Samedi 23 novembre 2024

Politique

Dossier manifestants : au-delà d’un jugement

Alors que les faits sont quasi identiques, le Tribunal de Grande Instance de la mairie a rendu des verdicts distincts dans le dossier des manifestants et celui des jeunes du parti MSD.

TGI, dossier prévenus MSD. Les avocats soulèvent des exceptions et nullités avant de claquer la porte du prétoire.
TGI, dossier prévenus MSD. Les avocats soulèvent des exceptions et nullités avant de claquer la porte du prétoire.

«C’est injustice. C’est révoltant. Le TGI de la mairie a condamné la plupart des prévenus pour manifestations à deux ans de prison alors que le même juge a prononcé la perpétuité contre nous. » Telle est la réaction d’un jeune du MSD, après le prononcé du jugement dans le dossier contre manifestants anti-troisième mandat, mardi le 24 novembre.

Pour étayer sa conviction, le jeune insiste sur le fait que les actes de jet de pierres et de cocktails Molotov contre les policiers commis par les manifestants étaient de loin plus répréhensibles que les échauffourées à la permanence du parti MSD, le 8 mars 2014. C’est dans la foulée de ces incidents que le TGI a condamné une quarantaine de ces jeunes.

Le détenu explique ce qu’il qualifie de jugements de deux poids deux mesures de la part d’un même juge par la sempiternelle rengaine de « l’indépendance de la magistrature ». Dur et ferme dans sa conviction, le jeune martèle : « Nous avons été condamnés à perpétuité pour la simple raison que nous sommes des militants du MSD, le parti dirigé par l’opposant Alexis Sinduhije. » Bien des avocats sont de l’avis de ce jeune. Quelques-uns des avocats pensent que le traitement différent des manifestants et des jeunes du MSD serait dû aux charges retenues contre chaque groupe par le ministère public.

Même réquisitoire pour des faits quasi similaires

Le ministère public poursuit les jeunes du MSD pour quatre infractions : rébellion, coups et blessures volontaires et outrages publics envers les policiers et participation à un mouvement insurrectionnel. Ces infractions sont punissables d’une servitude pénale respectivement de 10, 2, 3 ans et la perpétuité.

Fort curieusement, ce sont les mêmes faits qui sont reprochés aux manifestants. « Le ministère public dit que les faits tels qu’il les décrit sont constitutifs des infractions de participation au mouvement insurrectionnel ; outrage envers les dépositaires de la force publique et lésions corporelles volontaires au sens de l’article 597, 378 et 219 du Code pénal burundais, livre II ».

A bien analyser ces deux jugements, l’infraction la plus grave est la participation à un mouvement insurrectionnel qui est punie de la perpétuité, s’il y a usage des armes. Or,ce sont les manifestants qui ont fait usage d’armes (cocktails Molotov) alors que les détenus du MSD ont, certes désarmé un policier, mais n’ont pas fait usage de son arme. Mais paradoxalement, ce sont les jeunes du MSD qui sont condamnés à la perpétuité quand trois manifestants condamnés à la plus grave peine écopent de 5 ans de prison.

Bien plus, le ministère public avait requis la perpétuité pour tous les manifestants « suite à cette circonstance aggravante d’utilisation des armes » (article 598 al. 2 du Code pénal, livre II). C’est ce même article qui avait cloué les jeunes du MSD à la perpétuité.

« Le juge est souverain dans sa décision et une décision d’une juridiction ne peut être révoquée que par une autre d’une juridiction supérieure », répètent toujours les magistrats.


Effectifs des condamnés à la servitude pénale

Dossier détenus MSD : perpétuité : 22 ; dix ans : 10 ; cinq ans : 14.

Dossier manifestants : 6 mois : 1 ; 2 ans avec une année de sursis : 22 ; 2 ans : 102 ; 3 ans : 13 ; 5 ans : 3.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Bakari

    « « Le juge est souverain dans sa décision et une décision d’une juridiction ne peut être révoquée que par une autre d’une juridiction supérieure », répètent toujours les magistrats »
    Je suppose que les jeunes du Parti MSD n’ont pas (encore) épuisé toutes les voies de recours! Ils ne doivent pas se désespérer!
    Mais j’espère que leurs confrères qui restent libres ne participent pas dans les lancées de grenades sur les gens se trouvant dans les lieux publics tels que les magasins et autres les tavernes!

  2. roger crettol

    Bravo et merci, Iwacu, pour votre indépendance et votre courage.

    Il semble bien que, tout comme le Burundi sur le plan budgétaire, la magistrature burundaise agisse en pleine souveraineté et indépendance dans ses jugements …

  3. turagisangiye

    c’est certe etonant voir meme insensé de voir de tels cas dans la justice! mais figurez vous que nous sommes au burundi ou il n y a pas de justice mais plutot une autre chose q’on appelle justice qui sert au gouvernement comme un instrument trés utile à la r »pression des opposants! je l’ai dit et je le répète encore la justice burundaise ne mérite pas d’etre appelée la justice mais il faut chercher une autre appelation!

  4. MUGABARABONA

    Aujourd’hui, en qui peut-on faire confiance dans le pays de Mwezi Gisabo ? http://www.arib.info/index.php?option=com_content&task=view&id=13516&Itemid=1

  5. Butungane

    Oh pauvre pays, quelle justice, surtout apres autant d’aides investies dans ce secteur cle de la justice devenu de l’injustice?
    Tres complique ce 3 e mandat. Et ceux qui ont ete arretes, ligotes et tues par la police, sans aucune autre forme de proces? Je propose qu’une fois le temps normal revenu, on deterre la ou ils ont ete eparpilles dans la brousse, identifie ces victimes tuees et leur faimille respective procede a leur enterrement digne. Le mieux serait de le faire ensemble peut-etre.

  6. On a plus besoin d’entendre parler des dossiers clotures par la justice Burundaise. C’est un manque de respect envers les institutions competentes. Peut etre que vous voulez faire de la pub pour le MSD et/ou son Chef, mais, il faudra attendre 2020 pour que ces politiciens sans ideologie ou amour du pays puissent revenir dans la competion democratique.

    • Gisiga

      Le juge n’est pas un robot, il décide non seulemnt selon la loi mais aussi selon son intime conviction.
      Un juge qui décide selon la conviction d’une autre personne n’en est pas un. Malheur à ce juge car le jugemnt dernier sera très sèvere à son endroit.

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