Le système politique de deux vice-présidences se justifie par un souci d’union nationale, avec un objectif de collégialité dans l’exercice du pouvoir. Inspiré de l’Accord d’Arusha, il vise une démocratie de consensus, qui ne repose pas sur le diktat de la majorité politique. Mais tout dépend de la volonté du Président de la République.
L’existence des vice-présidents est reprise par la constitution, en son article 122 : « La Constitution nationale précise que, dans l’exercice de ses fonctions, le Président de la République est assisté de deux vice-Présidents». Cependant, les vice-présidents appartiennent à des groupes ethniques, et des partis politiques différents comme stipulés dans l’article 124 de cette Constitution. Ainsi est-il tenu compte, dans leur nomination, du caractère prédominant de leur appartenance ethnique au sein de leurs partis politiques respectifs.
La constitution prévoit que le 1er Vice-président assure la coordination du domaine politique et administratif ; tandis que le second assure la coordination du domaine économique et social. Ils sont, cependant, tel que précisé dans l’article 123, nommés par le Président de la République, après approbation préalable de leur candidature par l’Assemblée Nationale et le Sénat, votant séparément et à la majorité de leurs membres. Ils sont choisis parmi les élus. Ces deux vice-présidents peuvent être démis de leurs fonctions par le Président de la république.
Quant à leur rôle, ils président le conseil des ministres sur délégation du Président de la République, et sur un ordre du jour déterminé. Ils prennent également, par arrêté, chacun dans son secteur, toutes les mesures d’exécution des décrets présidentiels.
D’un seul à deux vice-présidents
Dans la Constitution de 1992, l’exécutif compte un Président et un Premier Ministre, jusqu’en juillet 1996, quand Pierre Buyoya revient au pouvoir. Il nomme Firmin Ndimira comme Premier Ministre, mais sans l’assentiment du Frodebu. Ce parti négocie alors avec le pouvoir et l’on aboutit à l’Accord de partenariat politique interne pour la paix, en 1998, comme s’en souvient Jean Baptiste Manwangari. Il est alors institué un système de deux vice-présidences, qui correspond à la fin du gouvernement Ndimira. En juin 1998, se rappelle M. Manwangari, il est formé un premier gouvernement avec Pierre Buyoya comme Président de la République, Frédéric Bamvuginyumvira comme 1er vice-président et Mathias Sinamenye comme 2ème vice-président.
Plus tard, le 20 août 2000, l’Accord d’Arusha institue un système d’un président et d’un vice-président. L’esprit et la lettre d’Arusha sont d’avoir un exécutif d’union nationale, surtout dans un pays qui a une histoire de conflits et de divisions : « Il fallait une démocratie de consensus, qui ne repose pas sur le diktat de la majorité politique », souligne l’honorable Manwangari. Le système connaîtra trois tandems: Pierre Buyoya et Domitien Ndayizeye, puis Domitien Ndayizeye et Alphonse Kadege, et enfin Domitien Ndayizeye et Frédéric Ngezebuhoro. Il y a un souci de sécurité des groupes ethniques, qui se traduit par des garanties pour une partie et pour l’autre, sans que le système des pouvoirs ne les inquiète.
Un souci de collégialité du pouvoir
Un désaccord survient pourtant entre le Frodebu et l’Uprona, ainsi que les autres partis politiques, lorsqu’il s’agit de rédiger la Constitution de 2005. Domitien Ndayizeye et le Frodebu imposent encore deux vice-présidents, alors que logiquement la Constitution aurait dû continuer selon l’Accord d’Arusha. Mais le Burundi vient de se doter d’un système politique très rare, et unique dans la région. Pourtant, selon l’honorable Manwangari, c’est un système présidentiel qui se justifiait par un souci d’union nationale avec un objectif de collégialité du pouvoir. En effet, souligne le politologue Jean Salathiel Muntunutwiwe, l’institution des deux vice-présidences a été créée pour résoudre les problèmes de représentativité ethnique dans le pouvoir
Le Président et les deux vice-présidents forment la tête de l’exécutif. Normalement, il y a alors partage du pouvoir et des tâches, dans la mesure où ils forment ensemble le gouvernement. Ce partage suppose donc une coordination à trois, mais cela dépend du Chef de l’Etat. C’est un système qui peut être très bon ; car le pouvoir n’est plus entre les mains d’une seule personne et la gestion serait plus efficace, pense Jean Baptiste Manwangari : « Si la volonté politique n’est pas d’associer les vice-présidents, pour des raisons politiques ou autres, le vice-président peut jouer un rôle de figurant. » Pour M. Manwanangari, l’orientation d’Arusha avait une pertinence, mais les meilleures lois ne valent que ce que valent les hommes qui doivent les appliquer, sans qu’ils en détournent l’application.
Il indique que c’est politiquement nécessaire mais, « techniquement, ces institutions n’ont aucun pouvoir de décision sans l’aval du Président de la République, auquel la Constitution confère les pleins pouvoirs. »
Un seul poste au lieu de deux…
Anastasie Ndikuriyo, une vendeuse des fruits au marché de Kamenge, trouve que l’existence des deux vices-présidents, d’ethnies différentes, est l’une des possibilités de trouver les solutions aux conflits ethniques. Mais pour elle, c’est une discrimination à l’égard des femmes car, parmi les deux, on ne trouve aucune femme, comme l’avait fait le Président Melchior Ndadaye en nommant Sylvie Kinigi au poste de Premier Ministre.
Joseph Hakizimana, un étudiant de l’Université du Burundi, constate que les deux vices présidents occupent une seule place et considère cela comme une malversation économique. Pour lui, avec la situation actuelle, il n’y a plus de problèmes liés à l’ethnie ; par contre ce sont les problèmes politiques et économiques qui font couler le sang.
Pour Patrick Barutwanayo, un chauffeur de transport en commun, la création d’un poste de premier Ministre pourrait être plus pratique ; car la combinaison de ces postes pourrait servir beaucoup au trésor public : au lieu d’avoir deux logistiques importantes, c’est plutôt mieux d’en avoir une.