Lundi 23 décembre 2024

Société

Deux ans et six mois d’emprisonnement

31/01/2020 Commentaires fermés sur Deux ans et six mois d’emprisonnement
Deux ans et six mois d’emprisonnement
Les quatre journalistes d’Iwacu, lors du procès du 30 décembre dernier.

Jeudi 30 janvier, le verdict tant attendu pour Agnès, Christine, Egide, Terence et Adolphe le chauffeur vient d’être rendu. Les quatre professionnels des médias viennent d’écoper de 2 ans et 6 mois d’emprisonnement.

A l’issue d’une audience publique tenue au tribunal de Grande Instance de Bubanza, les quatre journalistes d’Iwacu ont été condamnés pour « Tentative impossible d’atteinte à la sûreté de l’Etat » et sont tenus de verser chacun une amende d’un million de francs burundais. Seul le chauffeur Adolphe, en liberté provisoire depuis un mois, a bénéficié d’un acquittement. Quant au matériel saisi auprès des prévenus (Véhicule, téléphones, enregistreur, appareil photo et carnets de note), il sera remis à Iwacu. Absents lors de l’audience, les quatre journalistes d’Iwacu n’ont toujours reçu aucune notification de leur jugement.

Selon des sources présentes sur place, les juges du tribunal de Grande Instance de Bubanza se sont basés, pour rendre leur verdict, sur l’article 16 du Code pénal qui stipule : « Il y a tentative impossible lorsqu’un délinquant en puissance a fait tout ce qui était en son pouvoir pour commettre une infraction, alors que celle-ci ne pouvait se réaliser par suite d’une impossibilité qu’il ignorait ».

Retour sur un feuilleton judiciaire

Mardi 22 octobre. Vers midi, Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Terence Mpozenzi, Egide Harerimana et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza, débarquent à Bubanza pour enquêter sur des affrontements signalés dans la région de Bubanza. Une information qui circulait sur les réseaux sociaux depuis la matinée de ce mardi-là.

Arrivés sur le terrain, ils seront appréhendés avant même d’avoir commencé leur travail. Leur matériel de travail et leurs téléphones sont saisis.

Ils passeront leurs trois premières nuits sous les verrous du cachot du commissariat provincial de Bubanza avant d’être acheminés au commissariat communal. Là-bas, un cauchemar. Ils passeront une nuit blanche, impossible de bouger dans ces cellules exiguës. Aucune charge n’est jusque-là retenue contre eux.

Samedi 26 octobre, quatre jours après leur arrestation, le couperet tombe. Après avoir été entendu par le juge d’instruction au parquet de Bubanza, le procureur les inculpe pour « Complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. » Ils seront immédiatement transférés à la prison de Bubanza.

Jeudi 31 octobre, le parquet de Bubanza annonce le maintien en détention préventive d’Agnès, Christine, Egide, Terence et Adolphe.

Le Tribunal de Grande Instance de Bubanza

Mercredi 20 novembre, la Cour d’appel de Ntahangwa décide de maintenir la décision du parquet de Bubanza : les quatre journalistes sont maintenus en détention préventive, seul le chauffeur sera libéré provisoirement.

Le 30 décembre, à l’occasion d’une audience publique tenue au Tribunal de Grande Instance de Bubanza, le ministère public avait requis 15 ans d’emprisonnement contre les quatre journalistes d’Iwacu et leur chauffeur pour « Tentative de complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ».

Un message d’Agnès adressé à un confrère avait particulièrement retenu l’attention des juges. Elle avait écrit : « Nous nous rendons à Musigati ’pour appuyer la rébellion.»

« C’est un élément matériel prouvant la complicité des 4 journalistes d’Iwacu et leur chauffeur avec les rebelles », avait chargé le substitut du procureur de Bubanza.

Agnès Ndirubusa, juriste de formation et journaliste senior, responsable du service politique à Iwacu, avait expliqué que ce message destiné à un de ses confrères est à placer au registre de l’humour noir pour déstresser.

« Nous avons notre propre langage et il ne faut pas dissocier ce message de son contexte et le prendre mot pour mot. Si une maman dit à son enfant qu’il va le tuer, tout le monde sait qu’elle ne le fera pas », se défendra-t-elle.

Et ce n’est pas tout. « Le ministère public ne brandit que ce message en omettant un autre où je dis que ‘’Nous allons en découdre avec ces gens qui veulent perturber la paix et les élections’’ (Tugiye gutuza abo bantu bashaka guhungabanya amahoro n’ugutoba amatora) », avait ajouté Mme Ndirubusa.

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« La vérité finira par triompher »

Joint par téléphone, Antoine Kaburahe, fondateur d’Iwacu, s’est dit « choqué » et « attristé » par le jugement rendu. « Depuis trois mois, nous avons gardé confiance en une justice dont nous espérions un acquittement de nos collègues qui ne faisaient que leur travail», s’indigne-t-il. Tout en parlant d’injustice par rapport à cette condamnation, il a appelé les journalistes d’Iwacu à ne pas fléchir. «Nous allons interjeter appel, comme la loi nous l’autorise et poursuivre notre lutte pour le relâchement de nos chers camarades », a-t-il affirmé avec détermination. M. Kaburahe ne perd pas espoir et a estimé que « la justice dira le droit tôt ou tard » et que « la vérité et la liberté finiront par triompher ». Enfin, le fondateur du média indépendant a tenu à remercier les amis et soutiens d’Iwacu et leur a demandé « de rester mobilisés face à une justice qui est toujours loin de dire le droit ».

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