Hériter de la propriété foncière pour une femme suscite encore des polémiques. Les gens ne le considèrent pas de la même façon surtout quand il s’agit d’un terrain légué à leurs pères par leur grand-père. Au moment où certaines personnes y tiennent, d’autres, y compris les femmes, trouvent que cela peut être une source de conflits familiaux.
« Le garçon et la fille devraient recevoir la même part. », estime une femme native de la province de Kayanza. Elle donne une explication. « Une fille peut aller se marier dans une famille qui n’a pas assez de terre à cultiver. Si elle a le droit d’hériter dans sa famille d’origine, elle va pouvoir allez chez ses parents et cultiver. »
Elle trouve donc qu’une fille doit avoir un espace bien à elle sur la terre de ses ancêtres. Même si elle ne l’exploite pas cet endroit dans l’immédiat, elle peut, en attendant, le prêter à ses frères.
N.M, une femme travaillant dans une structure privée trouve que l’héritage offre une source de revenus ou de biens qui peut aider les femmes à s’affranchir de toute dépendance économique. « Avec cet avantage, elles peuvent entreprendre des projets personnels ou professionnels, investir ou épargner pour l’avenir, et faire face aux imprévus. », indique-t-elle.
Elle souligne que cela renforce leur capacité à décider de leur propre trajectoire de vie sans dépendre d’un conjoint, d’un parent ou d’un tuteur.
Dr Vénérand Nsengiyumva est sociologue, enseignant chercheur et chef du département de la socio anthropologie à l’université du Burundi. Il est aussi spécialiste en genre et justice. Il mentionne qu’entre 80 et 90 % de Burundais sont des agriculteurs. « Quand on parle d’héritage ici au Burundi, dans la plupart des cas, cela sous-entend la propriété foncière. Une femme ou une fille qui a un accès à l’héritage, elle va en tirer un bénéfice. »
Il précise qu’un terrain équivaut à un capital. La fille peut le faire louer à un tiers. Elle peut aussi faire hypothéquer cette parcelle pour recevoir un emprunt de la banque. Il ajoute que dans les ménages burundais, la femme s’occupe de chercher de la nourriture pour sa famille. Elle peut donc cultiver ce qu’elle veut sur son terrain, par exemple des légumes. « Il peut arriver que le mari décide de cultiver les plantes commerciales seulement dans les champs. Et cela fait que les cultures vivrières manquent.»
Des oppositions
Tout le monde n’approuve pas que la femme ait le droit de succession sur l’héritage familial. Une femme vendeuse de denrées alimentaires trouve que cela serait un problème pour des familles ayant de petites étendues de terre et de nombreux fils. « Une fille qui se marie ne peut pas revenir pour revendiquer une parcelle. Cela peut créer des conflits.»
Elle souligne que souvent, les frères n’acceptent pas de céder un espace à leurs sœurs pour qu’elles puissent l’exploiter. « Les gens vont même s’entretuer si cette loi est votée. Dans les milieux ruraux, cela n’est pas possible. Ce n’est pas le même cas à Bujumbura mairie, puisque la parcelle peut être vendue et les héritiers se partagent l’argent entre eux.»
Une autre femme commerçante au marché dit Cotebu estime que « cette loi va amener des problèmes dans les familles. » Cela va amener un désordre terrible. Elle explique. « Moi, je suis née à Ngozi. Chez nous, nous n’avons pas de grands terrains. Si je me marie dans une famille possédant de vastes espaces, mon conjoint va m’exiger d’aller chez moi demander une parcelle puisqu’il aura déjà cédé une partie à sa sœur.»
Elle trouve que cette mesure pourrait causer des déséquilibres. Selon cette commerçante, les filles ne vont plus facilement trouver un homme qui va les marier. « Leurs prétendants vont d’abord vérifier si leurs familles ont de grands espaces cultivables. », craint-elle.
Cela va créer une catastrophe dans le pays. « Je ne vois aucun intérêt dans la mise en place de cette loi .Cela pourrait même créer des divorces. Je suis contre cette idée. Si les terres des ancêtres sont partagées équitablement entre les frères et les sœurs, les hommes vont chercher à tout prix comment avoir des parcelles ailleurs pour combler ce manque. Donc cela va créer des violences dans les familles. Si cette loi est signée, que le gouvernement se prépare à construire beaucoup de prisons et beaucoup de tribunaux. Les plaidoiries vont se faire matin, midi et soir. »
Vénérand Nsengiyumva estime pourtant qu’on devrait mettre en place une loi concernant la succession pour les femmes et les filles. Afin d’éviter toute polémique, tout cela doit être consigné dans la loi. « Cela serait un grand progrès car les femmes et les filles auront l’assurance qu’elles peuvent aussi hériter au même titre que leurs frères ».
Moi, je suis pour l’égalité homme et femme.
Mais la problèmatique du morcellement des terres est extrêmement délicate.
Même la division des terres à l’infini entre frères est une bombe.
Le peuple burundais devrait y réfléchir longuement
Pour qu’elle puisse durer des siècles comme c’est le cas de la notre, une société doit mettre en place des règles acceptées par tous(du moins presque tous), et qui permettent de rester ensemble.
Autrement, la société se disloquerait.
Ainsi, donc, notre société a vécu tout ce temps grâce à des règles, qui ont toujours fonctionné. Parfois, faute d’histoire écrite, on ne sais même pas dans quel contexte cette règle ou celle-la a été établie.
Aussi, avant de changer une règle(ce est parfois nécessaire), il faut bien analyser, intérroger, analyser les règles connexe pour être sûr que la cohérence reste. Il ne faut pas seulement regarder les forces qui poussent à son changement(trop souvent ces forces viennet de l’étranger).
Sinon, on risque de détruire un des pilier sur lesquelles reponsent une société, et bonjour les dégats. On risque de ramener des problèmes que cette règle qu’on abroge avait résolu.
Souvenenez-vous qu’avant , la population avaient rarement des problèmes lorsqu’on devait gérer de succession à la cour. Cela se gérait entre les concernés. Aujourd’hui, on a changé les règles de succession sans apparement étudier tous les contours. Comme conséquence, chaque fois qu’approche la sucession au pouvoir, le burundi a peur.
Parfois ça se termine en catastrophe. N’aho rero n’ukugenda buhorobuhoro, ntimwumviriez abize gusa na rirya ar’inkehwa mu guhugu.
Je me demande même si la question de succession ne devait pas passer par un référendum, avant de passer par la sagesse des élus(imigambwe ikabanza ikabangira kur’ico kubazo)
@saleh
« Aujourd’hui, on a changé les règles de succession sans apparement étudier tous les contours. »
La question que je me pose: avons-nous essayé d’aller voir ailleurs comment ça se passe, pour qu’on ne soit pas contraint de ré-inventer la roue (malgré notre adage qui dit que « tenter d’imiter la démarche de quelqu’un d’autre fait mal aux jambes: ingendo y’uwundi iravuna »)?
« Tout le monde n’approuve pas que la femme ait le droit de succession sur l’héritage familial. »
Si l’opposition venait des hommes, cela se comprendrait car il y a de bonnes raisons. Par contre, que des femmes trouvent problématique l’égalité entre elles-mêmes et leurs frère relève de la violence symbolique telle que théorisée par P. Bourdieu. Pour le dire simplement, c’est l’exercice de la domination par un groupe social (dominant) avec la complicité des dominés qui la trouve légitime.
il faudrait peut-être organiser un référendum pour que les Burundais s’expriment sur la question mais je crains que les dominants ne l’acceptent pas.