Les enfants issus d’une union libre éprouvent des difficultés pour hériter. Souvent, les mères ignorent leurs droits. Pour Déo Ndikumana, défenseur des droits de l’enfant, tous les enfants sont égaux devant la loi…
Longin Ndarigendere, chef du secteur Ruhinga, colline Cibare, commune de Muyinga n’y va pas par quatre chemins : « Le concubinage est une réalité dans cette localité. » Selon lui, c’est une union libre, hors mariage, caractérisée par une vie commune entre deux personnes, de sexe différent qui vivent en couple. Les enfants issus de ce genre d’union en souffrent car souvent les pères refusent de reconnaître leur paternité. Et par conséquent, ces enfants éprouvent des difficultés pour hériter, précise-t-il,
De plus, déplore M. Ndarigendere, les hommes qui vivent en concubinage, profitent de la naïveté des jeunes filles : « Ce sont des hommes qui ont de l’argent qui peuvent avoir des concubines. Les jeunes filles convoitent leurs richesses et acceptent d’avoir des enfants pour être entretenues. » C’est pourquoi, raconte le chef de secteur Ruhinga, que des animateurs communautaires en collaboration avec les administratifs donnent des conseils aux jeunes parents venus enregistrer leurs enfants à l’état civil.
Pour ceux dont les pères refusent de reconnaître la paternité, il indique qu’on fait appel à des témoins ou demander à la concubine de trouver des preuves qui attestent qui est réellement le père.
S’il est prouvé qu’il entretenait des relations avec elle, il est contraint de lui donner une pension alimentaire et de faire enregistrer l’enfant afin qu’il puisse avoir droit à son héritage: « S’il refuse, il est traduit devant la justice. »
Des enfants non enregistrés à l’état civil
Josiane Barengayabo, 19 ans est mère d’une petite fille d’une année. Orpheline, avant de mettre au monde, elle vivait un homme aisé qui l’hébergeait. Il a commencé à lui faire des avances. Josiane raconte qu’elle croyait qu’elle ne manquerait de rien.
Le père de son enfant lui a loué une maison. Ils vivent en union libre depuis la naissance de leur petite fille. Mais tout n’est pas rose, indique-t-elle, la première femme s’est jurée qu’elle n’accepterait jamais de partager les terres avec sa rivale. Elle estime que c’est elle qui est reconnue par la loi.
Josiane Barengayabo a peur que ses enfants n’héritent pas de leur père. Elle a fait part de ses inquiétudes à son concubin. Celui-ci lui aurait promis qu’il leur achèterait une parcelle afin de subvenir aux besoins de sa fille et d’un autre bébé qu’elle attend dans sept mois. Josiane croit en la sincérité de son concubin. Pourtant, le père n’a pas encore fait enregistrer la petite…
Violette Kantore, elle vit une situation assez complexe. Le père de ses trois derniers enfants est décédé. De son vivant, il ne les a jamais fait enregistrer à l’Etat-civil. Au total, elle a sept enfants, les quatre premiers sont issus d’un mariage légal. Son beau -frère lui a signifié que la terre qu’il a laissée appartient aux enfants issus de son mariage légal et que les trois derniers ne peuvent pas hériter. Violette Kantore ne sait pas à quel saint se vouer. Cultivatrice, elle peine à nourrir correctement ses sept enfants. Elle avoue ne voir aucune issue du problème d’héritage pour ses trois enfants.
Prouver l’existence de relations intimes
Chantal Banjunyuma, coordinatrice Centre de Développement Familial (CDF) de Muyinga précise que lorsqu’un homme refuse de reconnaître un enfant comme étant le sien, une action de recherche de paternité peut être engagée par la mère : « En cas de concubinage, la mère doit fournir toutes les preuves possibles de la paternité en prouvant l’existence de relations intimes. » Bien que ce soit difficile, faute de test d’ADN, Chantal Banjunyuma, indique que bien souvent des preuves ne manquent pas : « Parfois, ces femmes nous amènent des lettres qu’ils ont échangé ou des témoins peuvent attester qu’ils les ont vu ensemble. » De même, précise-t-telle, un enfant qui a atteint la majorité, peut aussi rechercher la reconnaissance de paternité.
Néanmoins, déplore-t-elle, ces concubines exigent seulement une pension alimentaire. Et souvent, elles ne veulent pas intenter des actions en justice pour réclamer de leurs maris une reconnaissance de paternité, car les frais de déplacements pour les démarches et autres papiers administratifs demandés leur coûtent chers. Ainsi, elles préfèrent tout laisser tomber.
Selon Chantal Banjinyuma, coordinatrice du (CDF) à Muyinga, des sensibilisations sont menées à travers toute la province pour le changement de comportement. Les thèmes débattus portent sur les droits de l’enfant et, surtout, celui d’être reconnu par le père pour qu’ils bénéficient de tous les droits comme les autres enfants issus des mariages légaux : « Nous leur expliquons les conséquences d’une non-paternité. L’enfant qui n’a aucun lien légal avec le père, n’hérite pas de lui. Le père ne lui doit non plus de pension alimentaire. »
Tous les enfants sont égaux devant la loi
Pour Déo Ndikumana, défenseur des droits de l’enfant, tous que les enfants, quelles que soient leurs filiations naturelles, adoptives et légitimes sont égaux devant la loi. Néanmoins, précise-t-il, ce qui différencie un enfant naturel d’un enfant légitime, est ce que ce dernier doit faire la recherche de la paternité.
Me Ndikumana indique qu’il existe un problème de représentation : « L’enfant lui-même n’est pas autorisé à saisir la justice. Ce lui qui doit agir pour le compte de l’enfant, c’est la mère car la loi est claire. » Si cette dernière ne le fait pas, c’est par ignorance des procédures ou par mauvaise volonté.