Vendredi 22 novembre 2024

Editorial

Diplomatie burundaise, le choix de la raison

02/06/2023 4

La visite du puissant ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov et le 21ème Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est, EAC, ont été les événements phares de la semaine.

Force est de constater que la présence du diplomate russe a volé la vedette au sommet régional, pourtant d’intérêt vital pour le pays et la sous-région…

Cela peut se comprendre. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a fait couler beaucoup d’encre. Alors qu’elle se déroule à des milliers de kilomètres, ses conséquences affectent les pays africains, dont le Burundi naturellement.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Je ne vais pas revenir sur le « nouvel ordre mondial » qui se dessine depuis quelques années, ce monde multipolaire, dont la Fédération de la Russie semble être le fer de lance à travers le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), en plein essor.

Déçus ou soucieux d’expérimenter d’autres alliances, plusieurs pays manifestent leur intérêt pour y adhérer. La Russie fait les yeux doux aux pays africains et cette visite pourrait s’inscrire dans cette politique, mais pas seulement.

N’oublions pas que le Burundi est frontalier avec la RDC, un pays très intéressant en raison de son sous-sol qui aiguise bien des appétits. Tiens, à propos des minerais, le Burundi n’est pas totalement pauvre aussi… Bref, les analystes peuvent faire plusieurs lectures de la visite du ministre russe.

En tout état de cause, c’est un bon point pour le ministre Albert Shingiro – qui aime répéter que le président Ndayishimiye est « le premier diplomate du pays » et que son propre rôle est « technique et administratif », avec sa belle formule que « le Burundi a choisi d’être du côté des solutions que d’être du côté des problèmes ». Une formule qui a le mérite de ménager certaines susceptibilités, occidentales notamment.

« Nous avons pris une position abstentionniste, une position de neutralité, de non-alignement pour éviter que ce conflit n’atteigne pas d’autres régions. C’est la position de la plupart des pays africains sur cette question », a expliqué le ministre burundais. Par ailleurs, « il appartient au Burundi de choisir des partenariats en tenant compte des intérêts vitaux de la population ».

Cette position de neutralité trouve écho chez un vieux routier de la diplomatie burundaise, l’ambassadeur Cyprien Mbonimpa qui reconnaît effectivement que « c’est une position sage … Le Burundi, comme d’autres pays, entretient des liens en fonction de ses intérêts. Le Burundi est ouvert à une coopération avec tous les pays du moment qu’ils respectent sa souveraineté. »
La diplomatie burundaise a fait un choix sage.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Kazatsa

    Vers 2025, les BRICS pourraient atteindre pratiquement un taux de 35%, alors que le PIB du G7 semble poursuivre sa chute, jusqu’à environ 28%. N’en déplaisent aux « maîtres du monde »

  2. jamahaar

    Un pays pauvre et enclave comme le Burundi n’a aucun interet a antagoniser les grandes puissances mondiales et membres du Conseil de Securite des Nations Unies. La politique du « Non-Allignement positif » lui procure plus d’avantages que l’allignement ideologique et economique a un bloc ou a un groupement de pays.Il faut toujours trouver la balance et le ton dans ce jeu de diplomatie pour la lutte des interets et d’influences souvent confluctuels qui ,des fois, use du baton et de la carrote, sanctions sanctions economiques, diploatiques ou un acces a une ligne de credits et d’aides de la part de la Banque Mondiale ou du Fonds Monetaire International.Heberger Mr Serguei Lavrov sur les bords du Lac Tanganyika ne suffit pas a lui seul.Le pays a besoin d’investissement, des capitaux etrangers pour lesquels les pays Occidentaux et la Chine occupent une grande place.La part de la Russie est tres negligeable dans ce domaine.C’est tout de meme un coup diplomatique du Ministre Burundais des Affaires Etrangeres;les petits pas qui conduisent aux pas de geants apres le gele et l’isolement consecutifs a la crise de 2015.Comme la Russie,le Burundi tentent de sortir du froid des sanctions occidentales et briser l’isolement en renouant avec les vieux amis ou recherchant de nouveaux partenaires dans ce monde en mutation.

  3. Jereve

    Je ne pense pas que ce diplomate chevronné qu’est Lavrov ait effectué un tel long voyage pour venir féliciter et soutenir le Burundi dans son abstentionnisme. Sans doute qu’il voulait plus que cela : on ne nous a pas dit exactement ce qui s’est dit dans le secret de Ntare House, mais on peut supposer en toute logique que Lavrov a essayé de convaincre pour avoir un « oui massif » en faveur de la Russie. Ce n’est pas pour rien qu’il a promis beaucoup de cadeaux. Toutes les options restent ouvertes: on peut persévérer dans « le choix de la raison », tout comme les lignes peuvent bouger, mais vers où? Top secret.

  4. Rududura Claver

    La répartition des richesses mondiales change de donne, l’Occident cédant sa place aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Ils commencent à dominer le G7, selon une étude de Refinitiv Datastream et Acorn Macro Consulting. En hausse constante depuis 1990, le taux du PIB de ces pays est maintenant à 31,5%, contre 30,7% pour le G7. 15 pays demandent leur adhésion aux BRICS. Ce qui peut être analysé dans leur prochaine rencontre en Afrique du Sud.

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