L’art de la conversation est en réalité fort difficile et fort délicat. Il s’agit, bien sûr, de parler à son interlocuteur. Mais s’adresser à lui après avoir tourné la langue sept fois dans sa bouche avant de s’exprimer. Ensuite, avoir une capacité d’écoute et d’analyse exceptionnelle pour enrichir l’échange d’idées.
C’est par un livre de moins de deux cents pages d’une grande densité et d’une souplesse d’esprit surprenantes qu’Antoine Kaburahe et Jean-François Bastin nous proposent une conversation de toute beauté. Le livre est de surcroît introduit et clôturé par deux plumes tout aussi prestigieuses car la préface est du président Sylvestre Ntibantunganya et la postface du professeur André Guichaoua. Je me suis gardé de lire les deux textes de peur d’être influencé par le regard averti de ces deux érudits du Burundi et du monde des media en particulier.
Les mots pour le dire
« Cinq ans d’éditoriaux & de réflexions : 2008 – 2013 » est un ouvrage qui d’une part compile les éditoriaux d’Antoine Kaburahe publiés dans le journal Iwacu et d’autre part ajoute à chaque texte une analyse de Jean-François Bastin – journaliste et réalisateur belge de renom – faite aujourd’hui en 2014 à posteriori. Tous les textes sans exception traitent du Burundi. Et ce qui est très frappant c’est la farandole d’expressions que les deux auteurs utilisent pour dépeindre les réalités du pays.
> Les éditions Iwacu publient le livre sur l’assassinat de Rwagasore, le « Lumumba burundais »
Beaucoup dépeignent la tristesse, frisent même le désespoir: douleur inextinguible/ risque de résignation/indigence des politiques/ impuissance victimaire/méfiance mutuelle/ maladie de la parlote/ la mendicité/ le désarroi/ la gloutonnerie/ l’arbitraire/ la corruption/ une sérénité cynique/ la loi du talion/ le dégoût/ le syndrome du mépris ou de la régression/ une rébellion diffuse/ la censure/ la manipulation/ la parodie de justice/ la perversion/ l’horreur/ l’immonde tuerie/ etc… D’autres formules, en revanche, éveillent les consciences et galvanisent l’esprit : nous refusons le silence/ une justice qui sait punir le coupable et protéger l’innocent/ refuser l’indifférence/ nous traquerons la vérité/ nous sommes tous concernés/ une leçon de patience/ de stoïcisme/ un effort de rationalité/ mon seul engagement, c’est l’information/ résister/ culture du dialogue/ les Justes/ le courage/ la vigilance/ le devoir de respecter la vérité des faits/ à nous d’anticiper/ à nous de compter de plus en plus sur nous/ faire une vraie introspection/ ne jamais céder à la tentation de l’indignation sélective/ fierté/ … Les mots sont là pour attester de la tension constante entre la laideur des faits et la beauté de l’espoir ; entre la tentation du découragement et la force de résister.
Éloge d’un homme et d’une plume
Résister, voilà le mot clé pour saisir la pensée d’Antoine Kaburahe. Et c’est Jean-François Bastin qui relève la récurrence du concept au fil du temps et des publications. JFB nous fait découvrir le patriotisme profond d’AK par les valeurs qu’il défend en toutes circonstances. AK ne hurle pas avec la meute ; face à un évènement, il recueille les faits, les analysent, médite avant de prendre parti. Et son parti est clair : la vérité. Et AK la recherche à travers la rigueur de l’enquête qui mène aux faits.
Une fois rassemblés, le devoir de journaliste est de communiquer ce qu’on sait au public : le devoir d’informer. JFB nous invite à apprécier à sa juste valeur la maitrise de la langue écrite par AK ; les mots sont choisis à bon escient, l’humour ou l’ironie, l’art de la litote ou de la distanciation chaque style est mis à contribution au nom de la justesse des réalités décrites, de l’argument – et parfois l’émotion – à partager.
Une critique à fleuret moucheté
Le dialogue entre les deux journalistes n’étant point immédiat, tout en ne se privant pas de critiquer son confrère quand il le juge nécessaire JFB le fait avec doigté car il se mesure à des textes préétablis. Quand une analyse est trop courte, JFB lui donne une perspective historique plus lisible et plus objective. Quand AK cite des auteurs d’un autre âge, JFB le ramène à des références plus actuelles et sans nul doute plus parlantes pour le public visé. Il lui arrive aussi d’être trop sévère à l’endroit d’un journaliste aux prises avec tant de paramètres à gérer avant de pondre un texte, d’opter pour tel ou tel sujet à traiter et défendre.
Lire cette conversation entre deux professionnels apportera à toute personne qui le fera non seulement un plaisir évident à lire de beaux textes, mais surtout à reconnaître la valeur et la profondeur des analyses d’Antoine Kaburahe mis en évidence par un éclairage subtil et profond de Jean-François Bastin.
Savoir converser est aussi un exercice éminemment démocratique.
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Iwacu iti: « ..Il s’agit, bien sûr, de parler à son interlocuteur. Mais s’adresser à lui après avoir tourné la langue sept fois dans sa bouche avant de s’exprimer. »
C’est exactement ce que moi, Vuvuzela, j’ai toujours fait! 100% d’accord.
Moi je pense que même en dehors de ce livre, Antoine Kaburahe en tant que homme de lettres et journaliste est un cadeau du ciel pour le Burundi surtout en ces moments où le pays traverse des moments d incertitude. je le connais moins en dehors de ses écrits. Mais quand je le lis, je découvre un homme intelligent, positif, réaliste, honnête et délicat qui sait surtout faire la part des choses . Mais surtout un homme qui aime son pays, qui lui veut du bien, qui le dit, qui l écrit peu importe qu on soit d accord ou pas d accord avec lui. Je souhaite que les gens puissants du pays le lisent ne fusse que pour leur culture générale et prennent le temps de réfléchir sur ses éditoriaux.
En bref umugongo wamuhetse uragahoraho. C est un digne fils du Burundi. Bandanya ufasha ton pays et ton peuple. Le pays voit. Moi même qui dis ceci, je ne t ai jamais rencontré. Je suis à l autre bout du monde dans un coin perdu de l Amérique du Nord. Mais la chandelle que tu essaies d allumer par ta reflexion m éclaire à des milliers de kilomètres.
Komera mwana wa mama
Merci A.K
Au fait ailleurs ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Mais chez nous, les dirigeants du parti au pouvoir perdent leur temps dans des chicaneries politiques et coups bas qui le discréditent en plus! En fin de compte, ils se réveilleront après 2015 et ils regretteront une occasion ratée!
L’art de l’écrit dans les mains d’un patriote au service de la nation!
Une bougie de vérité qui brille dans la nuit d’hypocrisies sur laquelle on allume les nôtres!
Une source sur laquelle s’abreuve les esprits soifs d’information vrai
qui coule dans la vallée des Mensonges !
Nous somme contents de voir des lettres sortir du clavier par tes soins pour former des mots et des phrases qui font la différence dans ton métier.
Longue vie à toi.
AK, ndakwemera jewe Murimiro!