été communiquée sur son salaire. « Papa m’a juste signifié que je vais garder un bébé ». La patronne étant native de la commune Buganda, province Cibitoke.
Aînée d’une famille de sept enfants, Anitha va résister. Mais sous pression, elle finit par céder. En plus de garder le bébé, Anitha cuisine, fait la lessive, etc. Sidérée, elle confie que trois ans après, elle n’a jamais touché la totalité de son salaire. Pourtant, elle a beaucoup de besoins personnels.
A la fin de chaque mois, son père se pointe ou exige que l’argent lui soit envoyé. « Impossible de résister à ses appels intempestifs. C’est son enfant », glisse I.J., la patronne. Elle dit qu’elle n’a pas de choix : « Je ne fais que mettre en application la volonté de ses parents. » Après contestation, Anitha a eu finalement droit à 1/3 de son salaire. Le reste est envoyé à ses parents.
Elle n’est pas la seule à porter cette croix. Emelyne est originaire de Matongo, province Kayanza. A 14 ans, en 2017, son père l’a retirée de l’école. Tenaillé par la pauvreté, il force sa fillette à descendre à Bujumbura.
Aujourd’hui, elle est domestique, à Bwiza. Ce qui permet aux parents d’avoir 30 mille BIF par mois. « Un jour, j’ai exigé que le salaire me soit remis, mon père a menacé de me maudire, de ne plus me recevoir dans sa famille. » Orpheline de mère, Emelyne a obtempéré Pris de pitié, contre la volonté de son père, ses employeurs lui donnent 15 mille BIF par mois pour subvenir à ses besoins personnels.
« Un trafic interne des enfants »
« C’est une pratique condamnable, c’est un emploi illégal. C’est contre la loi et les droits des enfants », explique Isidore Nteturuye, coordonnateur national de la Fédération Nationale des Associations Engagées dans le domaine de l’Enfance au Burundi (Fenadeb). Par ailleurs, il signale qu’à l’âge scolarisable, l’enfant doit être normalement à l’école. « Il ne doit pas être contraint à un travail rémunéré».
Pire encore, ces enfants sont employés dans un domaine mal structuré, mal rémunéré. « Les gens se rabattent sur la main d’œuvre plus docile, gentille qui ne sait même pas revendiquer ses droits.» Il qualifie cette pratique de trafic interne des enfants. Dans le cas où ce sont des parents qui reçoivent les salaires, il s’agit, selon lui, d’un double crime. « Ces parents et les employeurs sont tous punissables. » Il rappelle d’ailleurs que si l’enfant n’est pas à l’école, l’âge requis pour être embauché est de 16 ans.
Pour combattre ce phénomène, il appelle la société à être très vigilante « car certains ont perdu le sens de responsabilité. Ils doivent être rappelés à l’ordre».
Dans cette lutte contre ce travail illégal, le rôle de l’administration est primordial. Aujourd’hui, via les cahiers de ménages, chaque chef de quartier ou de colline connaît tous ses habitants. Ce qui signifie qu’avec la volonté, il y a moyen de combattre cette pratique.