Alors que DFID, l’agence britannique pour le développement international ferme son bureau du Burundi à la fin de l’année, des députés britanniques, toutes tendances confondues, sont venus se rendre compte des conditions de vie des Burundais. Hugh Bayley, du Parti Travailliste, a accepté de témoigner pour IWACU.Pour lui, Londres devrait maintenir son aide bilatérale au Burundi.
L’avenir du Burundi est entre les mains des gens comme Bonose et Jacques, enseignants à l’école primaire de Gatabo, en province Karuzi. Ils travaillent de 7.30 du matin jusqu’à 17.00 et enseignent deux groupes d’élèves en double vacation. La semaine dernière, ces deux enseignants voient arriver un élève d’un tout autre genre- moi-même, un membre du parlement Britannique venu voir à quoi ressemble la vie dans un village africain. Ils seront pour moi des hôtes gentils et généreux et m’ont désormais parmi les leurs. J’arrive à Gatabo dans l’après-midi en compagnie du staff d’Action Aid, une ONG internationale qui m’a mis en contact avec Bonose et Jacques.Action Aid m’a également adjoint d’une interprète du nom de Natacha Akimana, étudiante en langue anglaise à l’Université du Burundi. Arrivés à Gatabo, nous nous rendons à l’école. Nous y croisons Jacques qui rentre de son lieu de travail. Nous nous dirigeons vers son domicile par un chemin longeant des bananeraies, des champs de manioc et de haricots. Dans une vallée située en deçà de sa maison, il me montre une source d’eau potable partagée avec les voisins. C’est une source fournie par CSV, une organisation non gouvernementale. Pendant que nous arpentons le sentier menant vers sa maison, Trésor, son fils de quatre ans court à notre rencontre pour saluer son père. Il est si timide à notre premier contact ; mais il se résout à me serrer la main et offre de me conduire jusqu’à sa maison où je trouve sa mère tenant la sœur de Trésor, une fillette âgée de trois mois.
Dans la peau des habitants de Karusi
L’on m’a présenté à Gislaine, une fillette de huit ans et nièce de Bonose ainsi que Joséphine, une employée de maison qui s’occupe des enfants lorsque Jacques et Bonose sont au travail. Nous nous asseyons à l’extérieur de la maison où nous avons les voisins du ménage y compris Benoît, le père de Jacques qui a été appelé pour me souhaiter la bienvenue. Nous écoutons la radio qui diffuse un mélange de chansons burundaises et de Reggae caribéen qui me mettent à l’aise. Fenella , ma femme est née dans les Caraïbes. Comme Jacques et Bonose, Fenella vivait dans une simple maison villageoise, sans eau ni électricité, avant de venir en Grande Bretagne à l’âge de six ans. Au coucher du soleil, Bonose va préparer le mets du soir faits de produits provenant des champs familiaux. Une casserole contient des bananes cuites à l’eau et huile de palme, le tout assaisonnée de sel. Une seconde casserole contient des légumes et du haricot. Il fait très noir quand nous passons à table pour manger à la lumière des bougies disposées dans le salon de la maison. Le repas est tellement délicieux. Je n’arrête de poser des questions : quelle est la fréquence des visites de Bonose à sa mère qui vit à Nyabibuye, village situé à 8 kilomètres ? Quelle est l’étendue de leur propriété agricole ? Où trouvent-ils le bois de chauffage ? Inlassablement, Natacha continue à traduire toutes mes questions ainsi que les réponses de Jacques et Bonose. Elle travaillera sans relâche pendant presque six heures avant que tout le monde tombe de sommeil, sous le coup de la fatigue. J’ai bien dormi et c’est le champ du coq qui m’a réveillé à 5.30 du matin. Aussitôt après, Jacques a allume la radio qui, cette fois-ci, joue de la musique européenne et même australo-britannique- Les Bee Gees’ « Massachussets », du soukouss congolais ainsi que des chansons religieuses du Burundi.Il fait encore sombre et je suis resté étendu dans mon lit guettant les lueurs de l’aube à travers les trous de la porte et les fentes minuscules du toit. Ces dernières ressemblent à des étoiles dans le ciel. C’est quelque chose que vous ne pouvez jamais voir en Europe vu que les réverbères brouillent la différence entre la nuit et le jour. Je me suis réveillé à six heures du matin et je rassemble mes maigres affaires. Je propose ensuite pde fendre du bois pour avoir de quoi préparer le petit déjeuner. Dix minutes plus tard, et tout en sueur, je n’ai hélas réussi qu’à couper deux ou trois morceaux de bois sur ce dur tronc d’eucalyptus. Jacques, qui m’a attendu patiemment, prend la relève et fend le reste du bois en un rien de temps. Inutile de dire que si la famille avait attendu que je fournisse le bois de chauffage, Jacques et Bonose seraient sûrement partis travailler sans prendre leur petit-déjeuner.
Plaider…
Pendant que nous mangeons – les restes du repas de la veille- Jacques me demande pourquoi j’ai choisi de venir m’installer au village. J’ explique que les Britanniques payent des taxes à notre gouvernement et qu’une partie de l’argent récolté est utilisé pour financer des projets de développement au Burundi. Je suis venu pour voir à quoi ressemble la vie dans un village africain mais également pour vérifier si les fonds consentis par la Grande Bretagne sont bien utilisés. Contrairement à quelques pays donateurs qui coupent drastiquement leur aide en raison des contraintes financières, la Grande Bretagne est entrain d’accroître son aide aux pays africains. Cependant, mon Gouvernement a décidé de réduire très considérablement son aide pour le Burundi. Il va plutôt accroître les montants d’aide en faveur de la République Démocratique du Congo, la Tanzanie et d’autres pays africains comme le Nigeria et l’Ethiopie. J’explique à Jacques que je suis venu pour décider si oui ou non je peux accepter cette décision de mon gouvernement. Je suis un parlementaire de l’opposition, membre du parti travailliste de Tony Blair et Gordon Brown. Je suis venu au Burundi avec une équipe de dix parlementaires de différents partis- six de la Coalition des partis conservateur et libéral sous la direction du Premier Ministre David Cameron et du Vice-Président Nick Clegg, ainsi que quatre parlementaires membres du Parti Travailliste de l’Opposition. Nous avons rencontré le Vice Président Gervais Rufyikiri, l’ancien Vice Président Yves Sahinguvu ainsi que les représentants des ONGs et autres organisations de la société civile, sans oublier Bernard Ntahoturi, Archevêque de l’Eglise Anglicane du Burundi, et d’autres agences d’aide comme les Nations Unies et la Banque Mondiale. Nous sommes de retour dans notre pays ; nous allons écrire un rapport à l’intention de nos Parlement et Gouvernement. Le rapport comprendra une partie portant sur les recommandations formulées dans le sens de montrer au gouvernement s’il a raison ou pas de diminuer l’assistance au développement à l’endroit du Burundi.
La coopération bilatérale
Dans tous les cas, la Grande Bretagne continuera d’appuyer le Burundi à travers les fonds que nous contribuons à travers l’Union Européenne et la Banque Mondiale. La Grande Bretagne est de loin le plus grand contributeur dans l’Association de Développement International de la Banque Mondiale qui appuie les pays plus pauvres dont le Burundi. La Grande Bretagne soutiendra également TradeMark East Africa déjà actif dans les efforts de réduction des coûts de transport des biens qui entrent et sortent du Burundi en passant par les autres pays de l’Afrique de l’Est. L’incertitude subsiste au niveau de l’aide bilatérale- nécessaire dans les secteurs de l’éducation, la santé et l’amélioration de la bonne gouvernance au Burundi. A ce stade, je ne saurais dire ce que notre comité va recommander à notre gouvernement parce que notre rapport n’est pas encore prêt ; mais il existe un consensus de la part de tous les parlementaires- coalition gouvernementale et opposition- sur notre engagement à demander à notre cabinet de continuer à réfléchir sur la décision qui vient d’être prise. La Grande Bretagne est connue pour sa politique d’assistance à l’endroit des pays en situation post –conflit ; et le Burundi en fait partie. Nous appuyons fortement la création de la Communauté Est Africaine et fournissons notre aide aux quatre autres pays membres à savoir le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda. D’où il serait judicieux de soutenir le Burundi également. Dans les prochains mois, nous allons débattre de tout cela au sein de notre comité et nous publierons notre rapport en Septembre ou bien en Octobre. Le gouvernement Britannique est prié de voir comment répondre à nos recommandations endéans deux mois ; par conséquent j’espère que la décision sera prise avant la fin de cette année. Ce que j’ai pu voir dans le village de Gatabo renforce ma conviction quant à la pertinence de continuer à fournir l’assistance au Burundi. Si jamais nous arrivons à convaincre le gouvernement britannique de revenir sur sa décision, nous serons certains de voir que le Burundi aura plus de chances d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le Développement, notamment l’éducation pour tous. Mes hôtes, Jacques et Bonose, travaillent d’arrachepied pour atteindre cet objectif dans leur village de Gatabo. Hon. Hugh Bayley