Iwacu a appris avec tristesse la disparition d’Audace Bukuru, un manager hors-pair, connu surtout pour avoir sauvé de la faillite la Sosumo. Très ouvert, il recevait volontiers les journalistes. En hommage à sa mémoire, Iwacu publie le portrait que le journal avait fait de lui en 2013 et exprime ses condoléances à sa famille .
Audace Bukuru : l’homme qui sauva la Sosumo
Tombé par accident dans la Societé Sucrière de Moso (Sosumo) après 25 ans dans la banque, Audace Bukuru n’avait aucune envie de diriger la Sosumo : « C’était un cadeau empoisonné, l’entreprise coulait » se souvient le Directeur Général.
À la Sosumo (qui fêtait hier ses 25 ans), faute de sucre, il y avait des dettes. Et la facture était loin d’être sucrée.Plutôt salée. L’endettement global de l’entreprise revenait à environ 11 milliards de Fbu, dont près de 7 milliards à l’Etat burundais. Le défi à relever était donc de taille. « La situation de la Sosumo était jugée sans issue, même le personnel ne croyait plus à l’avenir de l’entreprise » se rappelle Audace Bukuru.
Pas de parasites dans mon équipe !
Mais, audacieux, Audace, c’est son prénom, ne cède pas à la panique. Il se dit prêt à se consacrer à cette entreprise, mais à une condition : qu’on le laisse choisir sa direction. « Je ne voulais de parasites dans mon équipe ! Il me fallait des gens instruits, intègres, qui ont de l’expérience, mais surtout des gens qui aiment travailler. » Raconte le D.G, sourire aux lèvres. En octobre 2010, le nouveau comité de direction entre en fonction, et en quelques mois, la situation change.La société se redresse.
La production de sucre passe de 14.137 tonnes à 20.501. Un an après, elle passe à 23.149 tonnes. Du jamais vu ! Et sur le plan financier, les résultats dépassent les espérances. La Sosumo, en un temps record, va apurer toutes ses dettes et verser près de 34 milliards de Fbu d’impôts et taxes au trésor public. Ses bénéfices nets atteignent près de 3 milliards de Fbu, contre 638 millions, soit une hausse de 289,9%. Un record depuis la création de la Sosumo et le début d’usinage du sucre en 1988.Au Burundi, le monde de la finance n’en revient pas !
Mais qui est Audace Bukuru ? Quelle est la clé de sa réussite ?
Le personnel de la Sosumo ne tarit pas d’éloge.C’ est un « Intumwa y’Imana » (un envoyé de Dieu). Ceux qui le connaissent bien racontent que c’est un homme « qui se fout du monde. Il fait ce qu’il a à faire, puis c’est tout ! »
De petite taille pourtant, Audace Bukuru, ne craint ni les menaces, ni les attentats (ratés) contre lui. Il n’hésitera d’ailleurs pas à supprimer certains avantages des membres du Comité de Direction, afin de réduire les charges, dès son arrivée à la tête de la Sosumo.
Il est né le 28 janvier 1962 à Vugizo, en province Makamba. Après des études secondaires à Bururi, il entre à l’Université du Burundi, dans la faculté des Sciences économiques et administratives, option économie politique et y devient assistant pendant 6 mois.
Il entame sa vie active en 1987, à la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE), où il est cadre au service crédit. Brillant, l’enfant du sud ne perdra pas le nord. Il est envoyé par la BNDE, dans des formations aux quatre coins du monde : Italie, Israël, France, Belgique, Bénin, Rwanda. Ce père de 3 enfants se souvient de son mariage en 1991 : « Une semaine après, je m’envolais pour la France, je n’ai même pas assisté à la naissance de ma fille aînée » se souvient il avec humour.
De 2003 à 2010, il entre au Fonds de promotion de l’habitat. Il sera président de l’association des banques financières, puis conseiller principal du 2 ème Vice-Président, chargé des questions économiques, avec à sa responsabilité 13 ministères. Un travailleur né : « Un bon Directeur vient au travail le premier, et rentre le dernier » voilà son principe. Et il va s’appliquer à changer la mentalité du personnel de la Sosumo. Plus question de venir travailler à 8h.. C’est un bourreau du travail. « Il faut travailler jour et nuit et cela paye», dit il.
Mieux, il crée un climat positif et les employés de la Sosumo deviennent conscients que l’entreprise leur appartient, et qu’elle doit être gérée en bon père de famille. Les représentants syndicaux vont retrouver leur rôle dans la gestion de l’entreprise, les doléances du personnel sont écoutées. Des mesures visant la revalorisation du niveau de vie des employés sont prises : augmentation des salaires de 60%, mise en place d’un fonds de pension complémentaire dans lequel l’employeur cotise pour l’employé, aménagement et viabilisation du site Gicaca, attribution des parcelles à un coût subventionné et enfin, la prise en charge des soins de santé à 90%. Le personnel est aux anges. Pour remercier « leur DG » adoré , ils vont se cotiser et lui offrir une génisse. Dans la tradition burundaise, c’est un symbole fort. « Il fallait lui montrer que nous étions tous reconnaissants de tout ce qu’il a fait pour nous. Nous lui devons tout » témoigne avec émotion N. E., employé dans le service entretien et réparation.
Et ce n’est pas tout. Aujourd’hui, il envisage l’extension des plantations de cannes à sucre et de l’usine. Une extension progressive dont l’objectif est de doubler la production pour passer d’une capacité de 22000 tonnes à 40000 tonnes. Pourvu qu’on le laisse faire, disent certains. Mais le Directeur des ressources humaines est confiant : « On ne change pas une équipe qui gagne ».
Note de la rédaction: Cet article date de 2013.