Aujourd’hui le couple a profondément évolué. Les fameux « liens sacrés » du mariage n’ont plus la côte. Qu’en est-il de la fidélité ? Est-elle amenée à disparaître ?
<img7572|left>A la différence de l’homme infidèle d’aujourd’hui, l’infidèle d’antan prenait les précautions nécessaires pour ne pas mettre en péril sa relation officielle. Désormais, c’est tout autre chose. Samedi soir, au terrain tempête, le célèbre Steven Sogo chante. Sur la piste, des gens crient, dansent, parmi eux, un couple. Bras dessus, bras dessous, ils ne semblent pas se soucier des regards indiscrets. Lui, Anatole (nom d’emprunt car il ne souhaite pas « s’afficher »), 45 ans, marié depuis 15ans : « Ma femme et moi, sommes devenus de simples amis, nous ne faisons presque plus l’amour… je m’ennuie ». Elle, Divine, 25 ans … sa maitresse.
Divine ne figure pas parmi les premiers de classe à l’école, c’est même plutôt le contraire. Elle n’ira d’ailleurs pas très loin dans ses études. Après avoir raté 3 fois sa 7ème année, elle est engagée comme serveuse dans un bar par un ami de la famille. Et ce fut le début de l’aventure. « C’est là que je me suis rendue compte que je plaisais aux hommes, surtout les hommes mariés », raconte-elle avec fierté. Très vite, elle laisse tomber le boulot de serveuse : « Cela ne payait pas assez, alors que {ikimanjema canje} (mon amant) me donnait plus de deux-cent-mille francs par mois ». Aujourd’hui, Divine a acheté une parcelle et habite avec deux autres copines à Kigobe, dans un appartement chic. Pour elle, sa relation avec Anatole, c’est du sérieux, Et d’ajouter : « Je sais qu’il est marié, mais cela n’est pas grave ».
Francine, 22 ans, est de celles qu’on surnomme les « TVV » (tardivement venues en ville). Au salon de coiffure chez Asha, elle refait sa coiffure pour la 5ème fois ce mois-ci. Elle a rendez-vous au Caoné : « Je parie que sa femme n’y a jamais mis les pieds », se marre-t-elle. Son amant ? Un jeune de la capitale, la trentaine, lui aussi marié, 2 enfants. Ça fait 3 ans que dure leur relation dont est « née » une belle petite voiture (surnomée {akakiryosha}, le "ki" remplaçant en kirundi le sexe féminin… Ambiance ! )
Entre eux, explique-t-elle, pas d’amour. Juste du donnant-donnant. « Il m’entretient, et je lui fais plaisir ». Voilà la clé de leur histoire.
Pour V.K., avoir un « deuxième bureau », c’est un petit plaisir qu’il s’accorde. Il estime que la fidélité est une valeur dépassée.« J’aime mon épouse, je pourvois au besoin de ma famille. Mais de temps en temps, j’ai besoin d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs que chez moi », explique le jeune homme, non sans gêne.
Un problème lié au statut et au rôle
Selon le psycho-sociologue, J-Bosco Ndayishimiye, la famille moderne connaît des transformations profondes où les fonctions et les rôles sont inversés. Les gens imitent ce qu’ils voient à la télévision de manière totalement « bête ». Pire encore, même les femmes rejoignent les hommes dans ces comportements déviants.
En outre, cette déviance est liée à un problème de comportement et d’attitudes, car, nous dit le psycho-sociologue, le comportement à trois origines : d’abord sociologique, lorsqu’il y a un problème de normes dans la société. Cela peut être une incompatibilité entre les règles, les valeurs et les statuts établis par la société, et nos propres valeurs ou celles de notre conjoint ou conjointe. Ensuite viennent les origines biologiques, qui elles, sont liées à l’organisme. Et enfin, les origines psychologiques, qui peuvent être causées par les violences psychiques. Cela peut être un environnement familial qui n’est pas sain, une mauvaise entente entre les époux, etc.
In fine, pour ce professeur, « si l’un des époux est frivole, c’est surtout à cause de l’autre conjoint. »Il poursuit l’analyse : « Il doit y avoir une incompatibilité des comportements, il faut donc rétablir un dialogue permanent entre les époux. Connaître les attentes de l’autre permettrait d’éviter ce genre d’incompatibilité. »
De moins en moins ressentie comme une norme sociale
Pour G.M, la fidélité est de moins en moins une norme sociale pour les jeunes générations, notamment les citadins, en raison de l’individualisme qui est un trait de la modernité. L’individu agit davantage en fonction de son intérêt et de son désir que des prescriptions morales du groupe social auquel il appartient. C’est pourquoi des hommes mariés en arrivent à afficher leur relation extraconjugale en public.
Par ailleurs, selon lui, dans le contexte de mondialisation ultralibérale, les gens sont incités au fonctionnement pulsionnel (je veux, j’ai envie, je prends).
Autrement dit, l’ultralibéralisme tend à ramener le sexe à un produit de consommation. « Ce fonctionnement pulsionnel est plus prégnant chez les plus jeunes ». Dès lors, indique-t-il, ils auraient tendance à multiplier les relations sexuelles par l’adoption de comportements qui brouillent les frontières entre le célibataire, le petit ami et le mari.